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lonté étrangère ne doit venir se mêler. Il en est de même quant à la révocation d'un testament faite autrement que par acte testamentaire (V. art. 1035 in fine). Et la loi le décide encore de la révocation d'une donation que la femme aurait faite à son mari pendant le mariage, donation toujours révocable de sa nature (V. art. 1096). La femme mariée peut aussi procéder seule aux actes purement conservatoires, comme à la transcription d'une donation immobilière qui lui a été faite (art. 940), ou à une inscription hypothécaire sur les biens de son mari (art. 2139, 2194 et 2195).

XXIX. Nous allons donner quelques développements à la règle de l'incapacité de la femme mariée et de la nécessité de l'autorisation. A cet égard, nous établirons les règles suivantes :

4° L'autorisation est exigée non-seulement pour maintenir l'autorité du mari, mais aussi dans le but de protéger les intérêts de la femme. D'où il suit que l'action en nullité de l'acte non autorisé appartient à la femme et à ses héritiers aussi bien qu'au mari (1) (V. art. 225; aj. art. 1125). De là résulte aussi que le mari mineur ne peut plus, comme autrefois, donner une autorisation valable (V. art. 224).

2o L'absence d'autorisation n'engendre point, comme dans l'ancien droit, une nullité d'ordre public, qui puisse être invoquée par ceux qui ont contracté

(1) Et aux héritiers du mari, s'ils peuvent justifier de quelque intérêt à exercer l'action (V. M. Demolombe, t. IV, no 341).

avec la femme ou par des tiers (art. 225 et 1125) (1).

3o L'autorisation du mari n'a plus besoin d'être donnée dans des termes déterminés et presque sacramentels (2); aussi la loi emploie-t-elle le mot consentement, et même le seul concours du mari dans l'acte suffit aujourd'hui pour valider l'opération (V. art. 217).

4° L'autorisation ne doit pas être générale, mais spéciale pour tel ou tel acte déterminé. Cependant, lorsque la femme est séparée de biens par contrat ou par jugement, elle a en réalité une sorte d'autorisation générale d'administrer ses biens (V. art. 223, 1449, 1536 et 1538) (3). De même encore, la femme qui est marchande publique avec le consentement de son mari (C. de comm., art. 4) est capable de s'obliger sans autorisation spéciale, pour ce qui concerne son négoce (art. 220, et C. de comm., art. 5). La femme marchande publique peut, en outre, engager, hypothéquer ou aliéner ses immeubles, à moins que son régime matrimonial ne les rende inaliénables (V. C. de comm., art. 7; comp. art. 1554 et suiv.); mais ces dérogations ne s'étendent pas à la faculté d'intenter ou de soutenir des procès (ester en jugement). On n'a

(1) L'action s'éteint par le laps de dix ans écoulés depuis la dissolution du mariage, ou par une confirmation expresse ou tacite, conformément aux principes généraux sur les actions en nullité ou en rescision (v. art. 1304 et 1338).

(2) Comp. Pothier, Puissance du mari, no 15.

(3) V. Observ. sur Proudhon, t. I, no II, p. 463 et suiv.

pas trouvé qu'il y eût là cette nécessité de tous les instants, pour laquelle la femme séparée de biens, ou marchande publique, a été affranchie de l'autorisation spéciale relativement aux actes de son administration ou de son négoce. L'une et l'autre, en conséquence, doit être autorisée pour paraître en justice (art. 215 et 1576).

5o Le juge peut, en principe, autoriser la femme à ester en jugement, à contracter, et généralement à faire un acte obligatoire, lorsque le mari, mis en demeure d'autoriser lui-même, a refusé et a été appelé à déduire les causes de son refus dans la chambre du conseil (art. 218 et 219; C. de pr., art. 861 et 862; - V. cependant l'art. 1029, et les art. 1555 et 1556 combinés).

Et même le juge est seul, et à l'exclusion du mari, investi du droit d'autoriser, lorsque celui-ci est mineur ou interdit (art. 222 et 224), ou bien frappé, même par contumace, d'une peine afflictive ou infamante (art. 221). Voyez, à ce sujet, et notamment en ce qui touche la dégradation civique, ce que nous disons sur Proudhon (t. I, p. 470, note a). Enfin, en cas d'absence présumée ou déclarée du mari, la force des choses appelle le juge à statuer directement sur la requête présentée par la femme (V. C. de pr., art. 863; aj., pour le cas d'interdiction, l'art. 864, ibid.).

XXX. Quel est, dans tous ces cas, le tribunal compétent? S'il s'agit de passer un acte (aliéner, s'obliger), l'article 219 indique « le tribunal de pre>>mière instance de l'arrondissement du domicile

» commun

)». Il en sera de même évidemment lorsque la femme veut se faire autoriser par justice à intenter une action. Cependant si, étant séparée de corps, elle avait son domicile dans un arrondissement autre que celui de son mari (2), ne serait-il pas raisonnable de citer le mari devant le tribunal du domicile de la femme, puisque le fond de l'affaire n'est pas un procès entre les époux, mais un acte de la juridiction volontaire ou gracieuse, sollicité par la femme, le mari n'y étant appelé qu'incidemment et pour donner des explications (comp. C. de proc., art. 862 et suiv.)? Dans les cas exceptionnels où le tribunal prononce sur l'autorisation à donner, sans que le mari doive être consulté au préalable (art. 221, 222, 224), il est tout à fait hors de doute que le juge compétent sera toujours celui de la femme, lorsque, étant séparée de corps, elle a un domicile particulier.

XXXI. Jusqu'à présent, nous ne nous sommes pas arrêté sur le cas où la femme est défenderesse dans une instance judiciaire. Aucune disposition de loi n'indique dans quelle forme l'autorisation doit alors être donnée à la femme: car, dans notre article 219 et dans les articles 861 et suivants du Code de procédure, il n'est parlé que de la femme qui veut poursuivre ses droits. Proudhon examine ce point (t. I, p. 468 et suiv.), et indique une marche qui est celle

(1) Nous avons indiqué cet article en parlant de la compétence à propos du domicile, p. 55.

(2) V. ci-dessus, p. 62.

de la pratique judiciaire la plus constante. Le demandeur doit assigner le mari conjointement avec la femme (comp. art. 2208, § 2); si le mari fait défaut, ou si, ayant comparu, il refuse d'assister sa femme dans l'instance ou de l'autoriser à se défendre seule, le juge peut donner, et, en fait, donne constamment l'autorisation, ce qui devient ainsi en pratique une affaire de pure forme. Du reste, la pensée des auteurs du Code est certainement que l'autorisation du juge peut, suivant l'occurrence, être refusée à la femme, nonseulement lorsqu'elle intente l'action (1), mais encore lorsqu'elle est poursuivie, parce qu'on peut avoir reconnu jusqu'à l'évidence le mal fondé de sa résistance à la demande dirigée contre elle; et, dans ce cas, le résultat du refus d'autorisation sera forcément un jugement rendu contre la femme, par défaut. C'est là précisément ce qui explique notre article 216, aux termes duquel « l'autorisation du mari n'est pas nécessaire » lorsque la femme est poursuivie en matière cri» minelle ou de police » : car le droit de défense ne peut être, pour aucun motif et sous aucun prétexte, enlevé à la personne menacée de l'application d'une loi pénale. D'où il suit que l'article 216 doit être appliqué lors même que le tribunal de répression est saisi directement par la partie civile, ce qui a lieu en matière correctionnelle ou de simple police (V. C. d'inst. crim., art. 64 in fine, 145, 182).

(1) V. C. pr., art. 861 et 862.

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