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ceux dont les articles précédents se sont occupés? Que pourrait signifier de déclarer, par exemple, qu'on s'oppose au mariage en qualité d'ami du futur, ou parce que la future n'a pas assez de fortune, etc.? L'article 68 (1), suivant nous, n'entend parler que d'une opposition régulière et valable, comme le disait expressément la loi du 20 septembre 1792, tit. 4, sect. 3, art. 9 (2) (V., à ce sujet, nos Observations sur Proudhon, t. I, p. 419, note a; opp. M. Demolombe, t. III, n° 163.—On peut voir aussi, dans Proudhon, p. 420, note a, ce que nous disons sur les droits du ministère public et sur l'application de l'article 46 de la loi du 20 avril 1810, article déjà cité plus haut, p. 47.

XV. Des demandes en nullité de mariage (chap. 4). Le chapitre 4 de ce Titre ne traite pas seulement, comme l'annonce sa rubrique, des demandes en nullité de mariage, mais aussi de la preuve du mariage (V. art. 194 à 200); sans doute parce que la validité du mariage (comme d'un contrat ou acte quelconque) ne se trouve assurée que par la preuve qui en est fournie. Le chapitre se termine par deux articles (201 et 202) relatifs aux effets civils des mariages appelés putatifs, c'est-à-dire contractés de bonne foi ou dans l'ignorance de leur nullité.

(1) L'art. 68 défend à l'officier de l'état civil de célébrer le mariage avant qu'on lui ait remis la main levée de l'opposition. (2) Cet article commence ainsi : « Toutes oppositions formées » hors les cas, les formes, et par toutes personnes autres que » celles ci-dessus désignées, seront regardées comme non ave» nues, etc. »>

XVI. Les interprètes du Code ont reconnu deux sortes de nullités du mariage, qu'ils distinguent très-nettement, en les appelant relatives et absolues. La nullité relative ne peut être invoquée que par certaines personnes déterminées, qui sont : l'époux dont le consentement a été violenté ou vicié par l'erreur; les parents dont le consentement était nécessaire au mariage et n'a pas été donné, et l'époux lui-même qui avait besoin de ce consentement (V. art. 180 et 182).

La nullité absolue, au contraire, tenant à l'ordre public, peut être invoquée par les époux eux-mêmes, par les ascendants, par tous ceux qui ont un intérêt pécuniaire né et actuel; enfin par le ministère public, que le Code investit expressément d'une action à cet effet, au moins du vivant des deux époux (V. art. 184, 190 et 193). Les causes de nullité peuvent se résumer dans les termes suivants, déjà employés ci-dessus en traitant des qualités, conditions et formalités du mariage. Ce sont le défaut d'âge légal (ou compétent pour le mariage), l'engagement dans un premier lien, la parenté ou l'alliance dans les cas déterminés par la loi, enfin l'incompétence de l'officier public ou le défaut de publicité de la célébration. Aujourd'hui, on s'accorde généralement à admettre que les simples prohibitions de mariage, par exemple, dans les cas prévus par les articles 228 et 348, ne sont pas des causes de nullité en l'absence d'un texte de loi qui déclare le mariage nul (V. ce que nous disons plus loin sur l'article 228). Ce sont là les empêchements qu'on appelle prohibitifs, par opposition à ceux qui emportent nul

lité et qui sont appelés dirimants (du mot dirimere). Le classement des nullités en relatives et absolues existe en substance dans la loi, bien que les termes eux-mêmes ne s'y trouvent pas. Nous allons maintenant passer aux détails. Et arrêtons-nous d'abord sur les nullités relatives.

