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pleins, selon les cas, en négligeant les fractions de jours (1).

Il est vrai que, pour échapper à cette difficulté, nous prenions le parti, déjà indiqué par plusieurs auteurs, de lire l'article 314 comme s'il y avait : « L'enfant né avant le cent quatre-vingtième jour » depuis le mariage », excluant, comme on dit, le dies a quo, et prenant le lendemain pour le premier jour de la série à compter. De cette manière on retrouvait la nécessité des cent soixante-dix-neuf jours pleins, pour la plus courte grossesse, indépendamment des deux fractions de jour qu'on pouvait rencontrer au début ou à la fin. Cette correction mettait tout d'accord, et les divers articles du chapitre se trouvaient ainsi en parfaite harmonie.

IV. Mais aujourd'hui, cette interprétation nous semble trop pénible et trop forcée pour être vraie. Sans doute, bien des mots et des tournures de phrases se rapportant à des délais ou durées de temps (comme depuis tel jour, tant de jours après, jusqu'à tel jour, etc.) peuvent, suivant les cas, se prêter à des sens divers, qui allongent ou restreignent la durée dont il s'agit, parce qu'on ne sait au juste si on y comprend le jour dont on part et le jour auquel on arrive. Mais dire «<le cent

(1) La difficulté serait décisive contre ce premier système si l'empêchement, dont parle l'article 312, était supposé avoir pris fin pendant le cent quatre-vingtième jour; car alors il faudrait dire que la durée de cent soixante-dix-neuf jours pleins, comptés de minuit à minuit, n'est pas même suffisante, assertion absolument inconciliable avec l'article 314.

n'est-ce pas

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quatre-vingtième jour du mariage », vinciblement dire le jour qui se présente le cent quatre-vingtième en comptant comme premier celui où le mariage a eu lieu; car ce jour-là, on ne peut en disconvenir, à moins de renoncer à parler français, est bien pour tout le monde le premier jour du mariage, le jour où, pour la première fois, les deux personnes dont on s'occupe ont été mari et femme.

D'un autre côté, on ne conçoit pas trop ce chiffre de cent soixante-dix-neuf jours, présenté comme exprimant la durée de la plus courte grossesse, alors que dans les travaux préparatoires du Code sur cet objet, on voit toujours indiqué, d'abord celui de cent quatre-vingt-six, et ensuite celui de cent quatre-vingts jours (1).

V. Une autre opinion, qui peut être soutenue avec plus de probabilité, est celle qui compte comme jours utiles, pour former le chiffre total, même les simples fractions de jours, en sorte qu'on fait figurer parmi les jours de grossesse, au point de vue de la légitimité, tous ceux pendant la durée desquels il peut y avoir eu grossesse, sans exiger d'ailleurs que le jour soit entier. Ainsi, pour rester dans l'hypothèse de l'article 314, la femme ayant pu concevoir le jour même du mariage, si elle accouche le cent quatre-vingtième jour de ce mariage, l'enfant sera légitime, parce que

(1) V. Fenet, t. II, p. 63, et t. X, p. 11 et 19. C'est le Premier Consul qui proposa de réduire le délai à cent quatre-vingts jours (séance du 14 brumaire an X).

la grossesse s'étend, si on peut parler ainsi, sur une durée de cent quatre-vingts jours, bien qu'elle n'occupe que cent soixante-dix-huit jours pleins et complets.

On tâche d'expliquer de la même manière la mesure du délai considéré au point de vue de son maximum. La légitimité de l'enfant peut être contestée (nous indiquerons plus loin quel est l'effet de cette contestation) (1) lorsqu'il est né, après la dissolution du mariage, à une époque telle, que sa légitimité supposerait une grossesse de plus de trois cents jours (V. art. 315). Or, dit-on, ceci a lieu si l'enfant naît après le trois centième jour, en comptant comme premier jour celui où le mariage s'est dissous; car cette fraction de jour figurant dans le compte, la grossesse se trouverait avoir été de plus de trois cents jours.

Enfin on entend l'article 312 d'après les mêmes principes. Puisque l'on compte pour un jour de grossesse, équivalant à un jour complet, celui pendant lequel la grossesse a eu ou peut avoir eu lieu, il en résulte que l'impossibilité de cohabitation, l'absence du mari , par exemple, doit avoir duré en sorte que la grossesse ne puisse comprendre cent quatre-vingts jours entiers ou partiels, peu importe. Il faut donc compter pour premier jour de grossesse avant la naissance le jour même de l'accouchement et, retournant ensuite en arrière, trouver que le mari a été absent pendant tout

(1) V. p. 174 et 181.

le cent quatre-vingtième, et par conséquent n'est revenu, au plus tôt, que le cent soixante-dix-neuvième, ce qui exclut l'idée d'une grossesse provenue des œuvres du mari depuis son retour. D'un autre côté, il faut établir que le mari s'est absenté avant le commencement du trois centième jour, de manière que la grossesse ne puisse être restreinte à la durée de trois cents jours.

Cette seconde opinion a le tort grave de prendre, comme ayant la même valeur, des fractions de jours dont la différence peut être énorme (1); et, en outre, elle fait évidemment violence aux termes de l'article 312, puisque, dans le langage habituel, le nombre de jours écoulés avant un fait ne comprend pas le jour où le fait s'est passé.

VI. Mais ce qu'il y a de plus simple encore, selon nous, c'est d'entendre les articles 312 et suivants, comme conférant aux juges le pouvoir de rechercher s'il y a eu trois cents jours ou cent quatre-vingts jours entiers écoulés, en les comptant non pas dé minuit à minuit, mais (autant que faire se pourra) d'heure à heure (2), et cela depuis le mariage (art. 314)

ou sa dissolution (art. 315)

ou l'impossibilité phy

(1) Jamais, dans les discussions sur le projet, il n'a été question de fractions de jours, mais uniquement de jours entiers dont la somme détermine la durée extrême des grossesses, en plus ou en moins.

(2) Nous prenons ici la fraction de temps la plus minime à laquelle on puisse habituellement donner son attention dans ces sortes d'affaires.

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sique de cohabitation-ou enfin la cessation de cette impossibilité (art. 312) (1).

Ainsi l'article 314 signifiera tout naturellement : <«<l'enfant né avant qu'il y ait cent quatre-vingts » jours de mariage etc. », ou (ce qui est la même chose) << avant le cent quatre-vingtième jour révolu >> depuis la célébration du mariage, etc. »>

L'article 315 s'appliquera dans le cas où trois cents jours seraient déjà écoulés depuis la dissolution du mariage, toujours en comptant d'heure à heure, avant la naissance de l'enfant.

Il va de soi, enfin, que l'article 312 s'entendra de même l'impossibilité physique de cohabitation, pour donner lieu au désaveu du mari, aura nécessairement existé pendant plus de cent vingt jours, comptés d'heure à heure, attendu qu'elle devra se reporter à plus de trois cents jours, et avoir continué sans interruption jusqu'à moins de cent quatre-vingts jours, avant l'accouchement.

Au fond, qu'on y réfléchisse bien, c'est là tout ce que les rédacteurs ont voulu dire, et une fois admise la computation d'heure à heure, tous nos articles s'y accommodent sans peine, sauf néanmoins que l'article 312 (comme dans les autres systèmes) manquera

(1) Plus loin (sur le Titre XI), en expliquant l'article 488, nous admettons le même mode de computation d'heure à heure, pour déterminer l'âge de la majorité. Jusqu'à présent, nous l'avions à tort rejeté en matière de filiation, comme par une fin de non-recevoir et de prime abord (V. Proudhon, t. II, p. 27, note a, no 1).

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