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neur émancipé, en dehors de sa capacité légale, peuvent être annulés ou rescindés sur sa demande, conformément aux articles 1304 et suivants (1).

XCIX. Le deuxième alinéa de l'article 484 (comp. ci-dessus, p. 316) s'occupe des cas où, le mineur n'étant pas d'ailleurs incapable de s'engager, c'est à raison de l'excès de ses dépenses qu'il en obtient la réduction. Les obligations ainsi réductibles sont, comme le dit l'article, celles que le mineur « aurait contrac»tées par voie d'achat, ou autrement, » c'est-à-dire de toute autre manière, par exemple, à titre de louage d'objets ou de services (2). En un mot, il s'agit ici de toute opération qui constitue le mineur en dépense, et qui, si elle eût été modérée, serait parfaitement régulière comme acte d'administration (3). Les tribunaux sont chargés d'apprécier si les obligations de cette nature doivent ou non être réduites; et, continue l'article, ils << prendront, à ce sujet, en considération, la >> fortune du mineur, la bonne ou mauvaise foi des >> personnes qui auront contracté avec lui, l'utilité ou » l'inutilité des dépenses.» Ainsi, « la bonne ou mau>> vaise foi des personnes qui ont contracté avec lui

(1) V. les développements que nous avons donnés sur cette matière dans nos Observations sur Proudhon, t. II, p. 489 à 495.

(2) Ainsi le mineur aura loué un mobilier somptueux, des chevaux, des équipages, etc., ou il aura fait exécuter dans sa maison des travaux d'un luxe exagéré, etc.

(3) Comp. Proudhon, t. II, p. 438, et nos Observations, ibid., p. 494.

» (avec le mineur) » servent ici à former la décision du juge, qui prononce ex bono et æquo, selon les cir

constances.

L'article 484 n'a aucun trait aux actes d'administration qui ne constituent pas le mineur en dépense de sommes, quoiqu'ils lui occasionnent des pertes, comme s'il vend à trop bas prix les fruits de sa récolte, ou s'il afferme son immeuble pour un loyer inférieur à celui qu'il aurait pu obtenir. En pareil cas, il n'a point d'action en justice fondée sur la lésion; il ne peut faire annuler ni modifier son contrat, ce que la loi exprime en disant qu'il n'est pas «< restituable... dans

tous les cas où le majeur ne le serait pas lui» même » (V. la fin de l'art. 481; comp. art. 1118 et 1313). C'est contre l'entraînement de ses dépenses que la loi a voulu protéger le mineur émancipé, surtout lorsqu'il les fait à crédit, parce qu'elles peuvent croître sans aucunes limites et l'entraîner ainsi à sa ruine.

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C. Nous avons, à plusieurs reprises, indiqué la règle suivant laquelle « le mineur émancipé qui fait » un commerce est réputé majeur pour les faits relatifs à ce commerce » (art. 487; comp. ci-dessus, n° XCVI et XCVII). Ainsi, le mineur commerçant ne peut se faire restituer contre une opération quelconque relative à son commerce, si ce n'est dans les cas où un majeur le pourrait, suivant le droit commun; si, par exemple, il avait à se plaindre d'une violence ou d'un dol (V. art. 1111 et 1116) (1). Et de là en

(1) Le banquier dont parle l'article 1308 est en réalité un commerçant, dans le sens large de ce mot (comp. C. de comm.,

core il résulte que les créanciers du mineur commerçant peuvent saisir ses immeubles sans être, au préalable, tenus de discuter son mobilier (comp. art. 2206). Le mineur non commerçant, mais artisan (ouvrier ou artiste), n'est pas non plus restituable contre les engagements qu'il a pris à raison de son art (V. art. 1308). Cependant il n'est pas réputé majeur, et l'article 2206 ne cesse pas de lui être applicable. Sous d'autres rapports le mineur commerçant est encore dans une situation tout à fait exceptionnelle. D'abord il peut engager ou hypothéquer ses immeubles, ainsi que nous l'avons remarqué plus haut (n° XCVI). Ensuite les billets souscrits par lui << seront censés faits pour son commerce »>, conformément à l'article 638, Code de commerce, deuxième alinéa (les billets souscrits par un commer→ çant, etc.) car nous suivons l'opinion de ceux qui regardent cet article 638 comme devant être appliqué de la manière la plus large, c'est-à-dire même aux commerçants qui sont incapables d'après le droit commun, telles que la femme mariée (V. art. 220, et C. de comm., art. 5; aj. ci-dessus, p. 120) et le mineur émancipé (1). Suivant nous, cette règle n'est pas non plus limitée aux billets dont la forme est commerciale

