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est de préparer les voies à l'adoption (comp. art. 345, 361, 364, et 366 à 369), est encore plus rare, parce qu'elle engage à l'avance le bienfaiteur envers l'enfant sur lequel son affection se dirige, tandis que, en général, chacun entend rester maître de ses bienfaits à venir, jusqu'au moment où une expérience décisive prouve qu'ils seront bien placés et qu'on peut s'engager sans inconvénient.

II. Des conditions de l'adoption (chap. 1°, sect. 1). -L'adoption crée une sorte de paternité ou de maternité civile, dont les effets seront décrits plus loin. Elle ne peut être conférée que par celui qui n'a ni enfants ni descendants légitimes; et même, en règle générale, la loi exige que l'adoptant ait plus de cinquante ans, ce qui rend peu probable qu'il lui survienne plus tard des enfants (comp. art. 343, 345 in fine et 366). Le vœu d'une certaine imitation, non seulement de la filiation selon la nature, mais encore de la filiation légitime, se manifeste clairement dans la loi, puisque l'adoptant doit toujours être plus âgé que l'adopté, et même, dans les cas ordinaires, avoir quinze ans de plus que lui (V. les art. 343 et 345), enfin, que « nul ne peut être adopté par plusieurs, si ce n'est « par deux époux » (art. 344). Cette dernière condition a, en outre, pour résultat d'écarter la pensée qu'un père et une mère pourraient avoir d'adopter ensemble leur enfant naturel, au lieu de le légitimer par leur mariage (comp. art. 331 et suiv.) (1).

(1) V. là-dessus, Proudhon, t. II, p. 194, note a.

La loi exige que des rapports antérieurs, dont elle détermine la nature, aient existé entre les deux parties, de manière à expliquer et justifier l'adoption. Il faudra, ou que l'adoptant ait « fourni des secours et >> donné des soins non interrompus à l'adopté dans sa >> minorité et pendant six ans au moins, » (adoption dite ordinaire ou gracieuse), ou que l'adopté ait sauvé la vie à l'adoptant en exposant la sienne propre, dans quelque danger matériel imminent (adoption dite rémunératoire) (V. art 345 in princ.; comp. sur Proudhon, t. II, notre note a de la p. 197.) Quant à l'adoption testamentaire, elle ne figure dans la loi qu'à titre d'exception; car elle ne peut être conférée que par le tuteur officieux à son pupille, et encore dans la prévoyance d'un décès qui mettrait obstacle à l'adoption conventionnelle (comp. art. 366 et 368).

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L'adoption dite communément rémunératoire est traitée avec une assez grande faveur. Ici, en effet, non-seulement l'âge de cinquante ans n'est pas requis chez l'adoptant, mais la loi, pour satisfaire à la fiction légale dont l'objet est d'imiter la nature, se contente d'exiger que l'adoptant soit plus âgé que l'a»dopté. » Ainsi entre eux la différence d'âge pourrait n'être que d'un jour (art. 345 in fine). Mais, puisqu'on montre dans ce cas une facilité aussi indulgente, n'aurait-on pas dû adoucir le rigorisme qui prescrit, pour l'adoption ordinaire, une différence d'âge d'au moins quinze années entre les parties (art. 343)? Celui qui a soigné et nourri un enfant pendant six années au moins de sa minorité, lui a réellement témoigné

par avance une affection paternelle, et, on peut le dire, a rempli à son égard le rôle d'un père, encore que la différence d'âge entre eux ne soit pas considérable. Certes, le public comprendra bien plus facilement une fiction de paternité légale dans cette hypothèse qu'à la suite d'un acte isolé de dévouement.

