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tion de ce droit; le texte de l'art. 68, § 1o, no 40, est un résumé complet de cette matière, de telle sorte que, pour faire connaître le système de l'ancienne jurisprudence sur les effets du distrat, il a suffi de faire le commentaire de ce texte; et que réciproquement, pour expliquer la loi de frimaire, il a fallu rappeler la doctrine du droit ancien. Pour que le distrat n'ait rien de translatif, à l'égard des tiers, les jurisconsultes et les coutumes voulaient qu'il fût pur et simple, passé dans les vingt-quatre heures, et par acte authentique ; pour que le résiliement soit affranchi du droit proportionnel, la loi fiscale exige que le résiliement soit pur et simple, passé dans les vingt-quatre heures et par acte authentique.

De même, dans le tarif des résolutions de vente pour défaut de payement, on retrouve la spécialité de cette disposition pour les ventes, et la nécessité, d'une part, que l'acheteur ne soit pas entré en possession, de l'autre, qu'il n'ait payé aucune partie de son prix; conditions essentielles et constitutives du distrat non translatif, dans les principes du droit commun.

Ces restes d'un droit civil qui n'existe plus, semblent demeurés debout dans le droit fiscal, pour démontrer la concordance première et intentionnelle des deux législations. Ce qui était en harmonie avec les principes généraux a dû cesser de l'être quand ces principes ont changé, et c'est précisément parce que le tarif des résiliements était une conséquence logique du système légal des résiliations, admis à l'époque du 22 frimaire an VII, qu'il revêt un caractère exceptionnel aujourd'hui que ce système est renversé.

Ainsi c'est en s'attaquant aux dispositions de la loi bursale, les plus exorbitantes, en apparence, des règles

de la loi civile, que l'on découvre la marche parallèle et uniforme de ces deux lois. Le petit nombre de divergences qu'on y remarque aujourd'hui offre un témoignage décisif de l'esprit de conformité dans lequel celle du 22 frimaire a été conçue. Rien ne peut démontrer plus puissamment la vérité de cette assertion si juste de notre savant collaborateur, M. Valette 1, qu'il n'est pas permis de supposer qu'un impôt assis sur les contrats, ait eu d'autres bases que les règles constitutives des contrats. Loin de créer une législation spéciale, dont l'interprétation ne doit se chercher qu'en elle-même, le législateur a entendu suivre rigoureusement les principes d'un droit préexistant; c'est à la loi civile qu'il a rattaché les prescriptions fiscales, et rien ne le fait mieux voir que ces dispositions exceptionnelles, conséquences exactes d'un système qui existait alors, et que les esprits superficiels croient étranger au droit civil, parce qu'il a cessé de faire partie du Code qui nous régit. C'est, au contraire, dans ces tarifs qui ne s'expliquent aujourd'hui qu'à l'aide d'un droit abrogé, qu'on reconnaît la pensée générale qui domine la loi bursale, et qui consiste à ne s'écarter jamais du droit commun.

On n'est pas réduit d'ailleurs à faire résulter cette pensée, de déductions à tirer des textes de la loi ; le législateur s'est exprimé formellement sur ce point, quand il en a trouvé l'occasion. Ainsi, dans les motifs de la loi même du 27 ventôse an IX, on lit cette considération : « Une loi nouvelle, dès qu'il s'agit de retoucher celle » du 22 frimaire, paraîtrait peut-être devoir embrasser >> un plus grand nombre de dispositions que n'en contient » le projet qui vous est présenté; mais il y aurait de

1 Revue étrangère et française, etc., cahier de mars 1843.

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» l'inconvénient à vouloir devancer, pour tous les cas possibles, dans cette partie, le Code civil et celui de » procédure sur lesquels la loi de l'enregistrement vien» dra un jour s'appuyer d'une manière stable, tant » pour le dénombrement des actes et mutations, que » pour le règlement des droits qu'ils auront à suppor» ter'. » Ce projet d'appuyer le règlement des droits d'enregistrement sur le Code civil, n'est pas encore réalisé, mais le caractère des tarifs n'en est pas moins incontestablement déterminé par ces paroles du législateur : le vœu de la loi, son esprit, c'est une stricte et rigoureuse conformité aux principes du droit commun ; c'est toujours le droit civil qui doit régler l'application et l'interprétation du tarif; le droit civil ancien, dans les dispositions qui tiennent à ce droit, le droit civil nouveau, dans celles qui s'y rapportent ; mais toujours le droit civil, et jamais de prétendues règles spéciales à la loi de frimaire, qui n'existent pas et n'ont jamais existé.

