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en a un (1), ou enfin des héritiers du mineur. Celui-ci est alors, selon nous, replacé dans sa position primitive vis-à-vis du cédant, absolument comme si la cession n'avait pas eu lieu : car la disposition de notre article ne doit pas avoir pour résultat d'enrichir le mineur aux dépens d'autrui, de le libérer, par exemple, d'une dette de somme d'argent, d'une revendication d'immeuble, etc., etc., dont il eût été d'ailleurs trèsvalablement tenu. C'est aussi ce que nous avions admis dans nos Observations sur Proudhon (t. II, p. 399 et suiv.); mais là nous allions trop loin en décidant, que la cession faite au tuteur « est frappée d'une nul» lité absolue, comme le sont en règle générale les >> conventions illicites (2). » Il vaut mieux dire que la spéculation faite par le tuteur ne doit être déclarée nulle qu'au profit du mineur et lorsqu'il invoque la nullité dans son intérêt, par exemple, afin d'opposer une compensation ou une prescription au cédant (V. art. 1295); car, en définitive, la loi n'a ici pour but que de procurer au mineur un moyen de protection et de garantie. (V., à ce sujet, MM. Demolombe, t. VIII, n° 766-769; Aubry et Rau, t. I, § 116, p. 424 et 445; comp. C. Nap., art. 1125.)

(1) On peut encore supposer que le débat s'élève à ce sujet entre le tuteur cessionnaire, resté en charge, et un tuteur ad hoc nommé au mineur.

(2) M. Taulier, t. II, p. 69, semble exprimer la même idée, en disant : « De telles cessions seront donc considérées comme » non avenues, et rien ne sera changé aux rapports primitifs » du cédant et du mineur. >>

Si la nullité a été ainsi prononcée sur la demande du mineur, représenté comme il a été dit plus haut, ou devenu majeur, ou émancipé, etc., le cédant reprendra son droit tel quel, certain ou incertain, reconnu ou litigieux, sauf à régler avec le tuteur en conséquence, pour les restitutions de prix, les dommages-intérêts, etc. Si, au contraire, le mineur laisse subsister la cession parce qu'il ne trouve pas d'intérêt à la faire annuler, pourra-t-il, comme le disent plusieurs auteurs (1), se débarrasser du droit acquis par le tuteur, en se bornant à lui rembourser le prix que celui-ci aurait payé? Nous ne pouvons accéder à cette solution générale, dont les bases nous paraissent ruineuses. On prétend d'abord que le tuteur aurait dû, afin de remplir complétement ses devoirs, faire pour le compte de son pupille ce qu'il a mieux aimé faire pour son propre compte; et dès lors, ajoute-t-on, le mineur, à titre d'indemnité, doit être admis à prendre la place du tuteur cessionnaire et à exercer contre lui un véritable retrait; de cette manière, il réalisera un bénéfice dont le tuteur a voulu injustement le priver. Mais on n'a pas réfléchi, 1° que souvent la cession ne pouvait être faite au mineur, parce que celui-ci n'avait pas, lorsqu'elle s'est réalisée, des ressources pécuniaires suffisantes; 2° que s'il s'agit d'une créance déjà échue, dont le mineur était débiteur, et que le tuteur a achetée pour un prix inférieur à sa valeur nominale,

(1) MM. Demolombe, t. VII, n° 768; Aubry et Rau, t. I, § 116, p. 425.

la perte consentie par le cédant n'a pu l'être évidemment que parce qu'il ne comptait pas sur la solvabi-, lité du mineur, ce qui rend absurde l'idée de transporter à ce dernier le bénéfice de l'opération : car comment le tuteur serait-il venu sérieusement la proposer au créancier pour le compte de son pupille? 3° qu'enfin, lorsque la cession porte sur un droit contestable et peut-être litigieux, prétendu par un tiers contre le mineur, comme la revendication d'une succession, ou d'un immeuble, etc., le tuteur n'avait point le pouvoir de s'arranger à l'amiable avec le réclamant et d'écarter sa prétention par le sacrifice d'une somme d'argent, fait au nom et pour le compte du mineur; puisque, réduite à ces termes, l'opération ne serait plus au fond qu'une transaction, pour laquelle la loi exige des conditions particulières (V. art. 467)(1). Au reste, il va sans dire que le retrait pourra être exercé contre le tuteur dans les termes du droit commun (dont nous n'avons pas ici à exposer les règles) sur l'effet de la cession des droits litigieux (V. art. 1699, 1700 et 1701). Mais ceci est tout à fait étranger aux devoirs qui résultent de la tutelle et aux garanties spéciales que la loi accorde aux mineurs.

