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l'article 472, comprend toute convention par laquelle le tuteur est libéré envers l'ancien pupille, ou purement et simplement, par voie de quittance, ou moyennant des valeurs que l'une des parties devrait à l'autre, comme reliquat et solde de compte. En d'autres termes, le traité dont il s'agit a pour objet d'éteindre, d'une manière quelconque, tout ou partie des droits du mineur, relativement au compte de tutelle. La règle de notre article s'applique même à la main-levée de l'hypothèque légale (comp. art. 2121 et 2157) qui serait consentie au profit de l'ex-tuteur : l'hypothè que, en effet, dépend de la créance et en est un accessoire important, puisque, sans cette garantie, la créance pourrait n'être qu'un titre inutile à cause de l'insolvabilité du débiteur. D'un autre côté, il faut tenir pour certain que le mineur devenu majeur peut, à son gré et sans formalités préalables, faire avec l'ancien tuteur une convention étrangère au compte, par exemple une vente, un louage, un prêt d'argent, etc. Aussi l'article 2045 (Titre Des transactions) ne renvoie-t-il à notre article 472 que lorsque le tuteur veut << transiger avec le mineur devenu majeur » sur le compte de tutelle » (1).

La remise du compte détaillé et des pièces justificatives procure au mineur, devenu majeur, les documents qui lui sont nécessaires. Il pourra donc étudier le

(1) Il est bien entendu, qu'un dol pratiqué par l'ancien tuteur pourrait vicier la convention, et donner lieu à une action en nullité (comp. art. 1109 et 1116).

compte, en vérifier l'exactitude, et, par suite, se décider en parfaite connaissance de cause sur les quittances à donner, les obligations à souscrire, ou les autres arrangements à prendre. La remise du compte et des pièces doit être, dit l'article 472, « constatée >> par un récépissé de l'oyant compte, dix jours au » moins avant le traité. » L'article n'exige pas que ce récépissé contienne le détail des pièces; mais le tuteur fera bien de retirer une quittance aussi détaillée que possible, afin de pouvoir, s'il y a lieu, redemander toutes ses pièces et les obtenir sans difficulté; car il en aura besoin si le compte n'est pas agréé et qu'il faille en venir à un procès.

Ce qu'il y a de plus à craindre, c'est que l'ex-mineur ne donne le récépissé, et n'ait pas véritablement reçu le compte détaillé et les pièces, ou ne les ait reçus que moins de dix jours avant le traité. Il pourra y avoir là une question de fait, sur laquelle la justice prononcera, s'il est allégué qu'on a voulu frauder la loi. Du reste, il n'est point nécessaire que la certitude de la date soit prouvée par l'enregistrement ou par l'un des autres modes qu'indique l'article 1328, puisque l'objet de cet article est uniquement de régler comment les actes sous seing privé ont date certaine « contre les tiers >>.

LXVI. Si les parties ne se sont pas conformées à l'article 472, le traité est nul; mais la nullité n'en peut être demandée que par l'ex-mineur ou par ses ayant cause (comp. art. 1125). Leur action à cet effet dure dix ans, suivant la disposition générale de l'ar

ticle 1304, et les dix ans doivent nécessairement courir du jour où l'acte irrégulier a été passé, car on ne pourrait assigner au délai un autre point de départ (comp. art. 1676).

