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après qu'il est dissous) peut, en principe, être désavoué par le mari ou par ses héritiers. Ce n'est que par exception que le désaveu n'est pas admissible, soit parce que l'enfant a été reconnu ou avoué par le mari avant ou après la naissance, soit parce que, parce que, l'enfant n'étant pas né viable, le désaveu n'aurait pas d'intérêt (art. 314). Cet enfant est légitime lorsqu'il n'est pas désavoué par ceux auxquels la loi confie l'exercice de l'action en désaveu. Dans une autre opinion, l'enfant est seulement légitimé, et l'article 331, qui proscrit certaines légitimations, lui est applicable (1).

La troisième règle se lie intimement aux deux autres, puisque son but définitif est de les appliquer, en laissant le moins possible à l'arbitraire du juge en ces matières. Elle a été arrêtée au conseil d'État comme fixant la durée légale de la plus longue et celle de la plus courte grossesse : la première à trois cents jours (environ dix mois), et la seconde à cent quatre-vingts jours ou environ six mois (art. 312, 313, 314 et 315 combinés). Cette fixation légale des deux limites extrêmes de la grossesse sert à déterminer : 1° si la conception, qui certainement a eu lieu pendant le mariage, doit ou non se placer aux époques où il y aurait eu impossibilité physique ou morale de cohabitation entre le mari et la femme, mais en prenant toujours le parti le plus favorable à l'enfant, placé ici dans l'alternative d'être légitime ou adultérin (art. 312 et 313); 2o si la conception a eu lieu avant, pendant ou

(1) V., ci-dessus, p. 156, et M. Demolombe, t. V, nos 56-64.

après le mariage, en prenant encore ici, entre les deux limites extrêmes, l'époque de la conception la plus favorable pour assurer la filiation de l'enfant par rapport au mariage dont il s'agit à moins cependant qu'il n'eût un autre état d'enfant légitime (peut-être même d'enfant naturel) constaté d'ailleurs par des moyens de preuves qui paraîtraient préférables (1).

La durée exacte de la plus longue et de la plus courte grossesse, suivant la computation légale, n'est point aisée à formuler, à cause des expressions vagues qui servent dans nos articles à indiquer les délais. On y emploie des termes ambigus: depuis tel jour, jusqu'à tel jour, tant de jours après, etc., sans jamais nous dire si le jour dont on part et celui auquel on s'arrête, sont ou non compris dans le chiffre qui exprime le nombre des jours. Il y a déjà, en droit français et pour d'autres matières, des disputes interminables sur la computation du premier et du dernier jour dans les délais, ou, comme on dit, du dies a quo et du dies ad quem. C'est bien pis encore dans le sujet actuel, où les règles sur les délais se mêlent et se croisent, où les locutions obscures sont multipliées (V. art. 312, 313 nouveau, 314 et 315), et où d'ailleurs quelques heures de plus ou de moins, suivant la manière dont on entendra les articles, vont décider du sort d'une filiation, en la rendant légitime, na

(1) Affaire Henry et Quériau, civ. cass., 23 novembre 1842, et cour d'Orléans (statuant sur le renvoi après cassation), 10 août 1843; aj. M. Demolombe, t. V, no 93 à 99.

