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également sur les besoins de l'époque, sur les dispositions formelles de la loi et sur l'autorité des juriscon

sultes.

J'examinerai, dans un second article, les objections qu'on peut lui opposer; et j'en ferai une application plus spéciale aux établissements industriels.

(La suite à un prochain cahier.)

J.-B. DUVERGIEK.

XXXIV. Des effets de la naturalisation.

Par M. FELIX.

1. La législation française ne renferme aucune disposition relative aux effets de la naturalisation, soit collective, soit individuelle. Parmi les législations étrangères, quelques-unes présentent des dispositions relatives aux effets de la naturalisation individuelle; mais, à notre connaissance, aucun législateur ne s'est attaché à établir un système complet sur la matière. Il faut donc chercher ce système dans les principes admis, pour les cas analogues, par le droit privé des diverses

nations.

La naturalisation constitue sans doute un changement dans l'état de la personne. L'individu naturalisé,

La naturalisation collective s'opère, ou par la réunion d'us territoire, ou par une loi qui déclare citoyens les étrangers se trouvant dans certaines conditions. V., sur ce dernier cas, les lois et constitutions françaises des 30 avril - 2 mai 1790; 3 septembre 1791, tit. 2; 24 juin 1793, art. 4; 5 fructidor an III (22 août 1793). tit. 8, art. 8; et 22 frimaire an VIII (13 décembre 1799). art. 2.

2 Tittmann, De competentia legum externarum et domesticarum... $ 23. M. Burge, Traité des lois des colonies et des lois étrangères

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de sujet qu'il était du souverain du lieu de sa naissance, devient sujet de l'État dans lequel il a obtenu la naturalisation. Au moment de cette naturalisation, la loi en vigueur dans la nouvelle patrie saisit l'individu, de même que l'aurait fait une nouvelle loi rendue dans la patrie primitive. A cet égard, on peut appliquer, en France, les principes admis relativement à l'effet de nouvelles lois concernant l'état et la capacité des personnes'.

2. La naturalisation collective s'étend en même temps sur le mari et sur la femme, sur le père et sur les enfants. Ce n'est qu'à l'occasion de la naturalisation individuelle que peuvent se présenter les questions de savoir, si la naturalisation du mari emporte en même temps celle de la femme, et si la naturalisation du père ou de la mère veuve emporte celle des enfants?

3. Examinons d'abord la première de ces deux questions.

Il nous semble que la naturalisation du mari entraîne celle de la femme, et que la femme passe avec lui sous l'empire de la nouvelle patrie choisie par le mari.

Nous n'avons pas trouvé que cette opinion ait été soutenue d'une manière directe par les auteurs; mais plusieurs l'ont professée indirectement, en reconnaissant comme indubitable le principe qui forme le fondement

en général (Commentaries on colonial and foreign law...), t. I, p. 688.

1

1 Répertoire de jurisprudence, v° Effet rétroactif, sect. 3, § 2 (Addit. à la 4o édit., t. XVI, p. 223 et suiv.).

* La cour royale de Colmar a jugé, le 24 décembre 1829 (Sirey 1830, II, 62), par application de la loi du 30 avril 1790 et de la constitution de 1791, que les enfants nés antérieurement à ces dispositions avaient acquis de droit la qualité de français conjointement avec le père.

de notre opinion. Ce principe est, que le mari se trouve le maître de changer la nationalité de la femme avec la sienne. On connaît les débats qui se sont élevés sur la question de savoir, si le changement de domicile ou de nationalité des époux apporte des modifications à l'association conjugale quant aux biens, constituée par l'effet de la loi du domicile qu'avait le mari au moment du mariage. Les auteurs qui (avec nous) soutiennent la négative', de même que ceux qui admettent l'affirmative, expliquent et reconnaissent que le mari est maître de changer le domicile et la nationalité de la femme avec le sien. Les partisans de l'affirmative regardent ce principe comme la base de leur opinion; ceux de la négative tirent de ce même principe un argument à l'appui de la leur, en faisant remarquer que, si la question énoncée pouvait recevoir une solution affirmative, le mari, maître du changement du domicile ou de la nationalité des époux, pourrait s'avantager au préjudice de la femme. « Accedit, dit Paul Voet', quod illa pacta solus mutare nequeat maritus, id quod tamen possit si, per emigrationem in alium locum, ea mutarentur. Est quippe in ejus solius potestate, invita uxore aliò sese conferre'. » Même langage dans Jean Voet.

