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il en serait autrement si les enfants dont il s'agit étaient adultérins ou incestueux, car l'article 331 repousse absolument leur légitimation. Ainsi un mariage inattaquable en lui-même ne peut leur profiter: par exemple, celui qu'un homme marié, ayant des enfants d'une autre femme que la sienne, contracterait avec la mère après que la mort de sa première femme l'a rendu libre; et, par voie de conséquence, le résultat dont il s'agit ne sera pas attaché à la faveur d'un mariage putatif (1). Quant aux enfants nés de personnes qui se marient ensuite avec des dispenses obtenues dans les cas prévus par l'article 164, nous renvoyons à ce que nous avons écrit, Revue de législation et de jurisprudence, t. VIII, p. 37 et suiv., et sur Proudhon, t. II, p. 168, n° IV (comp. M. Demolombe, t. V, no 352–354).

Les enfants nés du mariage de l'enfant naturel reconnu et décédé ensuite sont légitimes quant à lui, mais non quant à sa famille (comp. art. 756); toutefois, ils peuvent être légitimés par leur aïeul et devenir pour celui-ci une véritable postérité légitime, au lieu de rester au rang inférieur de postérité naturelle. C'est ce que décide en termes exprès l'article 332.

XXII. De la reconnaissance des enfants naturels (chap. 3, sect. 2).-En défalquant ce qui se rapporte à la légitimation dans le tome II de Proudhon (p. 162 à 172), son chapitre 2, Des enfants naturels, avec nos observations et notes (p. 126 à 184), embrasse la ma

(1) V. sur ces divers points, M. Demolombe, t. III, no 364 à 366.

tière de la reconnaissance de ces enfants. Nous croyons devoir y renvoyer, pour ne pas traiter ici de nouveau des points si souvent débattus et qui demandent de si longs développements. Seulement, nous devons dire que les arguments présentés avec tant d'érudition et de logique par M. Demolombe nous ont amené à changer notre doctrine sur la portée de deux articles de cette section.

1° Nous admettrons dorénavant que la disposition exceptionnelle de l'article 337, qui limite les avantages de la filiation naturelle, s'applique même au cas où la reconnaissance de cette filiation a été forcée par suite d'une recherche judiciaire de la paternité ou de la maternité (V. art. 340 et 341; comp. notre note a, n° 11, sur Proudhon, t. II, p. 446, et M. Demolombe, t. V, p. 466).

2° Nous sommes aussi disposé à admettre aujourd'hui, comme le fait de plus en plus la jurisprudence, que la recherche de la filiation naturelle au moyen de la preuve testimoniale, n'est autorisée, par l'esprit, comme par le texte de nos articles, qu'au profit de l'enfant naturel et non contre lui (V. art. 339, 341 et 342; comp. Proudhon, t. II, p. 140, note, n° II, et M. Demolombe, t. V, no 527).

XXIII. Nous terminerons par quelques nouvelles observations sur les effets de la possession d'état quant à la preuve de la filiation naturelle (V. Proudhon, t. II, p. 150 et 154). Comme il paraît impossible de faire passer dans la jurisprudence le système radical que nous avions emprunté à M. Demolombe sur ce

sujet, tout au moins faut-il regarder comme titre de la filiation naturelle, par rapport à la mère, l'acte de naissance où elle est désignée (V. C. Nap., art. 57, et C. pén., art. 345), et, par suite, reconnaître aux parties intéressées le droit d'établir l'identité de l'enfant par la possession d'état, quoiqu'il n'y ait pas de commencement de preuve par écrit. En effet, d'une part, il est de droit commun qu'on vérifie, quand il en est besoin, l'identité d'une personne avec celle qui est désignée dans un acte, et, d'autre part, l'article 341 n'a point ici d'application, puisque la preuve par la possession d'état est toujours, dans le langage de la loi, distincte de la preuve par témoins (comp. art. 320, 323 et 341). A plus forte raison l'état de l'individu sera-t-il établi, au profit de qui de droit, quand on ne contestera pas même son identité avec l'enfant désigné dans l'acte de naissance (1).

