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admet encore cette déchéance contre l'époux luimême (sans rien exprimer quant à l'action des parents), lorsqu'une année s'est écoulée depuis que l'époux a pu valablement ratifier l'acte annulable, c'est-à-dire « depuis qu'il a atteint l'âge compétent >> (vingt-cinq ans ou vingt et un ans, selon les cas)« pour consentir par lui-même au mariage. >>

XIX. Cette matière, quand on l'approfondit, est, comme tant d'autres, féconde en difficultés presque inextricables. Par exemple, que décider du mariage de l'enfant naturel non autorisé (lorsqu'il devait l'être), par un tuteur ad hoc (art. 159)? Le droit d'attaquer un mariage non autorisé se transmet-il des père et mère aux aïeuls et aïeules, puis aux ascendants plus éloignés, et enfin au conseil de famille? ou bien l'action en nullité n'appartient-elle qu'à celui dont le consentement était requis lors du mariage, et s'éteintelle par sa mort, son absence, etc.? - Si on s'arrête à cette dernière opinion, que semble favoriser le texte de l'article 182, l'ascendant ou le conseil de famille, non investi de l'action, peut-il ratifier le mariage afin de terminer un état d'incertitude intolérable? Que décider aussi lorsque le père (ou autre ascendant), qui était absent lors du mariage, ou dans l'impossibilité de manifester sa volonté, reparaît ou recouvre l'exercice de ses facultés mentales, et trouve son enfant marié sans l'autorisation requise? Peut-il, soit agir en nullité du mariage, soit le ratifier? — Et, dans tous les cas possibles, que devient l'action en nullité des parents, si l'enfant non autorisé décède ou atteint la

majorité quant au mariage (1)? Toutes ces questions exigeraient de longs développements que nous ne pouvons donner ici. Sur le cas où devait intervenir le tuteur ad hoc, voyez Proudhon, t. I, p. 434, note a; ajoutez M. Demolombe, t. III, n° 278. Quant aux autres points, nous indiquerons aujourd'hui, comme moyen de résoudre une foule de difficultés, la formule suivante : L'action en nullité, comme le droit de donner ou de refuser le consentement, celui de former opposition, se transmet d'un ascendant à l'autre, et de ceux-ci au conseil de famille, bien entendu tant que ce conseil a une existence légale. Les mots de l'article 182: « Ceux dont le consentement était nécessaire, » doivent être pris dans un sens collectif (non individuel et restrictif), l'exercice de l'autorité, quant au mariage, passant de main en main, d'un ascendant à l'autre, etc. Parfois encore, cet exercice de la puissance paternelle sera repris par celui qui avait momentanément cessé d'en être investi, à cause de son état d'absence, d'interdiction, etc. M. Demolombe présente très-bien cette doctrine relativement au dernier cas dont nous venons de parler (V. son tome III, no 273 et 280), tandis que nous proposons de la généraliser, corrigeant ainsi ce que nous avons dit sur Proudhon, t. I, note a de la page 434 et note a de la page 436. Quant à l'effet

(1) Vingt et un ans pour les filles (ou la majorité ordinaire), vingt-cinq ans pour les garçons qui ont des ascendants (art. 148150).

produit par le décès de l'enfant non autorisé ou par son arrivée à la majorité matrimoniale, la nature des choses oblige, selon nous, à distinguer entre le conseil de famille, être collectif et de raison, sans existence possible lorsqu'il n'y a plus d'incapable à diriger, et l'ascendant, qui demeure tel non-seulement après la majorité, mais aussi après la mort de l'enfant, puisque la postérité légitime du décédé devient la sienne propre. L'ascendant doit donc conserver l'action en nullité, dans les cas dont nous parlons, pourvu qu'il justifie de quelque intérêt à l'exercer, et sauf qu'on pourra lui opposer comme fin de non-recevoir son approbation expresse ou tacite, ou la déchéance résultant de l'expiration du délai fixé dans la première partie de l'art. 183 (V. cependant M. Demolombe, t. III, no 280 et 282); et par là nous nous expliquerons très-bien la fin de l'article 183, qui n'enlève pas l'action à l'ascendant, lors même que l'enfant l'a perdue par sa ratification tacite (opp. M. Demolombe, ibid., no 291).

