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enfin que l'article 462 ne fasse pas, comme l'article 790, une mention spéciale et expresse des droits acquis aux tiers par la prescription. Ce sont là des accidents de rédaction, faciles à concevoir dans un travail d'une très-grande étendue comme est le Code Napoléon. Il faut bien toujours en revenir à ces mots décisifs de l'article 462, « dans l'état où la succession se trou» vera lors de la reprise, » et regarder la fin de l'article comme le développement partiel de cette idée générale.

:

Nous ne serions pas étonné qu'on essayât de présenter un système intermédiaire, qui respecterait uniquement la prescription déjà opposée au curateur, et reconnue par celui-ci ou bien accueillie par jugement. En ce sens, on dirait d'abord que les mots de l'article dans l'état où elle se trouvera, etc., doivent s'entendre restrictivement et s'expliquer par les autres mots qui viennent ensuite (et sans pouvoir attaquer les ventes, etc.), exactement comme s'il y avait : « c'est-àdire sans pouvoir attaquer, etc. » Mais, tout bien considéré, ce système pèche par sa base, car la prescription constitue un véritable droit, même avant d'avoir été opposée et accueillie, soit par un acquiescement, soit par une décision judiciaire. Cela est si vrai que, pour pouvoir renoncer à une prescription acquise, la loi exige que l'on ait le droit d'aliéner (art. 2222). D'ailleurs il serait bien bizarre que les débiteurs et les tiers détenteurs fussent placés dans une position moins favorable, parce que, n'ayant pas été poursuivis par le curateur durant la vacance, ils n'ont pas été mis à

même d'opposer la prescription qui leur était acquise. Dès que le temps de la prescription a été révolu, n'ontils pas dû se croire dispensés de garder les titres, les quittances, en un mot les pièces de toute nature, d'où pouvait résulter leur propriété ou leur libération (1)?

XXXIX. Aux termes de l'article 463, « la donation » faite au mineur ne pourra être acceptée par le tu>>teur qu'avec l'autorisation du conseil de famille. » Elle aura, à l'égard du mineur, le même effet qu'à » l'égard du majeur. »

Ainsi, lors même que l'offre de la donation serait déjà manifestée par un acte unilatéral passé devant notaires (comp. art. 932), le tuteur non autorisé ne pourrait faire une acceptation valable. Cela se conçoit bien, lorsque la donation est accompagnée de charges autres que de simples prélèvements sur les biens donnés, par exemple, si, recevant certains objets, meubles ou immeubles, on se soumet à payer au donateur, ou à un tiers par lui désigné, des sommes plus ou moins considérables (comp. art. 953, 954 et 1124). Mais lorsque la donation n'est point grevée de charges semblables, pourquoi exiger l'autorisation du conseil de famille (2)? Est-ce parce que la libéralité

(1) M. Duranton, loc. cit., a très-bien mis en lumière la plupart de ces arguments.

(2) L'ordonnance de 1731, article 7, décide que le tuteur du mineur, le curateur de l'interdit et même un ascendant, quel qu'il soit, de l'incapable, pourront faire l'acceptation sans qu'il soit besoin d'aucun avis de parents. Cette disposition, en ce qui concerne les ascendants, est, comme nous le verrons plus bas, reproduite dans l'article 935 du Code Napoléon.

peut toujours entraîner pour le donataire, suivant les circonstances, l'obligation de fournir des aliments au donateur (V. art. 955, no 3)? Non, car il n'y a pas là une considération d'un intérêt pratique et sérieux; en fait, on ne voit pas beaucoup de donataires contraints de fournir des aliments à un donateur, et, en tout cas, la pension alimentaire, si elle est exigée et servie, ne sera guère qu'un prélèvement opéré sur les revenus de la donation. Le législateur a jugé sans doute que, au point de vue de convenances de toute nature, il importe que la donation ne soit pas acceptée sans l'avis de la famille (1).

