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On ne saurait donc assez désirer qu'il n'y fût jamais dérogé, ce qui arrive, dit-on, encore quelquefois, et l'on ne peut assez rappeler que la plus grande rigueur surtout est nécessaire dans l'examen des aspirants, comme dans les visites du tabellion, de la part de ceux qui doivent exécuter ces lois et ces règlements, car souvent l'indulgence envers des notaires incapables ou peu délicats, cause la ruine des familles qui ont foi dans ces officiers publics.

Quoique la loi actuelle charge les préfets et les juges de procéder eux-mêmes à la visite du tabellion, et que les employés de l'administration de l'insinuation et des domaines ne soient chargés que de faire les fonctions du ministère public, dans cette visite, on ne peut se dissimuler qu'en fait la visite réelle n'est faite que par ces employés seulement.

Seuls ils lisent, examinent et épluchent tous les actes soumis à la visite, et constatent les contraventions qu'ils réussissent à y découvrir.

Les magistrats délégués, très-occupés d'ailleurs de leurs autres fonctions, n'y peuvent donner une attention suivie, comme ces employés exclusivement chargés de cette besogne; ils ne font qu'y intervenir de temps à autre, et ils se bornent, quand ils veulent se montrer diligents, à reconnaître les faits constatés et à accorder les mesures que ces employés provoquent de leur au

torité.

La prééminence que l'ordre judiciaire a toujours eue et conservée dans ce pays sur l'ordre administratif, prééminence dont il est extrêmement jaloux, a nécessité de la loi une formule de concession pour la magistrature, quoique les soins véritables soient laissés à l'administration.

On ne peut donc dire que l'exécution de la loi soit

convenir

exactement conforme à ses termes formels; mais il faut que les résultats n'en sont que meilleurs, puisque l'organisation administrative étant plus forte et plus vigilante, plus active, on doit croire qu'on obtiendra plus d'exactitude dans le service qu'il n'y en avait dans l'ancien régime, alors que tout était si lent et souvent à peu près nul.

Il faut en conséquence considérer comme fort utile le changement introduit, quoi qu'en disent plusieurs des anciens conservateurs et officiers de la chambre des comptes, qui, au reste, quant aux vérificateurs subalternes (patrimoniali), ne pouvaient trop approuver une mesure qui les a privés des émoluments attachés à la visite dont ils étaient spécialement chargés.

Il resterait encore à dire que, d'après l'opinion la plus générale, on s'accorde à trouver convenable qu'il n'y ait qu'une seule juridiction ordinaire, à différents degrés, sans aucune juridiction d'exception, mais la compétence attribuée à la chambre des comptes en matière de notariat, d'insinuation, de certains droits d'émoluments, de contributions, et des autres droits du fisc et du domaine en matière de fidéi-commis, de majorats, et quelquefois de titres nobiliaires, ne paraît plus en harmonie avec les améliorations introduites dans l'organisation judiciaire de tous les États de l'Europe.

Il faut reconnaître que si, dans un État de médiocre étendue, un tribunal central et unique, qui exerce sa juridiction sur les provinces en première instance au moyen des tribunaux ordinaires, délégués de droit a cet effet, procure l'avantage d'une jurisprudence fixe et uniforme, cela n'a pas lieu chez nous où la juridiction ordinaire présente autant de jurisprudences différentes qu'il y a de sénats jugeant en dernier ressort.

Il faut avouer

au reste que la crainte du défau

d'impartialité, dont on accuse généralement les tribunaux d'exception institués en apparence en faveur du fisc, n'est pas fondée chez nous.

D'abord, en général, l'autorité judiciaire est peu portée à favoriser l'administration et les gens de finance. Ensuite l'espèce d'inamovibilité de fait, dont jouissent toutes les charges, et surtout celles de la magistrature (y compris celles du ministère public), où l'avancement est réglé scrupuleusement d'après l'ancienneté, est, il faut aussi le dire, une forte garantie de l'impartialité et de l'indépendance des jugements, même dans les causes où est intéressé le fisc. En effet, les cas où il succombe, condamné par la chambre des comptes, sont assez fréquents.

On ne peut donc dire que la juridiction exceptionnelle dont il s'agit, ait, en fait, des inconvénients trèsgraves, qui en motivent la suppression 1.

Nous avons exposé et jugé avec impartialité et indépendance deux des institutions les plus essentielles à la fortune publique et privée de notre pays.

Nous souhaitons que notre travail puisse être de quelque utilité pour ceux qui s'occupent d'étudier la lé

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1 La chambre des comptes n'est pas au reste le seul tribunal d'exception qui existe dans les États sardes.-L'ordre des saints Maurice et Lazare, qui a un patrimoine privé très-considérable, a un conseil suprême juridique, composé de quelques magistrats et des chefs de l'ordre. L'auditeur général des guerres, qui préside à l'instruction des procès criminels militaires, jugés par les conseils de guerre, juge seul certaines causes des militaires en matière civile, quoique l'adversaire ne fasse point partie de l'armée. -L'amirauté connaît des procès pour crimes et délits maritimes de certaine espèce, comme aussi de ceux commis dans les bagnes. --Enfin les tribunaux ecclésiastiques ont encore une juridiction civile en plusieurs cas pour des causes qui intéressent des prêtres, même quand l'adversaire est séculier.

gislation comparée des différents peuples, aux différentes époques de leur civilisation.

