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tration légale n'est, à vrai dire, qu'une dépendance (1). Seulement, lorsque le père interdit a la jouissance légale des biens de l'enfant (cas prévu par l'article 389), c'est au tuteur de l'interdit que doit passer l'administration de ces biens (comp. art. 384, 505 et 507).

VII. Des diverses espèces de tutelle (suite du chap. 2). - La tutelle est déférée en première ligne au survivant des père et mère légitimes, ainsi que nous l'avons indiqué ci-dessus (V. art. 390); puis à la personne que le dernier mourant des père et mère, investi lui-même de la tutelle, choisit pour le remplacer (art. 397-401), ou bien, faute d'un choix de cette nature, à l'un des ascendants mâles les plus proches, dans l'ordre et sous les conditions déterminés par la loi (art. 402-404). Enfin, lorsque l'enfant reste sans père ni mère, ni tuteur élu par le survivant, ni ascendants mâles, comme aussi lorsque le tuteur de l'une de ces qualités se trouve ou exclu (ce qui comprend le cas de destitution), ou valablement excusé (V. les sections VI et VII de notre Titre), le tuteur est nommé par un conseil de famille (art. 405). Le choix du tuteur n'est donc jamais confié à un magistrat, comme il l'était en droit romain.

Chacune de ces espèces de tutelle forme la matière d'une des quatre premières sections du chapitre 2, consacré à la tutelle en général.

VIII. De la tutelle des père et mère (sect. 1). La mère

(1) Comp. p. 213 et 222, note 1.

survivante est investie de la tutelle au même titre que le père survivant (art. 390); car l'incapacité ordinaire des femmes en matière de tutelle ne l'atteint pas (V. art. 442, n° 3) (1).

La minorité même de la mère, ainsi que celle du père, ne les rend point incapables de la tutelle de leurs enfants, et il y a là encore une exception à la règle ordinaire (même art. 442, n° 1).

IX. La mère survivante peut refuser le fardeau de la tutelle, si elle le trouve trop lourd pour son inexpérience à cet égard, la loi ne craint pas de s'en rapporter à sa tendresse pour ses enfants, qui est une suffisante garantie de son zèle. Néanmoins, si la mère refuse la tutelle, elle doit en remplir les devoirs (ce qui s'entend de tout ce qui est urgent et nécessaire) jusqu'à ce qu'elle ait fait nommer un tuteur par le conseil de famille (art. 394; comp. art. 405 et suiv.). D'un autre côté, le père peut, dans une des formes indiquées par l'article 392 (2), nommer à la mère survivante et tutrice un conseil spécial, sans l'avis duquel elle ne pourra faire aucun acte de la tutelle ou aucun des actes que le père aura spécifiés (Art. 391 et 392.) Pour

(1) Les autres ascendantes ne sont pas non plus incapables. d'être tutrices (même art. 442, no 3); mais la loi ne les appelle jamais directement : elles peuvent être choisies par le dernier mourant des père et mère ou par le conseil de famille.

(2) C'est-à-dire ou par acte de dernière volonté (en forme testamentaire), ou par une déclaration faite devant le juge de paix assisté de son greffier, ou devant notaires (dans la forme ordinaire des actes notariés).

ce qui regarde l'autorité de ce conseil, l'effet des actes faits sans lui ou contre son avis, et la responsabilité qu'il peut encourir, nous nous en référons à nos Observations, t. II de Proudhon, p. 287 et 288. Nous ajouterons seulement, avec M. Demolombe (t. VII, n° 98), que les actes faits sans l'assentiment du conseil devraient être déclarés nuls, même à l'égard des tiers de bonne foi, si ces derniers avaient pu, en prenant des informations, connaître la nomination du conseil. Le subrogé tuteur notamment (V. art. 420 et 421) est à même de les renseigner sur ce point, et M. Demolombe (ibid.) indique, avec grande raison, qu'il est toujours utile de mentionner la nomination du conseil dans l'acte de nomination du subrogé tuteur (V. aussi MM. Ducaurroy, Bonnier et Roustain, t. I, n° 591).