Nous avons toujours supposé que le tuteur avait acheté (ou plus généralement acquis à titre oné

(1) En somme, on a donc eu raison de ne pas admettre dans le Code la proposition du tribunal d'appel d'Orléans, qui permettait toujours au mineur, si bon lui semblait, de faire tourner la cession à son profit (V. Fenet, t. V, p. 49).

reux) (1) la créance ou les autres droits contre le mineur. En effet, l'acquisition que ferait le tuteur de ces mêmes droits à titre de succession ou de legs, ne doit pas tomber sous l'application de notre article sainement entendu. Allons plus loin, et malgré l'autorité de la Novelle de Justinien (2), disons qu'il faut écarter ici l'hypothèse de la donation entre vifs, bien que le tuteur participe à la transmission qui lui est faite de cette manière car ce que le législateur français paraît avoir uniquement voulu proscrire, c'est la spéculation dangereuse à laquelle le tuteur serait tenté de se livrer; et on voit que dans d'autres circonstances analogues, le mot cession est évidemment employé avec un sens restreint et pour indiquer une acquisition faite à titre onéreux (comp. art. 841, 1597, 1692, 1699, 1844; V. là-dessus M. Demolombe, t. VIII, n° 760).

XXIII. Il peut arriver que le tuteur paye certaines dettes du mineur et par là devienne son créancier. La loi le suppose elle-même, car l'article 474 prévoit le cas où le reliquat du compte de tutelle sera « dû » au tuteur par le mineur. » Et, par suite, rien n'empêche que le tuteur, faisant ainsi un payement dans l'intérêt du mineur, soit subrogé aux droits du créan

(1) Par exemple, à titre d'échange.

(2) Nov. 72, § 5, où il est dit : « Aut per donationem, aut >> per venditionem, etc. » Nous avons, de même, rejeté plus haut la décision inique de la Novelle (ibid.) qui confisque au profit du mineur le droit indûment cédé en disant : « Pro non >> facto id esse, et lucrum fieri adolescentis. »

cier légalement ou conventionnellement, selon les cas et sous les conditions exigées par le droit commun (V. art. 1249 et suiv.; nos Observations sur Proudhon, t. II, p. 400; comp. MM. Duranton, t. III, no 602; Mourlon, Traité des subrogations personnelles, p. 29 et suiv.; Demolombe, t. 7, n° 774; Aubry et Rau, t. I, § 116, p. 424, note 6).

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XXIV. Les articles 451 à 456 contiennent des règles à suivre pour constater l'état et assurer la bonne administration du patrimoine du mineur. Tout ceci comprend 1° la levée des scellés, s'ils ont été apposés (V. C. de pr., art. 907 à 911), la confection de l'inventaire, les déclaration et mention de ce qui peut être dû au tuteur par le mineur (1), et enfin la vente du mobilier (art. 451 à 453); 2° les règlements généraux que le conseil de famille peut faire, lors de l'entrée en exercice de la tutelle (autre que celle des père et mère), sur la dépense annuelle du mineur et les frais d'administration, y compris le salaire d'agents subordonnés au tuteur, et encore sur l'importance de la somme à laquelle commencera pour le tuteur l'obligation d'employer l'excédant des revenus (art. 454 à 456). Le placement de la somme qui aura été ainsi déterminée devra être fait dans le délai de six mois, passé lequel le tuteur devra les intérêts à défaut d'emploi (art. 455); et, si rien n'a été réglé à cet égard

(1) V., sur l'inventaire et sur la déchéance que le tuteur peut encourir, faute d'y avoir déclaré a s'il lui est dû quelque chose » par le mineur », Proudhon, t. II, p. 357 à 359, texte et notes.

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