LXI. De juris collectionibus sub auspiciis Justiniani et Napoleonis factis.

Tel est le titre d'un discours prononcé à l'Académie d'Heidelberg, le 22 novembre 1841, par M. Rosshirt, professeur à l'Université de cette ville. Tous les ans, au jour anniversaire de la naissance du grand-duc de Bade, Charles-Frédéric, qui a rétabli l'Université d'Heidelberg, l'Académie tient une séance solennelle, pour couronner les meilleurs mémoires sur les questions par elle mises au

concours.

La comparaison des travaux de Justinien avec ceux de Napoléon était un sujet heureusement choisi dans la patrie de Zachariæ, sur cette terre où les institutions françaises se marient en quelque sorte avec les doctrines germaniques. Mais cette magnifique matière dépassait les bornes d'un discours académique, ou du moins il eût fallu se borner à mettre en relief quelques-uns des points les plus saillants du droit romain et du droit français comparés. M. Rosshirt a eu tort, peut-être, de s'attacher à suivre, livre par livre, l'œuvre des législateurs anciens et modernes; son discours, comme cette œuvre même, manque de méthode et d'ensemble, et, bien que renfermant d'excellents détails, n'est pas complétement à la hauteur du sujet qu'il embrasse.

M. Rosshirt émet sur les divergences de nos jurisconsultes francais une opinion qui ne nous a pas semblé parfaitement exacte, lorsqu'il dit Est apud Gallos etiam discrimen inter jus strictum, quod ex litteris articulorum proficiscitur, et inter jus æquum, quod jurisprudentiæ ipsius auctoritate defenditur. Notre système de codification ne permet pas la formation d'une école proculeïenne, qui puisse fonder des théories sur l'autorité de la pure doctrine. D'un autre côté, le texte de nos lois est trop vague, trop élastique pour ne pas exiger une interprétation large, et pour ne pas exclure dès lors une école purement sabinienne. Il y a sans doute chez nous comme ailleurs, des esprits plus attachés à la lettre, et des esprits plus indépendants; mais ce sont là des nuances, et non pas de sectes.

Le discours de M. Rosshirt renferme une seconde partie pleine

d'intérêt, où l'orateur reproduit avec une scrupuleuse fidélité les diverses phases historiques du droit d'accroissement, et réfute les nombreuses erreurs qui ont été commises sur cette importante théorie. Enfin M. Rosshirt présente un résumé succinct des compositions qui ont obtenu les prix, proclame les noms des lauréats couronnés dans les différentes facultés, indique le mouvement qui s'est opéré en 1841 dans le personnel de l'Académie d'Heidelberg, et donne la liste des questions proposées pour l'année suivante. Parmi les questions qui avaient été mises an concours pour 1841, nous avons remarqué la question suivante, qui est actuellement pour l'Allemagne du plus haut intérêt pratique : Num leges quibus prædiorum rusticorum divisio prohibetur nostris temporibus conservanda an abroganda sint? Elle avait été indiquée par la section de philosophie. Nous avons aussi remarqué que le sujet proposé pour 1842 par la section de jurisprudence était l'autorité de la chose jugée en matière criminelle (de vi rei judicata in processu criminali). Cette question rentre en grande partie dans celle qui a été posée cette année par la faculté de droit de Paris, Entre quelles personnes a lieu l'autorité de la chose jugée, tant en droit romain qu'en droit français? Et les dissertations qui ont dû être envoyées à Heidelberg, pourraient sans doute fournir à nos docteurs de précieux renseignements. E. BONNIER.

CHRONIQUE.

SARDAIGNE. Par lettres patentes en date du 31 août 1843, le roi a ordonné sur de nouvelles bases l'établissement des congrès et des conseils provinciaux, et en a fixé les attributions.

PAYS-BAS. La seconde chambre des états généraux, dans sa séance du 15 septembre, a adopté le projet de loi sur le timbre destiné à remplacer la législation française relative au timbre et à l'enregistrement, dont les principales dispositions avaient été maintenues jusqu'à ce jour.

PRUSSE. Une ordonnance royale du 21 juillet permet la naturalisation au profit de mineurs étrangers, pourvu qu'ils soient autorisés par leur père ou leur tuteur.

DANEMARCK. Un rescrit royal du 30 juin accorde aux habitants des duchés de Schleswig et de Holstein la remise de la moitié des contributions.

ANGLETERRE. La chambre des communes, dans sa séance du 27 juillet, a procédé à la deuxième lecture du bill relatif aux mariages

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