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cause, décisions accordées à la requête des magistrats ou des parties; et celui de décrets, decreta, interlocutiones, ou sentences dictées par le prince, dans les procès référés à l'autorité souveraine ou sur l'appel des magistrats'.

Les innovations opérées par Dioclétien furent plus remarquables encore. La décadence vers laquelle penchait l'empire, demandait des ordonnances sages et propres au noble but vers lequel tendait le prince affligé et effrayé de l'état d'abjection dans lequel était tombé le trône des Césars. Son premier et principal soin fut donc d'annihiler l'autorité du sénat, d'enlever les armes aux prétoriens et au peuple', pour fermer toute voie de violence et de sang aux ambitieux jaloux du suprême pouvoir; d'entourer de splendeur la majesté royale, afin d'imprimer plus de crainte et d'obéissance aux sujets'; de diviser l'empire en grandes provinces, confiées à des hommes capables d'assurer et de rendre plus efficace l'action du gouvernement; de diminuer la puissance dangereuse des préfets du prétoire, en augmentant leur nombre; de séparer le pouvoir civil du pouvoir militaire. Il se constitua enfin le centre de cet empire presque sans limites, en remplaçant partout les anciennes formes républicaines par d'autres formes plus en harmonie avec la puissance monarchique. Le prince partagea donc l'empire romain en quatre préfectures, composées de gouvernements subalternes appelés diocèses, subdivisés

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à leur tour en juridictions moins étendues nommées provinces. On compte, à partir de cette époque, quatre préfets du prétoire, un vicaire pour chaque diocèse, un recteur par paroisse, honorés des titres de proconsul, consul, sénateur, président, tous différents par leur rang, leur dignité, leur dénomination, mais égaux en autorité dans leur juridiction respective'.

(La suite à un prochain cahier.)

J.-A. GARNIER-Dubourgneuf.

XXXVI. Histoire du Parlement de Normandie; par M. A. Floquet 2.

Article de M. GOMONT, avocat à la cour royale de Paris.

Nos bibliothèques ont toujours été riches en pièces et en mémoires relatifs aux parlements; mais naguère encore on y cherchait en vain les annales complètes d'une seule de nos anciennes cours de justice. Cette lacune s'expliquait sans peine. Pour reproduire l'existence d'une compagnie souveraine, on avait à vaincre, en effet, des difficultés aussi graves que multipliées; il fallait dépouiller d'innombrables manuscrits, interpréter des textes inintelligibles à moins de connaissances spéciales, suppléer enfin aux sources que le temps avait détruites. Si l'on ajoute à cela la mise en œuvre de matériaux immenses, les dangers de la sécheresse et de la monotonie, dangers continuels dans un récit de faits souvent purement législatifs ou judiciaires, on comprendra le peu d'efforts tentés pour remplir un vide dont les inconvénients ont dû se faire sentir tant de fois.

1 Lactantius, De morte persecut,, c. 7.

2 Sept volumes in-4°.

Des obstacles qu'avait redoutés la patiente érudition de nos pères semblaient devoir nous effrayer à jamais, nous, ennemis des travaux longs et ingrats. Aussi fut-ce avec une véritable faveur que l'on accueillit dernièrement le premier tome d'une Histoire du Parlement de Normandie. L'écrivain qui s'était offert pour une tâche aussi vaste paraissait de force à l'accomplir. Sorti d'une école vouée avec succès à l'étude de nos archives, il était connu par des publications pleines de goût et de savoir. Le nouveau volume qu'il donnait au public confirmait ces antécédents. C'était un simple préambule sur ces assises appelées échiquiers, que l'esprit national des Normands préféra aux tribunaux réguliers jusqu'à la fin du XV° siècle ; mais, bien que purement préliminaire, cette production formait déjà un écrit complet et précieux pour la science. L'immense travail dont elle était la promesse ne s'est pas fait longtemps attendre à l'impatience du monde savant. En moins de trois ans, six volumes successivement publiés sont venus nous apporter le fruit de douze années d'un labeur assidu. Notre intention n'est pas de donner une analyse critique de cet ouvrage ; il est déjà jugé et classé parmi nos meilleurs monuments historiques. D'ailleurs, un livre rempli seulement de faits certains, libre de ces idées systématiques dont on abuse tant aujourd'hui, prête peu aux ébats de la discussion. On ne trouvera donc guère ici qu'un simple compte rendu destiné à faire comprendre, autant qu'il est possible dans un cadre étroit, la nature et l'importance du sujet.

