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juridiction est, en quelque sorte, un tribunal de famille, et le litige une affaire d'intérieur. En matière criminelle, devant la chambre du conseil et la chambre des mises en accusation, il y a également défaut de publicité; ce défaut de publicité, quelques graves controverses qu'il ait soulevées, paraît motivé par d'impérieuses nécessités sociales et de police. Les arbitres procèdent de même dans le secret du cabinet et sans publicité. En matière d'arbitrage volontaire, ce secret n'a pas besoin de justification, puisque les parties sont libres de déférer leurs litiges aux tribunaux ordinaires institués pour les juger; en matière d'arbitrage forcé, il se justifie pleinement par l'intérêt qu'ont des associés à éteindre sans bruit les débats qui naissent dans le sein de leur société à l'occasion des opérations sociales ; cet intérêt est même plus qu'une justification; c'est l'une des causes qui, dès 1560, ont déterminé le chancelier de Lhospital a déléguer les contestations entre associés à la juridiction des arbitres, comme celles qui survenaient entre mari et femme, père et fils, grandpère et petit-fils, frères et sœurs, neveux et oncles, etc. (Article 3 de l'ordonnance du mois d'août 1560, et article 83 de l'ordonnance de Moulins.)

Mais ces exceptions, et peut-être d'autres, loin de porter atteinte au principe de la publicité de l'administration de la justice, le confirment pour tous les cas auxquels elles ne s'appliquent point spécialement. La garantie de la publicité doit être réservée à toutes les contestations auxquelles la loi l'a accordée; et les juridictions qui, à raison de la nature de leurs attributions ordinaires, rendent la justice à huis clos, sont incompétentes pour statuer sur ces contestations. Dès lors, devant un conseil de préfecture, devant une chambre

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d'accusation, ou devant un tribunal arbitral, une demande en suppression d'un écrit produit dans la cause est incidemment élevée, le défendeur a droit de décli.. ner la juridiction devant laquelle cette demande se trouve ainsi portée, et de réclamer les garanties de publicité qu'elle ne saurait lui offrir.

Une demande en suppression d'un écrit diffamatoire fut faite en 1821 à la chambre des mises en accusation de la cour royale de Lyon, et cette chambre crut pouvoir, en statuant sur le fond, prononcer cette suppression. Mais son arrêt fut déféré à la censure de la cour de cassation, et il fut cassé, par décision du 7 décembre 1821, pour excès de pouvoir, fausse application de l'article 23 de la loi du 17 mai 1819, et violation de l'article 14 du titre 2 de la loi du 24 août 1790, notamment en ce que, les chambres d'accusation procédant à huis clos, l'article 23 de la loi du 17 mai 1819 ne peut recevoir devant elles son application et leur est absolument étranger.

Sous ce premier rapport, celui du défaut de publicité des plaidoyers et du jugement, il est donc évident qu'un tribunal arbitral serait incompétent, tout comme une chambre d'accusation, pour prononcer, en statuant sur le fond, la suppression des écrits injurieux ou diffa matoires produits devant lui.

Mais il y a plus: on ne pourrait à coup sûr compromettre sur une demande principale en suppression d'un écrit injurieux ou diffamatoire produit en justice; car c'est là une action du ressort de la police correctionnelle, si l'injure et la diffamation s'adressent à un simple particulier, et du ressort de la cour d'assises, si la personne diffamée exerce une fonction publique et est attaquée à l'occasion de l'exercice de cette fonction;

c'est une action qui touche au crédit moral du défendeur; qui a pour but de le faire déclarer diffamateur et de lui imprimer ce stigmate au front; qui conséquemment sort des limites de l'intérêt privé pour éveiller la sollicitude de la société, tutrice vigilante de l'honneur de tous et de chacun; qui, en un mot, est, par sa nature, sujette à communication au ministère public (art. 1004, Code de procédure civile): « Julianus indistinctè scribit : si per errorem de famoso delicto ad arbitrum itum est, vel de ea re de quá publicum judicium sit constitutum, veluti de adulteriis, sicariis et similibus, vetare debet prætor sententiam dicere, nec dare dictæ executionem. » (L. 32, § 6, ff. De Recept. qui arbit.) Or, si une telle action ne peut pas être l'objet d'un compromis, ne résulte-t-il pas évidemment de là qu'elle ne peut pas être du ressort des arbitres forcés? Car la loi ne saurait avoir délégué ellemême aux arbitres ce qu'elle défend de leur déléguer.