XVII. L'article 480, qui traite des vices ou imperfections du consentement, n'en indique que deux : le défaut de liberté résultant de la violence et l'erreur dans la personne. On n'y voit point figurer le dol de l'une des parties, à la différence de ce qui a lieu en matière de conventions ordinaires (V. art. 1109 et 1416). C'est que le dol de la partie, envisagé en luimême et dans les cas où l'erreur toute seule serait insuffisante pour la nullité (comp. art. 1410), a été considéré (1) comme une simple cause de dommagesintérêts et de restitution, à la charge de l'auteur du dol; point de vue inadmissible en matière de mariage où se trouve en jeu l'intérêt de la famille et de la société tout entière. Mais, d'un autre côté, l'erreur dans la personne, lorsqu'elle existe, suffit, indépendamment du dol de l'autre partie, pour qu'il y ait cause de nullité. Et cependant on ne peut nier que, en fait, l'existence de ce dol ne doive être d'un grand poids sur l'esprit du juge, d'autant plus que le Code n'a pas défini ce qu'il faut entendre par erreur dans la personne. Seulement, il résulte de la discussion au conseil

(1) Au moins originairement, c'est-à-dire dans les principes du droit romain et de l'ancien droit français.

d'État que l'article a surtout en vue la personne civile, c'est-à-dire considérée au point de vue des qualités civiles qui constituent son état, sauf aux tribunaux à apprécier la gravité de l'erreur alléguée et l'influence qu'elle a pu avoir sur le consentement. Voyez, à ce sujet, l'article 181 in fine, dont le sens naturel est que l'erreur sera de nature à ne se découvrir qu'après un temps plus ou moins long depuis le mariage, ce qui suppose qu'elle porte ou du moins qu'elle peut porter sur autre chose que sur l'individu physique; aj. nos Observations sur Proudhon, t. I, p. 395, note a. V. aussi M. Demolombe, t. III, n° 246, 251 et suiv.

Dans les deux cas dont nous venons de parler, l'action en nullité n'appartient qu'à l'époux dont le consentement est entaché de violence ou d'erreur. Il ne faut pas même l'accorder à ses héritiers, sauf le cas où l'époux violenté ou induit en erreur l'aurait déjà intentée avant sa mort. A cet égard, nous nous rangeons à la doctrine si bien exposée par M. Demolombe, t. III, no 258 et 259, doctrine que nous n'avions fait qu'ébaucher (V. Proudhon, t. I, p. 433, note 3).

Enfin, dans les deux cas de violence et d'erreur, il y a ratification tacite du mariage et, par suite, «da » demande en nullité n'est plus recevable, toutes les >> fois qu'il y a eu cohabitation continuée pendant six » mois, depuis que l'époux a acquis sa pleine liberté » ou que l'erreur a été par lui reconnue » (art. 181). Et ceci, évidemment, n'est pas limitatif: car comment exclure la validité d'une ratification expresse et for

melle? L'utilité s'en ferait surtout sentir si la cohabitation n'avait pu continuer jusqu'à l'expiration des six mois, à raison de la mort ou de l'absence accidentelle de l'un des époux. Nous croyons, en outre, suivant l'opinion générale, qu'à défaut de ratification expresse et de la cohabitation de six mois, l'action en nullité serait éteinte par dix ans, puisque telle est la limitation de durée imposée à l'action en nullité des conventions (art. 1304), et qu'il n'y a aucune bonne raison pour ne pas l'appliquer à l'action dirigée contre le mariage (V. note a, sur Proudhon, p. 433).

XVIII. L'autre nullité relative est celle qui résulte du défaut de «< consentement des père et mère, des >> ascendants ou du conseil de famille, dans les cas » où ce consentement était nécessaire; » et le mariage alors «< ne peut être attaqué que par ceux dont le >> consentement était requis, ou par celui des deux » époux qui avait besoin de ce consentement. » Ce sont là les termes de l'article 182. Puis l'article 188 déclare que l'action ne peut plus être intentée soit par les époux (1), soit par les parents dont le consentement était requis, lorsque le mariage a été « approuvé ex» pressément ou tacitement » par ces derniers, « ou » qu'il s'est écoulé une année sans réclamation de » leur part, depuis qu'ils ont eu connaissance du >> mariage, » ce qui est regardé comme un abandon tacite de leur action (comp. art. 4115). Et l'article 183

(1) Ou par l'époux, si un seul a eu besoin d'être autorisé et ne l'a pas été.

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