X. Du curateur au ventre.— Lorsque la femme, qui d'ailleurs n'a pas d'enfants mineurs et non émancipés, est enceinte lors du décès du mari, un curateur au ventre doit être nommé par le conseil de famille (art. 393). La loi n'a pas déterminé la nature des fonctions de ce curateur pendant la durée de la grossesse, et, à cet égard, elle s'en est tacitement référée aux anciennes règles, se bornant à dire que « à la naissance de l'en>> fant, la mère en deviendra tutrice, et le curateur en >> sera de plein droit le subrogé tuteur. » Tant que dure la grossesse de la veuve, le curateur est chargé de veiller aux intérêts, quels qu'ils soient, qui se rattachent au résultat de l'accouchement; c'est ce qu'indique l'expression ancienne et bien connue de curateur au ventre. Il doit, autant que possible (eu égard à ce que les cir

constances et nos mœurs peuvent lui permettre), surveiller la femme pour empêcher une supposition (1) ou une suppression de part (2), c'est-à-dire d'enfant; crimes très-rares sans doute, surtout le dernier, mais dont la possibilité avait excité l'attention et la vigilance des magistrats chez les Romains et dans notre ancienne pratique française (3). On a changé l'expression de curateur à l'enfant à naître, qui se trouvait dans le projet du Code: elle aurait pu faire croire que le curateur n'est désigné que dans l'intérêt de cet enfant, ce qui serait inexact, puisqu'il a aussi la charge de sauvegarder les intérêts de tierces personnes. Les difficultés auxquelles peut donner lieu la surveillance à exercer au sujet de l'accouchement de la femme seront résolues par les tribunaux, suivant les exigences trèsvariables des faits.

Le curateur au ventre doit encore, pendant la grossesse, administrer les biens laissés par le défunt, car la veuve n'est pas encore tutrice d'un enfant qui n'est pas encore né. Ce n'est qu'à la naissance de l'enfant

(1) Suppositio partús, ce qui comprend le cas de substitution d'un enfant à un autre (comp. C. pén., art. 345).

(2) La supposition de part assurerait à la femme le bénéfice de la jouissance légale et ultérieurement d'une pension alimentaire à payer par l'enfant. La suppression de part, au contraire, la garantirait contre une action en réduction si elle est donataire du mari.

(3) V. le Titre du Digeste De inspiciendo ventre custodiendoque partu (lib. XXV, tit. 4); le Nouveau Denisart, t. V, vo Curatelle, § 8, et d'autres citations faites par M. Demolombe, t. VII, no 48.

qu'elle en deviendra tutrice, et alors, ainsi que nous venons de le voir (art. 393), « le curateur en sera de >> plein droit le subrogé tuteur. >>

Comme de raison, le curateur fera bien de se borner à passer les actes d'une nécessité urgente. Il rendra son compte à qui de droit, soit à la mère tutrice ou au tuteur qui sera nommé à la place de celle-ci (comp. art. 394), soit aux héritiers, légataires, etc., du mari, s'il ne naît pas d'enfant viable (comp. art. 725). Ainsi, en résultat, le curateur aura administré pour le compte de toute personne, quelle qu'elle soit, qui justifiera de ses droits sur la succession du mari (comp. M. Demolombe, t. VII, no 50 et suiv.); c'est là une nouvelle application du principe que le curateur au ventre n'est pas nommé dans l'intérêt seul de l'enfant à naître. Enfin nous ajouterons que, comme il n'est pas tuteur, ses biens ne sont pas grevés d'une hypothèque légale (comp. art. 2121).

Nous avons toujours, dès nos premiers mots sur ce sujet, supposé que la veuve qui est enceinte n'a pas actuellement un ou plusieurs enfants mineurs et non émancipés; en effet, s'il existait déjà une tutelle organisée et confiée, soit à la mère, soit à toute autre personne, il aurait été pourvu par là même à l'administration des biens du défunt, et la surveillance de la grossesse appartiendrait naturellement au subrogé tuteur et, en outre, aussi au tuteur, s'il est autre que la mère. Ce que nous disons là ressort bien de l'article 393, puisqu'on y voit le curateur au ventre devenir subrogé tuteur lors de la naissance de l'enfant;

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