1 Nous avons cité un grand nombre de ces auteurs dans notre Traité du droit international privé, no 67. On peut ajouter Bacquet, Des droits de justice, ch. 21, no 68 et suiv.

2 De stat., sect. 9, chap. 2, no 7.

3 Ce pouvoir du mari est admis d'une manière tout aussi formelle par Bouhier, Coutume de Bourgogne, chap. 22, nos 17 et suiv., et 140 et 141; par Struben, Consultations (Rechtliche Bedenken), t. IV, cons. 70; par C. L. Runde, Des droits des époux en Allemagne (Deutsches eheliches Gülerrecht), § 97, p. 218, à la fin. Ad ff., tit. De ritu nupt., no 87.

:

«La

Cet auteur renvoie à ce qu'il a dit au titre De judiciis, n° 101. Dans ce dernier endroit, il parle non-seulement d'un changement de domicile dans le territoire de la même souveraineté, mais encore du changement de nationalité (no 99), et il expose au no 101 les arguments suivants, dont nous donnerons la traduction, parce qu'ils s'appliquent à toutes les législations européennes. femme passant, par l'effet du mariage, au domicile du mari, et se trouvant placée en la puissance de ce dernier..., il ne peut être douteux qu'en cas d'émigration' ⚫du mari, le domicile sera également transféré en ce qui › concerne la femme de telle manière que des hommes savants ont jugé nulle la clause du contrat de mariage qui défendrait au mari tout changement de domicile en cas de dissentiment de la femme; et il a été décidé qu'en cas de relégation prononcée contre le mari, qui était alors obligé d'établir ailleurs un nouveau domicile, la femme peut être contrainte à suivre le mari dans ce nouveau domicile; car, dit Ulpien (L. 22, 57, ff. Sol. matr.), la nature humaine exige que le mari prenne part aux malheurs de la femme et la › femme à ceux du mari. En effet, le mariage est l'as>sociation la plus intime de tous les rapports de la vie › humaine, une union pour toute la durée de cette vie'. Ce lien ne se trouve pas dissous par la relégation; ⚫ donc la séparation de la société et de la cohabitation > serait contraire à l'essence du mariage (L. 1, ff. De

D

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1 Ce mot est pris ici dans le sens général qui signifie abandonner un lieu pour passer dans un autre (Répertoire de jurisprudence, v Émigration): il ne s'agit pas de cette émigration spéciale dont parlent les lois de la révolution française.

1 Individua vita consuetudo, consortium omnis vitæ.

» ritu nupt.; § 1; J. De patria potest.). Enfin, la nature » des choses exige que la femme qui participe aux avan

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tages résultant de la dignité du mari, se soumette éga>>lement aux inconvénients de l'émigration (L. 10, ft. De » reg. jur.). Il faut dire la même chose lorsque, soit par » la nécessité de la relégation, soit par sa volonté, le mari, en changeant de domicile, rend la condition de »sa femme pire, par exemple, lorsque, dans le nou» veau domicile, la puissance maritale est plus étendue qu'elle ne l'était dans l'ancien, ou parce que la loi du >> nouveau domicile permet aux époux de se gratifier » par des dispositions de dernière volonté, tandis que » celle de l'ancien domicile renfermait une prohibition » à ce sujet : la femme, ou ses héritiers, après sa mort, »> ne pourront pas réclamer une indemnité du mari. En » effet, par le mariage, la condition de la femme se détériore, en ce que, de maîtresse de ses droits, elle passe » sous la puissance et la tutelle du mari : celui-ci, au con» traire, par le mariage, ne rend pas sa condition pire, » mais meilleure d'ans la plupart des cas, ou du moins » il ne perd rien de l'indépendance qu'il avait avant le mariage : dès lors il serait absurde que celui qui, an» térieurement, jouissait de la liberté d'émigrer, perdit » cette liberté par suite du mariage, ou qu'il se trouvât >> du moins forcé, par la crainte d'encourir une peine >> contractuelle ou une condamnation aux dommages» intérêts, à renoncer à se fixer dans un endroit où l'appelleraient l'espoir d'obtenir quelque dignité, des >> considérations de santé, des affaires de famille ou » d'autres circonstances. »>

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>>

Ces arguments trouvent leur application dans toutes les législations européennes. En effet, le principe que <«la femme est obligée d'habiter avec le mari et de le

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