Outre les conditions ci-dessus mentionnées : nonexistence de descendants légitimes de l'adoptant; secours fournis et soins donnés par lui au futur adopté ainsi qu'il a été dit ci-dessus, ou dévouement de nature à mériter le bienfait de l'adoption; différence d'âge, etc.; outre toutes ces conditions, disons-nous, la loi veut que, dans tous les cas, les parties entre lesquelles intervient le contrat d'adoption soient majeures. Seulement, dans la personne de l'adopté, la simple majorité suffit toujours, quelle que soit la nature des rapports établis à l'avance entre les contractants; et, au contraire, chez l'adoptant cette simple majorité n'est suffisante que pour l'adoption rémunératoire, l'âge de cinquante ans étant exigé, comme nous l'avons dit, pour l'adoption ordinaire (art. 343, 345, 346). On peut voir, en ce qui concerne la majojorité de l'adopté, Proudhon, t. II, p. 190 et notre note a, ibid..

Enfin deux autres conditions n'ont trait qu'à des circonstances particulières, et c'est pour cela que nous ne les présentons qu'en seconde ligne; ce sont: 1° le consentement donné à l'adoption par le conjoint de l'adoptant (art. 344 in fine); 2° si l'adopté n'a pas accompli sa vingt-cinquième année, le consentement de

ses père et mère, ou du survivant d'entre eux; et s'il est majeur de vingt-cinq ans, la réquisition de leur conseil (art. 346).

III. Des formes de l'adoption (sect. 2). Nous arrivons au contrat d'adoption et à la manière dont l'autorité publique le sanctionne et lui fait produire ses conséquences légales. Ici se trouvent d'autres règles fort remarquables, destinées à maintenir dans l'adoption le bon ordre, la moralité et le respect des droits de la famille.

Le contrat proprement dit, ou l'accord des volontés des deux parties, doit être passé devant le juge de paix du domicile de l'adoptant (art. 353). C'est là ce qui lie les deux contractants; car à partir de cet acte, l'un d'eux ne peut plus se dégager sans le consentement de l'autre (Comp. art. 360; aj. sur l'interprétation de cet article, Proudhon, t. II, p. 206 in fine, et note a de la page 207).

Pour que la convention ainsi arrêtée entre les parties produise les effets attachés à l'adoption, il faut que, à la requête des contractants ou de l'un d'eux, il soit intervenu :

1° Une homologation donnée au contrat par la juridiction civile du domicile de l'adoptant (art. 354), laquelle est chargée de prononcer, sans énoncer de motifs, s'il y a lieu ou non à l'adoption, après avoir vérifié si les conditions de la loi sont remplies et, en outre, si l'adoptant jouit d'une bonne réputation (art. 355); la cour impériale devant toujours et nécessairement être saisie en dernier ressort, et décider

s'il y a lieu ou s'il n'y a pas lieu à l'adoption (V., sur ce dernier point, Proudhon, t. II, note a, p. 205, et sur l'homologation en général, les art. 354-358);

2o Une inscription faite dans un certain délai (trois mois), de l'arrêt de la cour qui a admis l'adoption, sur le registre de l'état civil du lieu où l'adoptant est domicilié (art 359).

Aucun texte, du reste, n'exige à peine de nullité que l'expédition de l'acte d'adoption (V. art. 354), ou le jugement du tribunal (art. 357), soit soumis à la juridiction de première instance ou d'appel exactement dans les délais prescrits. Nous reconnaîtrons en conséquence, avec M. Demolombe (t. VI, no 98 et 197), que ces délais sont purement réglementaires, et que les tribunaux pourront accorder ou refuser leur homologation selon les circonstances (1).

IV. Des effets de l'adoption (chap. 1er, sect. 1e). — L'adoption crée une sorte de filiation civile imparfaite, qui se manifeste en ce que l'adopté prend le nom de l'adoptant, et l'ajoute au sien propre (art. 347). Là est le cachet de la relation nouvelle qui s'est formée; et le maintien de l'ancien nom de famille, auquel seulement le nouveau nom est uni, exprime assez bien que l'adopté demeure dans sa famille naturelle, ainsi que le dit l'article 348. L'adoption fait naître aussi des empêchements au mariage entre l'adoptant, l'a-` dopté et ses descendants; entre les enfants adoptifs

(1) Nous corrigeons ainsi ce que nous avons dit sur Proudhon, t. II, p. 204, note a, n° II.

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