XX. Les règles sur les nullités absolues sont exposées assez clairement dans les articles 184 à 193. Nous avons déjà parlé de ces nullités, qui sont d'ordre public et dont l'énumération se trouve dans les articles 184 et 194 (comp. art. 193). De toutes celles dont parle l'article 184, et qui se rattachent au défaut d'âge, à la bigamie et à l'inceste, la première seule (déduite du défaut d'âge) peut se couvrir, à raison de l'âge de l'époux ou de la grossesse de la femme, suivant les cas, en sorte que le mariage, nul à l'origine,

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se trouvera ensuite validé (art. 185) (1). C'est aussi la seule que les parents qui ont consenti au mariage ne soient pas admis à proposer (art. 186). Pour toutes les causes de nullité, l'intérêt, qui n'est que pécuniaire, tel que celui des collatéraux ou des enfants issus d'un autre mariage, doit être né et actuel. C'est là, en général, un intérêt de succession et qui suppose la mort de l'un des époux (V. art. 187 et 191), tandis que c'est au contraire du vivant des deux époux (et pour faire cesser le scandale de leur union) que le ministère public peut agir en nullité (art. 190).

XXI. Les articles 191 à 193 s'occupent des nullités absolues qui tiennent à des vices de forme. Ces vices sont l'incompétence de l'officier de l'état civil et le défaut de publicité dans la célébration du mariage; mais l'absence ou l'irrégularité des publications n'est jamais à elle seule une cause de nullité (comp. art. 192). La doctrine est bien fixée aujourd'hui sur le pouvoir discrétionnaire que l'article 193 accorde aux tribunaux pour apprécier la gravité du vice reproché au mariage, au point de vue non-seulement de la publicité du mariage, mais aussi de la compétence de l'officier public (2). Nous rapportons aux mêmes cas de nullité la fin de non-recevoir qui, d'après l'article 196, existe contre les époux eux-mêmes, lorsqu'il y a possession d'état, c'est-à-dire quand ils ont

(1) V. Proudhon, t. I, p. 439.

(2) V. à ce sujet nos Observations sur Proudhon, t. I, p. 410.

vécu publiquement ensemble comme mari et femme, et qu'ils ont passé pour tels (1).

XXII. De la preuve du mariage (suite du chap. 4). Le mariage se prouve naturellement par l'acte de célébration inscrit sur les registres à ce destinés, sauf l'application du principe général de l'article 46, qui admet la preuve par témoins et par tous les moyens possibles, des faits relatifs à l'état civil, lorsque les registres n'ont pas été tenus régulièrement ou lorsqu'ils ont été perdus ou détruits; c'est ce que nous avons déjà expliqué en traitant des actes de l'état civil (V. art. 46; comp. art. 194). La simple possession de l'état d'époux ne peut, en principe, créer un titre aux parties ellesmêmes ou à d'autres. Mais — 1° il en résulte la fin de non-recevoir, indiquée tout à l'heure, à propos des demandes en nullité de l'acte (et par suite en nullité du mariage), pour défaut de publicité de la célébration ou pour incompétence de l'officier de l'état civil (art. 195);

2o la possession d'état d'époux constitue un véritable titre pour les enfants, lorsque les prétendus mari et femme sont tous deux décédés : c'est qu'en effet le lieu de leur mariage peut être inconnu; il faut d'ailleurs, pour pouvoir invoquer ce bénéfice, que les enfants aient une possession d'état non contredite par leur acte de naissance (art. 197). La jurisprudence tend de plus en plus à restreindre ces résultats extraordinaires dans les limites rigoureuses de l'article.

(1) V. ibid., note a de la page 443.

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