L'incompétence des arbitres, sous ce second point de vue, n'est donc plus seulement relative; elle est radicale et absolue.

Il y a encore une autre raison de décider qui mérite de fixer l'attention. Dans l'article 23 de la loi du 17 mai 1819, qui autorise les juges à prononcer, en statuant au fond, la suppression des écrits injurieux ou diffamatoires, dans ce même article, comme dans l'article 377 du Code pénal, il y a une seconde disposition qui n'est que la déduction et le corollaire de la première; de telle façon que, si les arbitres étaient compétents pour appliquer la première disposition, il n'y a pas de doute qu'ils le seraient pareillement pour appliquer la seconde.

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Cette seconde disposition est celle-ci : « Les juges pourront aussi, dans le même cas, faire des injonc

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» tions aux avocats et officiers ministériels, ou même les suspendre de leurs fonctions; la durée de cette suspension ne pourra excéder six mois; en cas de récidive, > elle sera d'un an au moins, et de cinq ans au plus. Or, pense-t-on que des arbitres, même forcés, puissent faire aux avocats et officiers ministériels des injonctions consignées dans la sentence? Pense-t-on qu'ils puissent les suspendre pour cinq ans, pour un an, pour six mois? Des arbitres, choisis par les parties, pris dans quelque classe que ce soit de la société, inhabiles parfois à apprécier autre chose que l'objet spécial de la contestation qui leur est soumise, tout à fait ignorants peutêtre, étrangers même, pourraient, sans serment préalable, sans publicité, sans une connaissance suffisante quelquefois et des finesses de notre langue et de la tolérance de nos usages judiciaires, infliger à un avocat et à un officier ministériel, une condamnation flétrissante et de nature à porter une funeste atteinte à leur avenir ! non, cela est impossible.

Si donc les arbitres ne peuvent pas suspendre les avocats et les officiers ministériels, en vertu du paragraphe 2 de l'article 23 de la loi du 17 mai 1819, ils ne peuvent pas davantage, en vertu du paragraphe 1 de cet article, prononcer la suppression des écrits injurieux ou diffamatoires qui sont produits dans la cause déférée à leur décision. Car l'article 23 de la loi du 17 mai 1819 est un seul tout qu'il n'est pas possible de diviser; ou bien il donne aux arbitres ce double pouvoir, celui de suppression des écrits diffamatoires et celui de suspension des avocats et des officiers ministériels; ou bien il ne leur donne ni l'un ni l'autre. Dans cette alternative, il n'y a pas à balancer sur le choix.

St.-Ch. CLERAULT.

IV. Un mari peut-il demander aux tribunaux la réduction de l'hypothèque légale de la femme, lorsque celle-ci refuse son consentement à cette réduction ?

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Par M. PARMENTIER, avocat à Douai, docteur en droit.

L'art. 2144 du Code civil est ainsi conçu : « Pourra >> pareillement le mari, du consentement de sa femme et après avoir pris l'avis des quatre plus proche parents » d'icelle, réunis en assemblée de famille, demander que l'hypothèque générale sur tous ses immeubles, pour » raison de la dot, des reprises et conventions matrimo>> niales, soit restreinte aux immeubles suffisants pour >> la conservation entière des droits de la femme. »

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Mais nous lisons dans l'article 2161 du Code civil: « Toutes les fois que les inscriptions prises par un créan» cier qui, d'après la loi, aurait droit d'en prendre sur les biens présents ou sur les biens à venir d'un débi>>teur, sans limitation convenue, seront portées sur plus de domaines différents qu'il n'est nécessaire à la » sûreté des créances, l'action en réduction des inscrip» tions ou en radiation d'une partie, en ce qui excède >> la proportion convenable, est ouverte au débiteur. » On y suit les règles de compétence établies dans l'ar»ticle 2159. »>

Et suivant cet article 2159 : « La radiation non con» sentie est demandée au tribunal dans le ressort duquel » l'inscription a été faite, etc. »

Subordonner l'exercice de cette action au consentement de la femme et à l'accomplissement des formalités prescrites par l'article 2144, n'est-ce pas confondre deux dispositions conçues dans un ordre d'idées différent ? C'est en vue de la maxime: Chacun est libre de rc

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