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ration de corps « sera intentée, instruite et jugée de » la même manière que toute autre action civile. » Par là, il nous renvoie aux règles ordinaires de la procédure. Il rejette donc certaines formes particulières au divorce (comp. C. de proc., art. 881), telles que la permission de citer que le demandeur devait obtenir et qui pouvait être suspendue (art. 240); la règle du huis clos pour le commencement de l'instance (art. 244– 244); le droit pour le juge, en certains cas, de ne pas admettre immédiatement le divorce, quoique les faits allégués fussent bien établis (art. 259 et 260).

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y a cependant quelque chose de spécial dans les articles 875 à 878 du Code de procédure, relatifs à l'intervention du président pour tenter la conciliation des parties et pour autoriser la femme (ce qui est ici de pure forme) à procéder sur la demande, etc. (1).

Quant au jugement, comme il modifie l'état des personnes, il est rendu sur les conclusions du ministère public (C. de pr., art. 83, n° 2, et 879); mais l'affaire n'est plus aujourd'hui plaidée en audience solennelle, comme le sont en général les questions d'état (V. ordonnance du 16 mai 1835; comp. décret du 30 mars 1808, art. 22) (2). Enfin, une certaine publicité est donnée au jugement par des affiches appo

(1) Doit-on appliquer ces articles 878 et suivants du Code de procédure au cas prévu par l'article 232 du Code Napoléon? Pour la négative, voir Proudhon, t. I, p. 536, note a, no II; comp. C. N., art. 261. Opp. M. Demolombe, t. IV, no 435. (2) Nous donnons ces deux textes à la fin du Titre.

sées dans l'auditoire des tribunaux et dans les chambres d'avoués et de notaires (C. de pr., art. 880).

à

La procédure devant les tribunaux doit, à notre avis, suivre la marche ordinaire (sur assignation et à l'audience publique) dans le cas prévu par l'article 232 (condamnation à une peine infamante), aussi bien que dans les autres; car le défendeur peut avoir des moyens opposer à la demande, et d'ailleurs notre article 307 est conçu dans les termes les plus généraux. Peut-être niera-t-il son identité avec l'individu désigné dans l'arrêt de condamnation, ou (comme on en a un exemple) alléguera-t-il une amnistie, ou enfin une procédure en révision déjà entamée (V. C. d'inst. crim., art. 443 et suiv.). Quels dangers n'y aurait-il pas, dans bien des circonstances, à prononcer la séparation de corps, sans citation préalable et sur simple requête! Qui sait jamais s'il n'existe pas quelques raisons devant lesquelles la prétention du demandeur tombera de prime abord, ou qui, du moins, devront être examinées? L'article 264 lui-même, en matière de divorce, n'entendait affranchir le demandeur que des tentatives de conciliation, des jugements préparatoires et des enquêtes, etc., mais non de l'assignation à donner au défendeur (1).

Relativement à la maison où la femme est tenue de

(1) Tout ceci a été parfaitement mis en lumière par M. Bertin, dans son remarquable ouvrage sur la Chambre du conseil, 2a édit., t. II, no 968 à 976. Et la même doctrine commence à être suivie en pratique; la Chambre du conseil de la Seine l'a consacrée par un jugement du 9 mars 1855.

résider pendant l'instance, comparez nos articles 214, 268 et 269, l'article 878 du Code de procédure, et Proudhon, tome 1, page 537, no III de la note. Quant à l'administration provisoire des enfants, il faut appliquer l'article 267 (comp. art. 373). De même, suivant nous, les articles 251 et 270 (qui constituent, le premier un mode de preuve, et le second une mesure de précaution, plutôt que des formes de procédure ou d'instruction), et enfin l'article 271, qui est d'ailleurs conforme au droit commun (V. art. 1167), doivent s'appliquer à notre matière (V. Proudhon, ibid., note a).

