Page images
PDF
EPUB

ART. 23. En vertu de la transaction de 1754, les troupeaux de Llivia ont le passage libre à travers le territoire d'Angoustrine pour aller aux pâturages de Carlit et en revenir.

Pour gagner le chemin de la Creuheta ou Costa de Nambet qui conduit à ce pâturage, lesdits troupeaux vont, les années paires, à partir de la Carrérade où confine le Toudou de Sareja, par les lieux appelés Toudou, Nirvol et Eusenirme, le long du bord extérieur de la Costa d'Angoustrine, et, les années impaires, ils vont par l'autre partie du Toudou, montent successivement par les endroits dits l'Homme-mort et Coma den Margall; et tournent ensuite à gauche vers la Serre d'Angoustrine, au-dessous de l'endroit dit la Cadira del Capella, pour gagner le chemin de la Creuheta.

Afin que les troupeaux de Llivia aient un passage libre par lesdits endroits, les habitants d'Angoustrine sont tenus de les laisser alternativement en guéret une année sur deux, et en concordance avec le passage desdits troupeaux.

Toutefois, comme cette servitude de laisser des champs en guéret ou de les exposer à être foulés par le pied des troupeaux est onéreuse pour Angoustrine sans être indispensable à la satisfaction du besoin de Llivia, elle sera abolie aussitôt qu'Angoustrine offrira à Llivia un chemin permanent qui, au dire d'experts respectifs, pourra remplacer sans inconvénient les deux passages actuels.

Une fois le chemin permanent reçu par les experts et mis en usage, les têtes de bétail de Llivia qui, durant les cinq, premières années s'en éloigneraient et entreraient dans les champs cultivés d'Angoustrine, pourraient en être expulsées sans encourir la saisie ou l'amende, à moins que les pasteurs ne les y aient poussées volontairement, car, dans ce dernier cas elles subiraient la peine de leur infraction. Le terme de cinq ans expiré, les troupeaux de Llivia seront soumis au règlement général des saisies auquel se rapporte l'article 30 du présent traité.

Jusqu'à l'ouverture du chemin permanent, l'Alcade de Llivia avisera le Maire d'Angoustrine, au moins huit jours avant le départ des troupeaux pour Carlit, de l'époque précise du passage, afin que les mesures de précaution qui seraient jugées utiles puissent être prises en temps opportun. Le jour du passage arrivé, on ne pourra s'opposer d'aucune manière à ce que les troupeaux de Llivia traversent les endroits désignés par lesquels ils doivent se rendre à Carlit, quel que soit l'état de culture des champs qui auraient dû être laissés en guéret.

ART. 24. Les habitants de Llivia auront le passage par le chemin de la Mola qui aboutit à l'étang de Pradeilles, pour l'exploitation dans leur propriété du Bac de Bolquère, du bois qui peut être porté au moyen de bêtes de somme, mais comme ce chemin n'est pas propre au transport du bois de forte dimension, Llivia conservera à cet effet l'usage du chemin dit du coll

Pam. lequel passe à Estavar, à Égat et à travers la forêt domaniale de la Calme pour arriver audit Bac de Bolquère.

Dans le cas où, pour des motifs quelconques, l'administration française aurait besoin d'intercepter ce chemin, elle se concerterait avec l'administration espagnole pour fournir à Llivia un passage convenable.

ART. 25. Llivia est autorisé à réparer et améliorer à ses frais les mauvais passages des chemins de la Creuheta et de la Mola, à la condition de ne porter aucun préjudice à autrui.

ART. 26. Est maintenue la compascuité existante aujourd'hui entre Angoustrine et Llivia dans les pâturages communaux du terrain circonscrit par la limite qui divise les deux juridictions, et par la ligne qui part du Prat del Rey passe à la Cadira del Capella, aux Escouvills, et suit la crête de la Serre d'Angoustrine jusqu'à sa rencontre avec le territoire de Llivia.

ART. 27. Auront droit d'arrosage avec les eaux du canal d'Angoustrine, tant les habitants de la commune de ce nom que ceux de Llivia. Les Français les prendront chaque semaine, à partir du dimanche au fever du soleil jusqu'au mercredi au coucher du soleil, et les Espagnols depuis ce moment jusqu'au dimanche suivant au lever du soleil. L'établissement des règles pour le régime de ces arrosages et pour la police du canal sera confié à la Commission internationale d'ingénieurs qui sera nommée pour régulariser l'usage des eaux sur la frontière.