S'il

y a des conditions ou charges spéciales imposées par le titre au donataire, c'est un motif de plus pour que le projet de donation soit examiné avec grand soin (2), surtout si l'on admet en principe (et cette opinion paraît très-plausible) que le donataire grevé de charges n'est pas seulement, faute d'exécution de sa part, soumis à la révocation de la libéralité (V. art. 953 et 954), mais qu'il peut même, au gré du donateur ou du tiers désigné (V. art. 1121), être

(1) Sauf dans le cas où le tuteur serait un des ascendants du mineur (V. art. 935).

(2) La donation, même pure et simple, pourrait être une occasion de dommage pécuniaire, à cause des droits d'enregistrement à débourser, lesquels, dans aucun cas, ne seraient restitués par le fisc. Il faudra donc voir si la donation projetée n'est pas soumise à des chances considérables de révocation, par exemple, au profit des héritiers à réserve du donateur (comp. art. 920 à 930).

contraint à l'accomplissement des charges, dont il est devenu le débiteur personnel (1).

Quels que doivent être les résultats de la donation, avec ou sans charges, ils sont définitifs à l'égard du mineur, dès que l'acceptation en a été régulièrement faite (2); et, en pareil cas, le mineur ne peut jamais être restitué pour cause de lésion; pas plus qu'il ne le serait contre l'acceptation d'une succession mauvaise (V. ci-dessus, no XXXVI). Notre article s'en explique d'une manière formelle en disant que la donation dûment autorisée «aura, à l'égard du mineur, le même >> effet qu'à l'égard du majeur. »

L'acceptation de la donation peut avoir lieu d'une autre manière, indiquée ci-dessus (3), et qui reproduit la disposition de l'ordonnance de 1731, sur les donations. Ce point est réglé par l'article 935 du Code, où il est dit que la donation sera valablement acceptée (sans autorisation du conseil de famille) par « les père » et mère (4) du mineur émancipé ou non émancipé, » ou les autres ascendants, même du vivant des père

(1) V., à ce sujet, nos Observations sur Proudhon, t. II, p. 382; et la dissertation de M. Ferry, Revue étrangère et française, etc., t. X (1843), p. 769 et 972.

(2) Évidemment elle ne serait pas régulière si le conseil de famille avait excédé ses pouvoirs, tels que la loi générale les détermine: comme si la donation entraînait, à titre de condition ou de charge, l'aliénation ou l'hypothèque de quelque immeuble du mineur. En pareil cas, l'homologation du tribunal serait nécessaire (V. art. 458).

(3) P. 260, note 2.

(4) C'est-à-dire par le père ou par la mère.

>> et mère, quoi qu'ils ne soient ni tuteurs ni curateurs >> du mineur. »

Puisque l'acceptation de l'ascendant suffit, il est clair que, dès qu'elle a eu lieu, le droit aux biens donnés est acquis au mineur, et que le décès du donateur, survenant ensuite, n'y porterait aucune atteinte (comp. art. 932) (1); pas de difficulté làdessus. Toute la question est de savoir si l'ascendant peut, aussi bien que le conseil de famille, engager le mineur en acceptant une donation grevée de charges. Il nous semble que oui, en principe, puisque l'article 935 s'exprime d'une manière générale, et qu'il ne borne pas le droit de l'ascendant au cas d'une donation pure et simple (2). A la vérité le même article n'a point reproduit, en ce qui concerne l'ascendant, la phrase finale de l'article 463, où l'on dit que la donation autorisée par le conseil de famille « aura à » l'égard du mineur le même effet qu'à l'égard du » majeur. » Mais tout ce qu'il faut conclure de là, c'est que, selon l'esprit de la loi, l'acceptation de l'ascendant n'est point définitive et souveraine, et que les tribunaux ont le droit de la déclarer non avenue, de même qu'ils réforment les délibérations du conseil de famille sur des objets de la tutelle, au

(1) Peut-être aurait-il été bon d'accorder au tuteur non encore autorisé le droit d'accepter à titre de mesure conservatoire, sauf à se munir ensuite d'une autorisation en règle.

(2) Ceci est confirmé encore par la discussion du conseil d'État (Fenet, t. XII, p. 357 et 358); comp. l'article précité de M. Ferry, p. 979 et suiv.

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