Si les faits sur lesquels la demande est basée donnaient lieu à une poursuite criminelle, l'action civile serait suspendue, suivant le droit commun, jusqu'à ce qu'il eût été prononcé définitivement sur l'action publique (V. C. d'instr. crim., art. 3; comp. C. Nap. art. 235).

VII. Des effets de la séparation de corps. Le législateur sous-entend ici les effets immédiats et en quelque sorte naturels de la séparation de corps, telle qu'on l'entendait dans l'ancien régime, effets dont l'expression même de séparation de corps réveille suffisamment l'idée. Les personnes sont séparées matériellement; quoique toujours unies en mariage, elles n'ont plus de vie commune ni de relations habituelles. Par suite on admettait autrefois que la femme avait non-seulement une résidence à part, mais un domicile propre (1). Comment concevoir, en réalité, qu'une per

(1) V. Pothier, Intr. gén. aux coutumes, no 10.

sonne soit domiciliée dans un lieu où elle n'a peut-être plus aucun intérêt, aucune affaire, bien loin d'y avoir son principal établissement (comp. art. 102)? Et telle est aussi la jurisprudence constante de nos jours (1). Il est vrai que, d'après l'article 108, « la femme mariée » n'a point d'autre domicile que celui de son mari. >> Mais, bien que la généralité de cette disposition ait entraîné Merlin (2) à l'appliquer même au cas de séparation de corps, les termes de l'article 108 ne sont pas plus absolus que ceux de l'article 214, d'après lequel <«< la femme est obligée d'habiter avec le mari, et de le » suivre partout où il juge à propos de résider; » et cependant tout le monde convient qu'après la séparation de corps prononcée, la femme n'est plus obligée d'habiter avec le mari et de le suivre, comme aussi le mari n'est plus obligé de la recevoir (même art. 214). Il n'y a aucune raison de décider autrement pour le domicile.

Les époux n'habitant plus ensemble, il ne peut être question entre eux de l'obligation d'assistance personnelle (comp. art. 212). Mais ils se doivent toujours réciproquement des secours pécuniaires, ou aliments, dans la proportion du besoin de l'un et de la fortune. de l'autre (même art. 212; aj. art. 208 et 209). La garde des enfants sera réglée ainsi qu'il est dit dans les articles 302 et 303. L'obligation de fidélité subsiste (art. 212), et, en conséquence, l'adultère de la femme

(1) V. ci-dessus, p. 62, et Proudhon, t. I, p. 244, note 6. (2) Rép. de Jur., v° Domicile, § 5.

continue d'être passible des peines du droit commun (C. pén., art. 336-338). Mais le devoir du mari n'est plus garanti par une sanction analogue, puisqu'il n'y a plus de maison commune ou conjugale à laquelle le texte de la loi pénale puisse s'appliquer (ibid., art. 339). En ce qui concerne la présomption de paternité du mari, nous renvoyons à l'article 313 du Code modifié par la loi du 6 décembre 1850 (comp. Proudhon, t. II, p. 25, et la note a, ibid.).

VIII. La vie commune n'existant plus, on ne concevrait pas qu'il y eût encore société de biens entre les époux, ni que le mari conservât l'administration et la jouissance des biens de la femme. Aussi l'article 311 déclare-t-il que « la séparation de corps emportera tou

jours la séparation de biens; » ce qui est confirmé par l'article 1441, no 4. La femme reprend l'administration de sa fortune, administration large qui comprend l'aliénation du mobilier (art. 1449); mais pour tout le reste elle demeure incapable et assujettie à la nécessité de l'autorisation, suivant le droit commun. Elle peut, si elle était commune en biens, accepter la communauté et en demander le partage, conformément aux articles 1453 et suivants. On devra consulter, en outre, quant aux droits de survie, les articles 1452 et 1518.

Cette nouvelle situation des époux, quant à leurs intérêts pécuniaires, est un fait dont la connaissance est fort importante pour les tiers. Nous avons cité plus haut (p. 145) l'article 880 du Code de procédure, qui prescrit de donner une certaine publicité aux

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