Au surplus, l'on ne doit pas s'inquiéter du nombre de ces dispositions étrangères au droit actuel, et qui nécessiteraient trop souvent le retour à des principes abrogés; les différences qui séparent le Code civil du droit. antérieur, se réduisent à peu de chose, et les notaires ont fait peu de changements au formulaire examiné et critiqué par Dumoulin. Le tarif des résiliements et celui des résolutions pour défaut de payement, sont les seuls qui se rattachent au système de transmission, fondé sur la tradition. Avec l'art. 69, § 7, n° 4, qui donne au droit proportionnel les acquisitions de parts

1 L'orateur du gouvernement était M. Duchâtel, et l'exposé des motifs est rapporté au no 85 du Journal de l'enregistrement.

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par licitation', ils forment les seules dispositions des lois fiscales, qui ne soient pas en harmonie absolue avec le Code civil. C'est à ces trois textes que se réduisent toutes ces divergences si graves qui, aux yeux de la cour de cassation, font de la loi du 22 frimaire, une loi spéciale dont l'application ne doit pas être réglée par les principes du droit commun.

Loin qu'il soit permis d'en déduire une pareille conséquence, j'ai fait voir que ces divergences démontrent, au contraire, la volonté du législateur, de rattacher l'application du tarif aux solutions du droit commun, plus encore peut-être que ne le démontrent les textes, qui n'offrent avec ce droit aucune opposition actuelle. Cette volonté, qui se révèle partout, doit déterminer la jurisprudence et lui servir de guide. Toutes les fois que les tribunaux s'en écarteront, ils arriveront à des décisions arbitraires, et dès lors contradictoires. L'expérience a confirmé sur ce point les enseignements de la raison. CHAMPIONNIERE.

XLI. Dissertation sur la liberté des cultes en France. Par M. SERRIGNY, professeur à la faculté de droit de Dijon.

Au moment où l'opinion publique est préoccupée des débats judiciaires et législatifs qui viennent de s'élever sur l'état de la liberté religieuse en France, j'ai pensé qu'il ne serait pas hors de propos d'examiner cette question sous le rapport légal et politique. Il importe à la paix publique, à la tranquillité des esprits, que

1 V. le Traité des droits d'enregistrement, no 271 et suiv., où il est démontré que ce tarif est conforme à la doctrine légale admise, en l'an VII, dans le droit civil.

la législation soit bien comprise et que sa sagesse soit appréciée de tous les bons esprits, afin que chacun soit disposé à s'y soumettre, et que l'on puisse dire à ceux qui l'attaquent : « Ideò necessitati subditi estote, non solùm propter iram, sed propter conscientiam. » (Paul, ad Rom., 13, 5.)

A entendre les discussions qui se sont élevées, depuis quelques années, sur l'interprétation de l'art. 5 de la charte, on dirait que c'est là une disposition nouvelle, suite et résultat de la révolution de 1830. Il n'en est rien cependant; et cet article a été littéralement conservé de la charte de 1814; le seul changement introduit dans la charte nouvelle est la suppression de la qualification de religion de l'État donnée à la religion catholique, pour y substituer celle de religion professée par la majorité des Français.

Pour comprendre le principe de la liberté des cultes, tel qu'il résulte de notre constitution, il est indispensable de jeter un coup d'œil sur la législation qui l'a précédée. Sans cela, il est impossible de saisir l'esprit de la charte et la portée des réclamations qu'elle soulève. Sans remonter à la constitution civile du clergé du 12-24 juillet 1790 et aux troubles qu'elle a fait naître, il faut rappeler le régime qui a suivi cette constitution; c'est à ce régime que seraient conduits, sans que plusieurs s'en doutent, ceux qui blâment l'interprétation donnée par la cour de cassation au principe de la liberté des cultes. Ce système est celui qui fut établi par la constitution politique du 24 juin 1793, et développé par les lois du 3 ventôse an III et du 7 vendémiaire an IV. En quoi consistait ce régime? dans une indifférence absolue en matière de culte religieux, indifférence décorée du nom de liberté ou de tolérance reli

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