A la fin du XVe siècle, la justice offrait encore en Normandie les formes primitives que M. Floquet avait décrites dans son livre sur l'échiquier. Chaque année, des barons, des prélats, assistés de quelques commis

saires royaux, se réunissaient à Rouen, et prétendaient juger en un mois les contestations nées en un an dans toute la province. Il était réservé à Louis XII de faire cesser un régime dont les Normands eux-mêmes commençaient à se lasser. En 1499, à la requête des États de la province, ce prince déclara l'échiquier perpétuel, et le composa de magistrats inamovibles. Seize ans après, François Ier abolit l'ancienne dénomination d'échiquier. C'est à partir de ce moment que commencent les annales du parlement de Rouen proprement dit.

Les premières années de ce tribunal tiennent peu de place dans son histoire. Les faits n'en sont guère remarquables qu'en ce qu'ils déterminent les prétentions réciproques du nouveau parlement et du trône. Une suite de résistances aux aliénations du domaine royal, prouve que la cour normande s'assimilant en tous points à ses sœurs aînées, s'attribuera le droit de censurer les actes de la couronne; et l'interdiction sévère par laquelle François 1 châtie cet esprit d'opposition, montre la tendance despotique de la monarchie. La gravité des circonstances vient suspendre pour un demi-siècle une lutte si âprement commencée. Dans le temps même où le roi disgracie la magistrature indocile, la réforme, envahissant la France, oblige le souverain et les corps judiciaires à s'unir étroitement contre l'ennemi commun. Dès lors la répression des désordres sociaux, la défense de la religion nationale et du trône, vont exclusivement occuper les cours suprêmes. Placée au centre des crises politiques, celle de Rouen est appelée au premier rôle. Le tableau de cette période forme, dans l'ouvrage de M. Floquet, une partie aussi distincte des autres par son caractère dramatique que par l'intérêt des événements qu'elle retrace. Nous consacrerons ce pre

mier article à en esquisser les traits principaux. Dès le règne de François Ier, l'Histoire du Parlement nous montre les religionnaires formant à Rouen une sorte de congrégation secrète. D'abord organisée seulement pour l'exercice paisible de son culte, cette société s'enhardit à mesure que ses forces s'accroissent; vers les dernières années de Henri II, elle n'épie qu'une occasion pour prendre l'offensive. Des rixes entre les réformés et les catholiques, des attentats à la personne ou à l'autorité des fonctionnaires royaux remplissent le court règne de François II: la mort de ce prince semble être le signal que cette sourde conspiration attendait pour éclater. Peu de temps après l'avénement de Charles IX, une main inconnue remet chez le conseiller Raoullin de

Longpaon une confession de foi adressée à tout le parlement, avec cette devise: La vérité tue, formelle déclaration de guerre dont l'effet devait être aussi terrible que le style en était menaçant. En effet, quelques mois plus tard, tandis que le prince de Condé entre en campagne contre le duc de Guise, les réformés, qui depuis plusieurs jours n'ont cessé de parcourir les rues par bandes armées, s'emparent des postes militaires, chassent le gouverneur et se rendent en une nuit maîtres absolus de la ville.

Aucune force armée n'est à la disposition de la justice; les catholiques, si bouillants naguère, n'ont montré en cette circonstance que la molle inertie par laquelle le plus grand nombre accueille toujours les coups d'audace de la minorité. Ainsi, le parlement se trouve sans défense dans le foyer même de la révolte. Espérant calmer les esprits, il fait publier de nouveau l'édit de tolérance que la cour avait rendu au mois de janvier précédent. Le pillage des églises et des demeures des II. 3 SÉRIE.

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