turelle ou même adultérine. Était-il donc bien difficile d'éviter ici tous ces petits mots équivoques, ces piéges du langage français, qui ne font pas grand mal dans l'usage de la vie commune, mais qui sont vraiment intolérables dans un Titre De la paternité et de la filiation, où l'on prétend établir des règles de la plus haute importance? Il n'eût certes pas été bien malaisé, une fois le parti pris sur la question physiologique, de s'en expliquer dans un article simple, clair, et fait pour dominer tous les cas, au lieu de démembrer le principe et de le disséminer dans des applications de détail. Ainsi on aurait dit; La grossesse peut être au maximum de tel nombre de jours, et au minimum de tel autre nombre; et on aurait décidé, en même temps, si les fractions de jours figureraient dans le compte, ou si on n'y ferait entrer que des jours entiers, comptés, soit d'heure à heure, soit de minuit à minuit. Cela posé, et en ajoutant les règles sur le cas où le désaveu du mari et de ses héritiers est admissible, tout aurait marché de soi-même, et chaque espèce eût été jugée eu égard à la mesure du maximum et du minimum reconnu par la foi. Mais trop souvent chez nous, au lieu de viser à l'exacte propriété, à la clarté parfaite des termes, on s'est plu à faire ce que j'oserais appeler des lois de parade, où le public doit admirer la variété des tours et l'élégance du langage. Et qu'est-il résulté de là? C'est qu'après tant d'années données à l'interprétation du Code, M. Demolombe a pu écrire (t. V, no 18 et 19) que, sur la fixation rigoureuse du maximum et du minimum dont nous parlons, il n'y a « rien de plus

compliqué ni de plus obscur », et aussi, comme conséquence, «< rien de plus divergent que les opinions » des auteurs. >>

III. Dans la note placée sous les pages 26 à 29 du tome II de Proudhon, nous avions admis, en termes qui auraient eu besoin de plus de développements, la doctrine suivante : le maximum de la grossesse légale est de trois cents jours complets, à dater de la fin du jour où la conception des œuvres du mari est devenue impossible, à cause de la dissolution du ma riage ou de l'éloignement des époux, etc.; et la preuve, nous la déduisions de l'article 315, relatif au cas de dissolution, en le lisant comme s'il y avait... : « L'en» fant né après le trois centième jour d'une série dont >> le premier est le lendemain de la dissolution du ma» riage..... » Ce point établi, nous revenions à l'article 312, où le maximum et le minimum sont réglés cumulativement, à propos de l'impossibilité physique de cohabitation pendant le mariage. Là, nous trouvions que, pour faire cadrer le maximum indiqué avec celui que nous fournissait l'article 315, il fallait, en partant de la naissance de l'enfant et retournant en arrière vers le début de l'absence ou de l'accident, prendre pour premier jour de la série rétrograde des jours la veille de la naissance, en sorte que l'empêchement de cohabitation (l'absence, par exemple) aurait commencé avant le trois centième jour, ou, en d'autres termes, plus de trois cents jours pleins, comptés de minuit à minuit, avant celui de la naissance de l'enfant. Ceci étant admis, le minimum devait évidemment être

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fixé de la même manière (puisqu'il l'est dans le même membre de phrase de l'article 312), en négligeant le jour de la naissance et prenant la veille pour le premier de la série rétrospective des jours. L'empêchement de cohabitation, qui donne lieu au désaveu, aurait continué pendant tout le cent quatre-vingtième jour et en deçà; de sorte que toute la durée postérieure serait moindre de cent soixante-dix-neuf jours pleins, aussi comptés de minuit à minuit.

Ce dernier résultat, il est vrai, se trouvait en désaccord avec le sens que présente, au premier coup d'œil, l'article 344, qui règle dans quel cas l'enfant peut, en principe, être désavoué par le mari, comme ayant été conçu avant le mariage. C'est, nous dit l'article, lorsque cet enfant est né « avant le cent quatrevingtième jour du mariage » ; d'où il suit que le mari ne peut le désavouer lorsque la naissance a eu lieu dans le cours de ce cent quatre-vingtième jour. Or qu'est-ce que le premier jour du mariage? C'est évidemment celui où le mariage a été célébré. Donc, si l'on retranche la fraction de jour qui suit la célébration du mariage, et la fraction qui précède la naissance arrivée dans le cent quatre-vingtième jour, il ne reste, en définitive, que cent soixante-dix-huit jours pleins, comptés de minuit à minuit, formant le minimum légal de la durée de la grossesse. Telle est l'objection que nous faisions nous-même, à l'endroit déjà indiqué (V. Proudhon, t. II, p. 28, note a), contre le système qui fixe les délais à trois cents jours pleins et cent soixante-dix-neuf jours

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