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premier consul, sur le sens desquelles M. Troplong nous parait s'être évidemment mépris. Nous en voyons une nouvelle preuve dans un passage du procès-verbal de la

D

séance suivante :

Aucune loi, disait le premier consul, n'a encore ⚫ donné de sûreté complète aux acquéreurs et aux préteurs; mais on peut établir cette sûreté et faciliter l'affranchissement des immeubles, même grevés d'hypothèques légales, en autorisant à rendre ces hypothèques spéciales d'après une procédure sommaire, ou d'après le consentement de la femme '. »

moyens

Le premier consul reconnaît donc formellement les deux d'obtenir la réduction, moyen amiable, moyen judiciaire, que le législateur a distingués dans les art. 2144 et 2161, et que la cour de cassation s'est bien gardée de confondre dans un arrêt du 9 décembre 1824', fort mal interprété, suivant nous, par MM. Troplong et Dalloz, qui veulent le rattacher à leur opinion. Cet arrêt qui juge en fait, établit clairement la distinction méconnue par ces auteurs.

2o

que

« La cour, attendu 1o que l'art. 2144 n'ouvre au mari qu'une action en réduction d'hypothèque, quand il rapporte le consentement de sa femme, et qu'il a pris l'avis de ses parents réunis en conseil de famille; attendu le demandeur ne rapporte pas ce consentement, et que l'avis motivé des parents est opposé à la réduction demandée ; attendu 3° qu'il est constaté que le demandeur ne justifiait pas que la valeur des immeubles hypothéqués excédât celle des reprises de la femme; que dans cet état, la cour d'appel a pu se dispenser

Fenet, t. XV, p. 306.

D. P. 1825, 1, 14.

d'ordonner la preuve d'un fait qui n'était appuyé ď’aucun indice, et se trouvait opposé aux faits servant de base à l'avis motivé des parens, rejette. »

Il résulte clairement de cet arrêt que le demandeur eût obtenu la réduction s'il avait justifié que la valeur de ses immeubles hypothéqués excédât celle des reprises de la femme, nonobstant le refus de celle-ci, par application de l'art. 2161.

no

Déjà la cour de Paris, par un arrêt du 10 juillet 1813', avait jugé que le mari peut obtenir en justice la réduction de l'hypothèque légale de sa femme encore bien que celle-ci y refuse son assentiment.

La cour de Nancy a mis cette vérité dans tout son jour par un arrêt du 26 août 1825, très-fortement motivé', qui explique le véritable sens des articles 2144 et 2161, que la cour de cassation n'avait fait qu'indiquer dans son arrêt cité plus haut.

Enfin, M. Duranton', qui a écrit sur le titre des hypothèques après M. Troplong, n'a pas cédé non plus à l'autorité de son devancier; il a sérieusement examiné son opinion et ne l'a point partagée

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H. PARMENTIer.

V. Notice nécrologique sur M. le baron de Gerando. Par M. BOULATIGNIER, maître des requêtes au conseil d'Etat.

M. le baron de Gerando (Joseph-Marie) naquit à Lyon, le 29 février 1772, d'une famille honorable et aisée; son père était architecte.

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Après avoir fait ses études au collège de l'Oratoire, il s'était décidé à embrasser la carrière ecclésiastique. Dans ce but, il devait venir à Paris pour entrer au séminaire Saint-Magloire, maison renommée, qui avait eu l'honneur de compter Massillon parmi ses directeurs; mais, en apprenant les massacres de septembre 1792, les parents de M. de Gerando s'opposèrent à ses désirs et le retinrent dans sa ville natale.

Cette ville fut soumise elle-même à de terribles épreuves, dont M. de Gerando eut sa part. A l'époque du siége de 1793, blessé et fait prisonnier, il parvint à s'évader, et, pour échapper aux recherches, il imagina d'entrer dans un bataillon de volontaires. Découvert dans ce corps, il allait y être arrêté lorsqu'il gagna la Suisse. De là il passa en Italie, et résida deux ans à Naples, chez un de ses parents, banquier de la cour.

