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XXIII. En ce qui touche la preuve du mariage qui peut résulter, soit d'une procédure criminelle (art. 198 et 199), soit d'une procédure particulière dirigée au civil contre les héritiers de l'officier public (art. 200), voyez les Observations sur Proudhon, t. II, p. 105 et suivantes. Nous remarquerons ici, en outre, qu'il faut toujours réserver la question de savoir jusqu'à quel point les jugements ou arrêts (rendus aux termes des articles 499 et 200) sont opposables aux personnes qui n'y ont pas été parties (comp. art. 100 et 1351); et M. Demolombe a pu nous reprendre avec raison d'avoir dit, en termes très-généraux, que dans le cas de l'article 198, en l'absence même de parties civiles, le ministère public, qui a poursuivi le délit, représentait à cet égard la société tout entière. Ici, notre expression est allée au delà de notre pensée. Nous n'entendions considérer le jugement que secundum subjectam materiam, c'est-à-dire comme créant au profit des parties, des intéressés en général et du ministère public lui-même, le droit de faire inscrire la condamnation sur les registres de l'état civil, sans préjudice des débats qui peuvent s'élever entre qui de droit sur la réalité du mariage. Et il en serait évidemment de même dans le cas prévu par l'article 199, où M. Demolombe admet, sans difficulté, que le ministère public et les tiers en général ont l'action civile devant le tribunal criminel (1), à l'effet d'obtenir le rétablissement de

(1) Ce que l'art. 199 appelle improprement l'action criminelle.

la preuve du mariage (V. M. Demolombe, t. III, no 412 et 413).

D'un autre côté, nous craignions de nous être trompé en appliquant (1) l'article 200, par analogie, au cas où l'officier public coupable aurait prescrit contre l'action publique. M. Demolombe a reproduit ce cas d'application (dans son n° 416). Mais comment intenter une action civile contre les héritiers de l'auteur d'un crime ou d'un délit, après que l'action publique est éteinte par la prescription? Ce résultat n'estil pas formellement repoussé par les articles 637 et 638 du Code d'instruction criminelle?

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XXIV. Du mariage contracté de bonne foi ou putatif. C'est au droit canonique qu'a été empruntée la règle des articles 201 et 202, suivant laquelle le mariage déclaré nul produit les effets civils lorsqu'il a été contracté de bonne foi; ce qui a lieu d'abord au profit des époux, ou de l'un d'eux, si un seul a été de bonne foi, et, dans tous les cas, au profit des enfants issus du mariage. Ces derniers mots, suivant nous, ne sont qu'énonciatifs; car un des effets civils qui doivent profiter aux époux ou à l'époux de bonne foi est la légitimation des enfants naturels, conformément aux articles 331 à 333 (2).

Pour que l'on doive, en principe, appliquer les ar

(1) Observations sur Proudhon, t. II, p. 107 et 108, no VI, in fine.

(2) V. à ce sujet nos Observations sur Proudhon, p. 171

et 172.

ticles 201 et 202, peu importe que, après un temps plus ou moins long depuis la célébration du mariage, les époux en aient découvert la nullité et qu'ils aient, par là, cessé d'être de bonne foi; car il suffit que la bonne foi ait existé à l'origine, c'est-à-dire lorsque le mariage a été contracté (V. art. 201). Mais dès que la nullité en a été prononcée par les tribunaux, les choses doivent être traitées, sous tous les rapports, comme s'il s'agissait d'un mariage valable qui aurait été dissous.

XXV. Effets du mariage. Les chapitres 5 et 6 de notre Titre déterminent avec soin, non pas tous les effets du mariage, mais ceux qui ont trait, d'une part, à l'obligation d'élever les enfants et de fournir des aliments à certains parents et alliés (chap. 5); et, d'autre part, aux rapports qui s'établissent entre les époux, et, subsidiairement, à l'incapacité de la femme, qui dérive de l'état de dépendance où elle est placée vis-à-vis du mari (chap. 6).

XXVI. Des obligations qui naissent du mariage (chap. 5). Sur tout ce qui se rapporte à l'entretien et à l'éducation des enfants, ainsi qu'aux dettes alimentaires, objets de ce chapitre 5, nos observations seront courtes. Nous remarquerons d'abord que la charge d'élever les enfants, dans le sens large du mot, et de leur donner une éducation convenable, n'existe que pour les père et mère (art. 203), tandis que la charge de fournir des aliments est imposée à tous les parents (et même aux alliés) en ligne directe (art. 205 et suiv.). L'obligation civile de doter les enfants ou

de leur procurer un établissement quelconque n'existe pas, même pour les père et mère, ce qui est conforme à l'ancien droit coutumier (art. 204). Nous n'entrerons dans aucun détail sur la dette alimentaire, parce que les questions qui s'y rapportent sont presque toutes de fait plutôt que de droit (1). Nous persistons, au reste, à dire que la dette alimentaire due par plusieurs parents ou alliés n'est, à proprement parler, ni solidaire ni indivisible (V. Proudhon, t. I, p. 448, note a).

XXVII. Des droits et des devoirs respectifs des époux (chap. 6). Il y a entre les époux des devoirs mutuels, qui sont énoncés dans l'article 212. Mais la femme est placée, par rapport au mari, dans un état convenable à sa nature, qui est subordonnée et dépendante. De là le devoir du mari, corrélatif à son autorité et que la loi exprime par les mots protection de la femme; et de là aussi le devoir imposé à la femme par le mot encore plus énergique d'obéissance (art. 213), devoir qui comprend celui « d'habiter » avec le mari et de le suivre partout où il juge à >> propos de résider. » Et, de son côté, « le mari est >> obligé de recevoir la femme, et de lui fournir ce qui » est nécessaire à ses besoins (art. 214). » Cette obligation de la femme paraît même de nature à être, suivant les circonstances, sanctionnée par l'intervention de l'autorité publique, en ce sens que la femme,

(1) V. là-dessus Proudhon, t. I, p. 446 et suiv.; et M. Demolombe, t. IV, no 22 à 80.

par suite d'une décision judiciaire, pourra être amenée de force (manu militari) au domicile conjugal. La jurisprudence paraît de plus en plus établie dans ce sens, et avec raison, selon nous (V. Proudhon, t. I, p. 453, note a). Et, par réciprocité (quoique le cas se présente bien plus rarement), l'emploi de la force publique doit aussi protéger la femme que le mari ne voudrait pas recevoir dans sa maison, où elle a le droit de résider.

XXVIII. De l'incapacité de la femme mariée.-Tous les articles qui suivent, jusqu'à la fin du chapitre (245-225), traitent de l'incapacité où est la femme mariée d'ester en jugement (1) (c'est-à-dire de comparaître en justice), et aussi de contracter, et, en général, d'aliéner et de s'obliger (2) sans l'autorisation de son mari ou de justice (aj. art. 776, 905, 934, 1124, 1125, 1535, 1538). Le dernier article de notre chapitre (art. 226) permet, au contraire, à la femme de faire son testament sans autorisation (V. aussi art. 905 in fine). Ceci est conforme au droit général de la France, car on regardait comme très-exceptionnelle la disposition de certaines coutumes qui étendaient au testament de la femme la nécessité de l'autorisation maritale. Notre Code a sagement considéré que le testament est un acte essentiellement personnel, où aucune vo

(1) Ancienne formule qui traduit la locution latine stare in judicio.

(2) Sur l'incapacité de s'obliger V. Observ. sur Proudhon, t. I, p. 463.

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