ART. 28. La situation exceptionnelle de Llivia dont le territoire est enclavé en France et surtout les sinuosités et le caractère abrupte des Pyrénées obligeant les frontaliers francais et espagnols à emprunter le territoire voisin dans diverses localités pour aller d'un point à un autre de leur propre Pays, les uns et les autres continueront de jouir de la franchise nécessaire à leur libre circulation dans ces passages, mais à la condition expresse qu'on ne quittera pas le chemin et qu'il sera formellement interdit au service des agents étrangers de la force publique.

Ces passages sont :

1o Le chemin suivi par les Français et les Espagnols qui vont en pèlerinage en Espagne à la chapelle de Notre-Dame de Nuria, passant par Err et le Coll de Fenestrelles.

2° Pour Français et Espagnols, le sentier qui, du Puig ou roc Colom, point commun aux trois territoires de Mantet, Prats-de-Molle et Set Cases, va au Pla de la Mouga en suivant les sinuosités de la crète et en passant alternativement d'un Pays dans l'autre.

3° Pour les Espagnols le passage qui va de la Mouga de Dal à Coustouges et qui descend au riou Mayou.

4° Pour les Français et en particulier les habitants de Saint-Laurent, de Cerdans et de Coustouges la traversée de la portion de territoire espagnol qui s'avance en France entre le Coll de Falcon et le Puig de Mouchet.

5o Le chemin que les Espagnols suivent en France entre l'ermitage de Salinas et le Coll de Lli ou Dalli, en contournant par le Nord le Sarrat de Faitg.

6o Le passage que fréquentent les Français en Espagne entre les Colls de Priorat et de Panissas.

7° La portion de grande route de la Jonquière à Perpignan depuis le pont frontière jusqu'à sa jonction en France avec le chemin qui se dirige à l'Est par le versant de la Serre du Perthus, passant alternativement d'un État dans

l'autre.

8° Le chemin dont il vient d'être parlé depuis la grande route jusqu'au Coll de Forcat par lequel il se dirige sur la chapelle de Recasens en Espagne.

ART. 29. Les conventions écrites ou verbales existantes aujourd'hui entre les frontaliers des deux Pays et qui ne sont pas contraires au présent traité conserveront leur force et valeur jusqu'à l'expiration du terme assigné à leur durée.

En dehors des stipulations de ces contrats et du présent acte, nul ne pourra, à aucun titre, réclamer du Pays voisin quelque droit ou usage que ce soit, quand même il ne serait contraire ni à ces contrats ni à cet acte.

Toutefois, les frontaliers gardent la faculté qu'ils ont toujours eue de faire entre eux les contrats de pâturages ou autres qu'ils jugeront utiles à leurs intérêts et à leurs rapports de bon voisinage; mais à l'avenir il sera indispensable d'obtenir l'approbation du Préfet et du Gouverneur civil pour la validité de ces contrats dont la durée ne pourra excéder cinq ans.

ART. 30. Le règlement pour la saisie des bestiaux annexé aux traités de Bayonne des 2 Décembre 1856 et 14 Avril 1862 sera applicable à toute la frontière délimitée dans les articles antérieurs de 1 à 16 inclusivement, et figurera en conséquence comme annexe à la suite de l'acte général d'abornement prescrit à l'article 17 ci-dessus.

ART. 31. Sont annulés de fait et de droit, en tout ce qui est contraire aux stipulations contenues dans les articles précédents, les donations, aveux, conventions, sentences arbitrales et contrats quelconques relatifs soit au tracé de la frontière depuis le Val d'Andorre jusqu'à la Méditerranée et à celui de l'enclave de Llivia, soit à la situation légale, aux jouissances et aux servitudes des territoires limitrophes.

ART. 32. L'exécution du présent traité commencera quinze jours après la promulgation de l'acte général d'abornement prescrit à l'article 17.

ART. 33 ET DERNIER. Le présent traité sera ratifié, et les ratifications en seront échangées à Paris aussitôt que faire se pourra.

En foi de quoi les Plénipotentiaires respectifs l'ont signé et y ont apposé le cachet de leurs armes.

Fait en double expédition à Bayonne le vingt-sixième jour du mois de mai de l'an de grâce 1866.

(L. S.) G CALLIER.

(L. S.) C" SÉRURIER.

(L. S.) El Marques DE LA FRONTERA. (L. S.) M MONTEVERDE.