L'amnistie des Lyonnais ayant mis fin à son exil, il vint à Paris avec M. Camille Jordan, son parent, son compatriote, son intime ami. Au 18 fructidor an V, lorsque Camille fut proscrit, il contribua à ménager sa fuite, dans laquelle il l'accompagna.

Bientôt il rentra en France et prit du service dans l'armée. En l'an VII, il était chasseur à cheval au 6a régiment, en garnison à Colmar, lorsqu'il eut connaissance que l'Institut avait mis au concours la question de savoir quelle est l'influence des signes sur la formation des idées. La pensée de traiter cette question séduisit son esprit; mais le terme du concours allait expirer; il avait à peine le temps de rédiger son mémoire pour qu'il pût arriver à Paris en temps opportun. Les membres d'une famille dans laquelle il était accueilli avec bienveillance, et à laquelle il dut depuis une compagne digne de lui, se partagèrent la tâche de copier son manuscrit, au fur

et à mesure qu'il achevait d'en écrire les feuillets.

Le mémoire envoyé par M. de Gerando obtint le prix; les juges, qui avaient été frappés de son mérite, furent surtout surpris, lorsqu'on rompit le cachet qui couvrait le nom de l'auteur, de voir qu'un travail d'idéologie aussi distingué était l'œuvre d'un simple soldat.

Une démarche fut faite auprès de M. François de Neufchâteau, ministre de l'intérieur, pour obtenir que M. de Gerando fût appelé à Paris. Le ministre fit ce que désirait l'Institut; mais ce fut Lucien Bonaparte, un de ses successeurs, qui ouvrit à M. de Gerando la carrière administrative. En l'an VIII, il le nomma membre du bureau consultatif des arts et du commerce établi près de son ministère. En l'an XII, M. de Gerando devint secrétaire général de ce même ministère, sur les instances de son ami M. de Champagny, qui venait d'être fait ministre, et auquel il opposa une assez longue résistance, causée par son éloignement pour les affaires publiques. Pour bien comprendre l'importance de ce poste, dont M. de Gerando a été titulaire pendant six ans et demi environ, il faut se rappeler que le ministère de l'intérieur comprenait alors les attributions de quatre de nos ministères actuels, que tous ou presque tous les services étaient à réorganiser, et que, les proportions de l'empire français s'augmentant chaque jour, le travail d'organisation s'étendait avec nos conquêtes.

Ainsi M. de Gerando accompagna l'empereur et M. de Champagny, dans le voyage qui se termina par le couronnement de Milan (mai 1805), et qui fut remarquable moins encore par l'éclat des fêtes officielles et des pompes triomphales que par de nombreuses et importantes mesures de gouvernement et d'administration. M. de Gerando fut presque exclusivement chargé de préparer ces

mesures, parmi lesquelles il aimait à se rappeler l'organisation de l'Université de Turin. Bientôt après, il fut envoyé à Gênes, avec M. de Champagny, pour opérer la réunion à la France de la république ligurienne.

En 1808, il fut nommé maître des requêtes au conseil d'État, puis membre de la junte pour l'organisation de la Toscane. L'année suivante, il reçut une mission analogue pour les États-Romains, comme membre de la consulte générale, où il était chargé plus spécialement de la direction de l'administration civile; il remplissait en quelque sorte les fonctions de ministre de l'intérieur des Etats-Romains.

Au retour, l'empereur, auquel il ne craignit pas de dire la vérité sur la situation de la France à l'égard de Rome, le fit conseiller d'État, en récompense de sa noble franchise (février 1811).

Le souvenir de sa conduite en Toscane et à Rome lai valut sans doute d'être appelé, en 1812, au poste difficile et périlleux d'intendant général de la Haute-Catalogne, qui formait alors les départements du Ter et de la Ségre.

En 1814, M. de Gerando, quoiqu'il eût été particulièrement honoré de l'estime et de la confiance de Napoléon, qui l'avait fait baron de l'empire, avec une dotation de 25,000 fr. de rentes, et officier de la Légion d'honneur', fut maintenu, avec quelques uns de ses collègues du conseil d'Etat impérial, sur la liste du service ordinaire du nouveau conseil. Il crut faire une chose utile au pays en restant dans ce corps, qui exerce une

1 Il est devenu commandeur en 1820, et grand officier le

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