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ministrateur provisoire qui peut être donné à l'aliéné non interdit, porte qu'il sera nommé par le tribunal civil du lieu du domicile (1).

VI. La procédure d'interdiction n'a pas dès l'abord un caractère contentieux; ses premiers actes doivent se faire dans la chambre du conseil et sans aucune publicité. Elle s'ouvre par une requête présentée au président du tribunal, dans laquelle les faits d'imbécillité, de démence ou de fureur sont articulés, c'està-dire présentés sommairement et par articles, les uns à la suite des autres. On doit y joindre les pièces justificatives, s'il y en a, et indiquer les témoins (V. art. 493; aj. C. de pr., art. 890). La requête est communiquée au ministère public (Pr., 891; aj. ibid., art. 83, no 2), et un juge est commis par le président pour faire son rapport à un jour indiqué (même art. 894). C'est sur ce rapport et sur les conclusions du procureur impérial (2) que le tribunal rendra, s'il y a lieu, un premier jugement pour ordonner la convocation d'un conseil de famille, composé selon le mode réglé pour les mineurs (V. le Titre précédent, art. 407-416; comp. art. 495). Ce conseil est appelé à « donner son » avis sur l'état de la personne dont l'interdiction est » demandée» (C. Nap., art. 494, et C. pr., art. 892). On voit que le tribunal, sur le rapport du juge et sur

(1) Dans ce cas particulier, le tribunal statue sans appel (même art.).

(2) Aucun jugement ou arrêt en matière d'interdiction ne peut être rendu que sur les conclusions du ministère public (C. Nap., art. 515; comp. C. pr., 83, no 2).

les conclusions du ministère public, doit examiner tout d'abord si la demande énoncée dans la requête est recevable, ce qui entraînera la convocation du conseil de famille; car les faits allégués pourraient être ou vagues, ou insuffisants, ou invraisemblables, en un mot n'avoir pas la consistance nécessaire pour servir de base à la demande (même art. 892, C. pr.).

Si l'on franchit ce premier pas, le conseil de famille sé réunira, comme nous venons de le dire. Ceux qui ont provoqué l'interdiction n'en doivent pas faire partie; et néanmoins l'époux, l'épouse ou les enfants qui se trouveraient dans ce cas, peuvent être admis dans le conseil, avec voix simplement consultative, c'est-à-dire avec le droit d'exposer leur opinion, sans être admis à voter (art. 495). On peut s'étonner que la loi n'ait pas étendu cette prérogative exceptionnelle aux ascendants de la personne dont l'interdiction est provoquée.

Du reste, il paraît certain que l'époux et les enfants, lorsqu'ils n'ont pas provoqué l'interdiction, doivent être, sans limitation de nombre, admis au conseil comme membres votants, avec les frères germains (frères de père et de mère), les maris des sœurs germaines, les ascendants et enfin les ascendantes veuves (V. art. 408): car ces frères germains, ascendants, etc., étant soustraits par la loi à la règle qui limite le nombre des membres du conseil à six personnes (art. 407 et 408), le même bénéfice ne peut être refusé à ceux que la loi accueille avec la plus grande confiance; nous avons vu en effet qu'elle leur permet exceptionnellement de siéger dans le conseil avec voix consul

tative, quoiqu'ils aient provoqué l'interdiction. Comment imaginer que des enfants du défendeur éventuel 'soient exclus du conseil de famille par des frères, ou même par de simples beaux-frères? Ce serait là un résultat choquant, et il n'a pu entrer dans la pensée du législateur.

On ne s'étonnera pas de voir l'épouse appelée à faire partie du conseil (comp. art. 442, no 3): car, si le mari est en définitive interdit, elle pourra même être nommée sa tutrice (V. art. 507).

Lorsque le conseil de famille a donné son avis sur l'interdiction, le tribunal doit « interroger le défen» deur à la chambre du conseil, » ses réponses devant presque toujours être les plus sûrs indices pour faire juger de son état mental (art. 496). S'il ne peut se présenter au tribunal, l'interrogatoire a lieu devant un juge à ce commis, assisté du greffier; dans tous les cas, le procureur impérial sera présent (même art.). II peut y avoir plusieurs interrogatoires, si le tribunal en reconnaît l'utilité (comp. art. 497).