art. 1 et 632, 5me et 7me alin.). L'art. 631 du même Code indique les négociants, marchands et banquiers, comme trois classes de commerçants.

(1) V., en ce sens, M. Demolombe, t. IV, no 295 et 296, et t. VIII, n° 342; Molinier, Droit commercial, nos 172 et suivants.

et qui sont transmissibles par endossement (1); mais elle comprend tous les billets, sans distinction. Bien plus, il est raisonnable de l'étendre, par identité de motifs, aux actes notariés portant obligations de sommes car lorsqu'un commerçant se procure de l'argent, la présomption naturelle est toujours qu'il en a besoin pour son commerce, quelle que soit la nature des titres qu'il fournit aux personnes avec lesquelles il traite. Sans doute la présomption dont nous parlons tombera, s'il est prouvé que l'obligation a un but étranger au commerce de la femme ou du mineur, et que cette circonstance a été connue de ceux qui ont traité avec eux; mais, en l'absence de cette preuve, le titre produira tous ses effets, comme s'il s'agissait d'un commerçant ordinaire. Ces règles sont d'une utilité pratique évidente, puisque, dans beaucoup de cas, on craindrait d'avoir des relations d'affaires avec le mineur commerçant ou la femme commerçante et d'accepter leur signature, sous une forme commerciale ou autre, attendu que l'opération n'aurait point un caractère commercial assez déterminé. Il s'agira, par exemple, de l'emprunt dont nous venons de parler, où le commerçant se reconnaît purement et simplement débiteur des sommes qui lui ont été fournies. Certes, les fournisseurs de deniers n'ont aucun moyen de s'assurer qu'il en sera fait un emploi relatif au commerce de l'emprunteur, suivant le vœu de l'ar

(1) Comp. à ce sujet les articles 113, 114, 636 et 637 du Code de commerce.

ticle 487 (1); et dès lors ils refuseraient de prendre à leur charge la preuve du résultat que doit avoir, relativement au commerce du débiteur, l'acte où ils ont été parties. La doctrine que nous présentons ressort évidemment de l'article 7 du Code de commerce, où le législateur déclare que les femmes marchandes publiques << peuvent aliéner leurs immeubles », et ne charge les acheteurs d'aucune obligation relative à l'emploi du prix de vente. Cet article n'exige même pas que l'acte de vente contienne une déclaration quelconque au sujet de cet emploi; et, à vrai dire, la déclaration, si on l'eût prescrite, aurait dégénéré en clause de style et n'aurait eu aucun avantage sérieux dans la pratique (2). Tout ce qu'on peut raisonnablement demander à ceux qui traitent avec la femme ou le mineur, c'est de ne point participer à une fraude dont le but serait de donner aux sommes reçues (en vertu de la vente, de l'emprunt, etc.) une destination

(1) L'article 220 dit : « Pour ce qui concerne son négoce, » ce qui exprime exactement la même idée.

(2) V. M. Duranton, t. XIV, n° 254.-Le savant auteur, tout en admettant cette doctrine pour ce qui regarde les billets et la vente d'immeubles, s'en écarte relativement à l'emprunt hypothécaire, attendu que, dit-il, a on ne traite pas ordinairement >> en cette forme pour cause commerciale. » Nous ne pensons pas qu'il y ait de l'harmonie dans ces décisions, et nous partageons, à cet égard, l'avis de Toullier (t. XII, no 252) et de M. Molinier, (p. 154, en note): car si le prix de vente de l'immeuble est présumé devoir servir au commerce de la ferme, pourquoi en serait-il autrement de la somme qu'elle emprunte sur hypothèque?

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