LXVII. On trouve dans l'article 907 du Code une règle (qui se lie intimement à notre matière actuelle), au sujet des libéralités entre-vifs ou testamentaires qu'un majeur voudrait faire à son ancien tuteur: ces donations ne sont point permises « si le compte définitif » de la tutelle n'a été préalablement rendu et apuré», c'est-à-dire vérifié et approuvé. L'article, néanmoins, excepte de la prohibition les ascendants des mineurs qui ont été leurs tuteurs. Cela posé, il est clair que la reddition et l'apurement du compte, exigés par l'article 907, sont assujettis à la forme que prescrit l'article 472, cette forme seule pouvant, aux yeux de la loi, offrir des garanties suffisantes. L'article 907 est fondé sur la crainte d'une captation exercée par l'ancien tuteur, qui n'a pas rendu ses comptes et dont la conduite, comme tuteur, ne peut encore être jugée en connaissance de cause. Si toutefois ce tuteur est un ascendant, le sentiment de la piété filiale explique suffisamment la libéralité et écarte l'idée d'une captation exercée sur le donateur; par suite l'incapacité de recevoir se trouve levée en faveur de l'ascendant (1). Aucune exception analogue n'est admise par

(1) L'article 907 déclare excepter de sa disposition les ascendants des mineurs « qui sont ou qui ont été leurs tuteurs », parce qu'il s'occupe aussi du testament que peut faire le mineur parvenu à l'âge de seize ans.

l'article 472, qui ne s'occupe point de la capacité de disposer et de recevoir, mais de la régularité du compte; et il faut, sans balancer, appliquer cet article d'une manière absolue, c'est-à-dire quelle que soit la qualité de l'ancien tuteur.

LXVIII. Ceci nous amène à rechercher si l'article 472 régit, par identité de motifs, divers cas où il s'agit toujours d'un traité fait sur le compte de tutelle, mais non plus précisément « entre le tuteur et le mineur » devenu majeur. >>

Commençons par écarter l'hypothèse où le tuteur rend son compte aux héritiers du pupille, qui est mort avant ou après sa majorité. Ici le motif de la loi est certainement inapplicable; les héritiers reçoivent le compte de tutelle comme tout autre compte qui pourrait leur être dû, et ils le débattent avec pleine liberté.

Nous écarterons de même le cas où, la tutelle n'ayant cessé que a parte tutoris, le compte est rendu au nouveau tuteur, ainsi que nous l'avons dit plus haut (n° LXIII, p. 287). L'esprit qui a dicté l'article 472 est encore étranger à cette espèce; car le tuteur actuel a une complète indépendance de volonté et de jugement lorsqu'il examine et approuve le compte rendu par son prédécesseur (1). Bien entendu il n'a mandat que pour vérifier l'état des recettes et des dépenses, ainsi que les pièces à l'appui, pour les contrôler au besoin et pour approuver ce qui lui paraît exact et bien

(1) Comp. Proudhon, t. II, p. 411 et 412; M. Demolombe, t. VIII, no 55 et suiv.

justifié; il n'a qualité, ni pour faire des concessions gratuites, ni pour transiger sur le compte sans l'observation des formes prescrites par l'article 467 (aj. art. 2045).

LXIX. Mais des doutes graves peuvent s'élever sur l'application de notre article lorsque le compte est rendu, soit par le tuteur au mineur émancipé assisté de son curateur (V. art. 480), soit par les héritiers du tuteur au mineur devenu majeur.

Dans le premier cas nous pensons, contrairement à de graves autorités (1), que la seule inobservation de l'article 472 n'est point une cause de nullité, s'il n'y a, comme nous le disions tout à l'heure, ni avantage fait au tuteur ni transaction proprement dite. Le mineur émancipé n'est pas le maître d'approuver à la hâte et en aveugle les états de situation qu'on lui fournit, puisque l'assistance du curateur lui est nécessaire pour vérifier le compte et pour en accepter le résultat. Quoi qu'on en dise, il y a ici une garantie considérable, qui manque absolument au mineur devenu majeur. Remarquons bien que l'article 472 ne parle que de ce dernier (le mineur devenu majeur) et garde un silence complet sur le mineur émancipé, tandis que l'article précédent (471) mentionne expressément, et à propos du compte de tutelle, le cas d'émancipation. La rédaction de l'article 472 présente done,

(1) M. Demante, t. II, p. 306, n° 236 bis III; M. Demolombe, t. VIII, no 76.

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