La requête en interdiction et l'avis du conseil de famille doivent être signifiés au défendeur, avant que l'on procède à son interrogatoire, afin qu'il puisse rappeler ses souvenirs sur les faits qui sont allégués (V. C. de pr., art. 893).

VII. L'article 497 C. Nap. dispose que, « après le >> premier interrogatoire, le tribunal commettra, s'il y » a lieu, un administrateur provisoire pour prendre >> soin de la personne et des biens du défendeur. » Dès le premier interrogatoire, les juges peuvent recon

naître d'une manière évidente que le défendeur ne doit pas être abandonné à lui-même, quoique rien ne soit encore définitivement jugé à son égard; en effet, de nouveaux renseignements pourront être puisés, soit dans les interrogatoires ultérieurs, soit dans l'enquête dont nous allons bientôt parler. L'administrateur provisoire doit, comme le dit l'article, prendre soin de la personne et des biens du défendeur (1). On conçoit que, relativement aux biens, il devra se borner aux actes d'administration les plus urgents, tels que les réparations nécessaires, les travaux de culture, les renouvellements de baux, les perceptions de fruits et revenus, etc.; mais il ne devra pas vendre le mobilier, ni, en général, faire des acquisitions d'immeubles ou d'autres valeurs importantes. D'un autre côté, il peut, suivant les cas, être autorisé par le tribunal à passer des actes qui sortent des limites de l'administration proprement dite, et pour lesquels le tuteur lui-même aurait besoin d'autorisation, tels que la vente d'un immeuble, ou un emprunt avec ou sans hypothèque, afin de se procurer les sommes nécessaires. C'est ce qui est arrivé plus d'une fois en pratique, notamment dans deux affaires qui ont été ensuite portées devant la cour de cassation, et dont nous parlerons plus loin.

VIII. L'administrateur provisoire est régulièrement nommé dans la chambre du conseil; car, ainsi que

(1) Il n'est pas tuteur, et ses biens ne sont pas grevés de l'hypothèque légale (comp. art. 2121).

nous l'avons déjà remarqué (no VI), ce début de la procédure n'est point contentieux, ni, dès lors, soumis à la règle de la publicité (comp. art. 498). Aussi la cour de cassation a-t-elle deux fois jugé que, dans cette partie de la procédure, l'administrateur provisoire avait été légalement nommé en chambre du conseil, et, par suite, avait pu constituer des hypothèques, en vertu des pouvoirs exprès qui lui étaient conférés par le jugement de nomination (1).

IX. Arrivé à ce point, le demandeur en interdiction doit assigner le défendeur, et l'affaire dès lors suivra la marche habituelle de la procédure contentieuse en justice. La loi ne s'en explique pas d'une manière bien nette; mais cela résulte suffisamment de l'article 498 (2), déjà cité plus haut, et portant que « le jugement sur >> une demande en interdiction ne pourra être rendu » qu'à l'audience publique, les parties entendues ou ap» pelées. » Si le demandeur s'arrêtait, à la suite de l'interrogatoire, et négligeait de donner l'assignation, le défendeur pourrait sans nul doute prendre les devants, afin de sortir de la position gênante et précaire où le

(1) Civ. cass., 6 février 1856 (arrêt rendu sur les remarquables conclusions de M. Nicias - Gaillard); civ. rej., 19 février 1856; aj. cour imp. d'Amiens, 7 juin 1855 (Jaintant et autres c. Gibert); comp. art. 32, déjà cité, de la loi du 30 juin 1838 sur les aliénés; M. Bertin, Chambre du conseil, t. I, no 660 et suiv.; MM. Ducaurroy, Bonnier et Roustain, sur l'art. 497. (2) V. M. Demolombe, t. VIII, no 519. Très-anciennement toute la procédure d'interdiction était secrète; la publicité du jugement définitif qui prononce sur la demande a été ordonnée par lettres patentes du 25 novembre 1769..

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