26 mai 1866. Acte additionnel aux Traités de délimitation conclus, les 2 décembre 1856, 14 avril 1862 et 28 mai 1866, signé à Bayonne.

(R. 19 juillet 1866, à Paris. Décret du 14 juillet 1866. B. L., 1866, n° 1411, p. 197.)

Les soussignés Plénipotentiaires de France et d'Espagne pour la délimitation internationale des Pyrénées, dûment autorisés par leurs Souverains respectifs à l'effet de réunir dans un seul acte les dispositions applicables sur toute la frontière dans l'un et l'autre Pays et relatives à la conservation de l'abornement, aux troupeaux et pâturages, aux propriétés coupées par la frontière et à la jouissance des eaux d'un usage commun, dispositions qui, à cause de leur caractère de généralité, réclament une place spéciale qu'elles ne pouvaient trouver dans les traités de Bayonne des 2 décembre 1856 et 14 avril 1862, non plus que dans celui sous la date de ce jour, sont convenus des articles suivants :

CONSERVATION DE L'ABORNEMENT INTERNATIONAL.

ART. 1. Tous les ans, au mois d'août, les autorités supérieures administratives des départements et provinces limitrophes se mettront d'accord pour ordonner aux municipalités intéressées de nommer des délégués qui devront. dans chaque commune et de concert avec ceux du territoire contigu de l'autre Pays, faire sans délai une reconnaissance complète de l'abornement de leur frontière et en adresser de part et d'autre le rapport officiel auxdites Autorités supérieures pour l'effet que de droit.

ART. 2. Sans préjudice des prescriptions de l'article précédent et dans le but d'assurer la conservation des repères tout le long de la délimitation internationale plus efficacement que jusqu'à ce jour, les Préfets et les Gouverneurs

civils s'entendront chacun dans son Département ou sa Province avec les chefs des divers services de l'administration publique pour qu'ils ordonnent à leurs agents employés à la frontière de veiller, de bonne intelligence avec les préposés municipaux qui en seront expressément et plus spécialement chargés, à ce qu'aucun dommage ne soit porté auxdits repères, de constater ceux qui auraient été commis, d'en rechercher les auteurs et de signaler enfin à l'Autorité compétente tout ce qui se rapporte à cet objet.

ART. 3. Les Préfets et les Gouverneurs civils conviendront ensemble du rétablissement des repères détruits ou enlevés, les frais de l'opération devant être partagés également par les deux Gouvernements, sauf les vacations des ingénieurs, lesquelles seront acquittées respectivement dans chaque Pays, à moins qu'il n'ait été convenu qu'on ne déléguerait qu'un seul ingénieur, dont les vacations devront alors tomber à la charge des deux Pays. Si les auteurs du dommage venaient à être découverts, ils en seraient personnellement responsables.

TROUPEAUX ET PATURAGES.

ART. 4. Dans l'intérêt réciproque de l'industrie pastorale des deux côtés de la frontière, les troupeaux de toute espèce qui passeront directement d'un Pays dans l'autre pour aller dans les pâturages dont ils ont le légitime usage, ne seront soumis à aucun droit, ni à aucune formalité fiscale ou autre quelconque. La même franchise est accordée aux troupeaux qui, en vertu d'un titre régulier, emprunteront un chemin ou un territoire du Pays voisin pour se rendre dans les pâturages dont ils ont la jouissance, soit dans ce Pays, soit dans le leur.

ART. 5. Les troupeaux qui durant leur séjour autorisé dans des pacages étrangers, ou quand ils s'y rendent ou en reviennent, s'éloigneraient par quelque raison fortuite à moins de 500 mètres de ces pacages ou du trajet qu'ils doivent suivre ne pourront pas être considérés comme de contrebande, ni être soumis en conséquence à aucune des peines imposées dans ce cas par le fisc, pourvu que l'intention frauduleuse ne soit pas évidente. Toutefois si par le fait de ces échappées accidentelles, il se produisait quelque dommage, la responsabilité en incomberait aux propriétaires des troupeaux.

ART. 6. Les communes limitrophes qui auront la jouissance exclusive et légitime des pâturages dans le Pays, voisin pourront nommer à elles seules les gardes pour la surveillance de ces pâturages.

Quand la jouissance sera commune entre frontaliers respectifs, chaque municipalité intéressée pourra avoir ses propres gardes ou en nommer de concert avec les autres usagers!

« PreviousContinue »