(I) C'est précisément ce qui est arrivé dans l'espèce jugée par la cour de cassation, ch. civ., le 1er juin 1853 (Lahirigoyen et l'adm. de l'enreg. c. Anna Jolly). Mais, du reste, la cour, dans son arrêt, indépendamment de cette circonstance particulière et de quelques autres, admet en principe, et de la manière la plus formelle, que l'acte de naissance fait preuve de la filiation naturelle << entre l'enfant présenté à l'officier de l'état civil et la » mère désignée par le déclarant. » Or, ce point une fois admis, la preuve subsídiaire de l'identité, si on la conteste, doit avoir lieu au moyen de la possession d'état, comme nous venons de le dire, même sans commencement de preuve par écrit; et nous abandonnons, en conséquence, ce que nous disions à ce sujet sur Proudhon, t. II, p. 139 et 140, à la note. - D'autres décisions analogues à l'arrêt de 1853 sont indiquées, à la suite

TEXTES RELATIFS AU TITRE VII.

Loi du 20 juin 1843, sur la forme des actes notariés (1).

Art. 2. A l'avenir, les actes notariés contenant donation entre vifs, donation entre époux pendant le mariage, révocation de donation ou de testament, reconnaissance d'enfants naturels, et les procurations pour consentir ces divers actes, seront, à peine de nullité, reçus conjointement par deux notaires, ou par un notaire en présence de deux témoins.

La présence du notaire en second, ou des deux témoins, n'est requise qu'au moment de la lecture des actes par le notaire et de la signature par les parties; elle sera mentionnée, à peine de nullité.

même du sommaire de cet arrêt, dans le recueil de MM. Devilleneuve et Carette (1853, I, 481). On peut voir encore, sur cette question, et, en général, sur l'influence de la possession d'état en matière de filiation naturelle, les ouvrages de MM. Demolombe et Marcadé, et divers articles par eux publiés dans le tome Ier de la Revue critique de jurisprudence; en outre, l'article de M. Bonnier (Revue pratique, etc., t. I, p. 347 et suiv., notamment p. 358 et 359); et enfin ceux de M. Hérold (même recueil, t. I, p. 193 et suiv., et t. II, p. 145). Ces dissertations de la Revue pratique ne sont point restreintes, comme on pourrait d'abord le croire, à ce qui concerne la filiation adultérine ou incestueuse; elles traitent en réalité des effets de la possession d'état, quant à la preuve de toute filiation non légitime. (1) Comp. art. 334.

TITRE HUITIÈME.

De l'adoption et de la tutelle officieuse.

I. Notions générales. - L'adoption, si usuelle chez plusieurs peuples de l'antiquité, a été pour nous une innovation du dernier siècle. Admise et proclamée en principe par les Assemblées nationales en 1792, 1793 et 1794, elle a été organisée dans le Code civil avec un soin extrême et après de très-longs débats, sur le plan d'un premier projet émané du tribunal de cassation, en l'an VIII. Quant aux adoptions faites antérieurement au Code, depuis le 18 janvier 1792 (époque où le principe nouveau avait été établi), elles furent déclarées valables lorsqu'elles résultaient d'actes authentiques, et en outre elles furent réglementées dans leurs effets par une loi transitoire du 25 germinal an XI (1). Mais, en somme, cette institution nouvelle n'a pas jeté de profondes racines dans nos mœurs, où dominent toujours avec tant de puissance l'esprit et les intérêts de la famille naturelle. Depuis soixante ans qu'elles sont permises, les adoptions ne sont pas fréquentes; et quand elles ont eu lieu, c'est en grande partie (pour la moitié environ) au profit des enfants naturels des adoptants, c'est-à-dire dans un cas où la légalité même de l'adoption a été l'objet de vives controverses. La tutelle officieuse, dont le but principal

(1) Nous donnons tous ces textes à la fin du Titre.

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