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placent la requête en interdiction et les mesures qui en sont la suite. Cela est surtout évident, si on suppose qu'un administrateur provisoire a été nommé.

Nous remarquerons ici que, la matière n'étant pas susceptible de transaction, le préliminaire de conciliation n'est pas exigé (V. C. pr., art. 48).

X. On se rappelle que dès le début de l'affaire, c'est-à-dire dans la requête même, les témoins ont dû être indiqués (art. 493, et C. pr. 890), lorsque les faits sont de nature à être prouvés par des témoignages oraux. Le tribunal ordonnera l'enquête (l'audition des témoins), si elle est possible et utile. D'une part, l'interrogatoire et les pièces produites seront quelquefois suffisants pour motiver l'interdiction. D'autre part, au contraire, le tribunal pourra être convaincu, notamment à la suite de l'interrogatoire, que la demande est mal fondée, et que l'enquête est inutile: il en sera ainsi surtout lorsque les faits allégués ne sont pas concluants ou décisifs dans la cause, même en les supposant prouvés (V. C. pr., art. 893); tel est, du reste, le droit commun en matière d'enquête (V. C. pr., art. 253). Il n'est pas non plus douteux que le tribunal ne puisse ordonner d'office la preuve des faits qui lui paraîtraient concluants. L'article 893 du Code de procédure ajoute que l'enquête « se fera en la forme >> ordinaire >> (comp., même Code, art. 255-294). Et néanmoins, par dérogation au droit commun, et à raison sans doute de l'état mental du défendeur, le tribunal peut ordonner que l'enquête sera faite hors de la présence de ce dernier; dans ce cas, son conseil

pourra le représenter (V. C. de pr., art. 893; comp. ibid., art. 261).

XI. La procédure ordinaire ou contentieuse ayant pris son cours à partir de l'assignation (1), le jugement qui ordonne l'enquête, ainsi que tous autres jugements préparatoires ou interlocutoires qui peuvent intervenir, doivent être rendus en audience publique, conformément au droit commun (2), quoique l'article 498 semble ne prescrire cette règle que par rapport au jugement définitif (3). On s'étonne de ne pas trouver, à ce sujet, quelques détails dans le Code de procédure, notamment à propos du jugement qui ordonne l'enquête (V. C. de pr., art. 893). Cette obscurité de la loi tient sans doute à l'influence de l'ancienne procédure d'interdiction, qui était secrète, comme nous l'avons déjà remarqué (4).

XII. Du conseil judiciaire. — Les magistrats, au lieu de prononcer ou de rejeter purement et simplement la demande, sont autorisés à prendre un terme moyen qu'indique l'article 499. Par le même jugement qui

(1) C'est ce que M. Bertin appelle très-bien la deuxième phase de la procédure (t. I, nos 667 et suiv.).

(2) V. loi des 16-24 août 1790, tit. II, art. 14; aj. loi du 20 avril 1810, art. 7 (relatif aux cours impériales).

(3) L'art. 498 dit le jugement, et non pas les jugements; comp. le début de l'art. 499. M. Boileux, expliquant l'art. 498, s'est laissé entraîner par la lettre du texte, lorsqu'il a dit : « Jusqu'au jugement définitif, tout se passe dans la chambre » du conseil.»> Ne voit-on pas, tous les jours, plaider en audience publique sur les enquêtes, dans les affaires d'interdiction? (4) V. ci-dessus, n° VIII.

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rejette l'interdiction, le tribunal peut nommer au défendeur un conseil (1) sans l'assistance duquel il ne pourra faire certains actes importants, que le même article énumère; la capacité ordinaire lui est d'ailleurs laissée pour les actes d'administration. Il y a là une sorte de demi-interdiction, la même que celle où les tribunaux peuvent placer le prodigue (V. le chap. 3 de ce Titre, art. 513 et suiv.). Les personnes dont nous nous occupons en ce moment, et auxquelles s'applique l'article 499, ont reçu dans le langage habituel du droit la dénomination de faibles d'esprit : nous aurons bientôt à revenir sur leur situation légale, en traitant de l'effet des jugements et des arrêts en matière d'interdiction.

XIII. L'article 499 ne prévoit pas le cas où la demande d'un conseil judiciaire pour le faible d'esprit aurait été faite directement; mais il n'y a point de bonnes raisons pour empêcher de suivre une marche si simple et si naturelle. Pourquoi les parents ou l'époux seraient-ils forcés de recourir à une feinte et de prendre un détour qui consisterait à demander le plus pour avoir le moins, c'est-à-dire à provoquer en apparence l'interdiction, uniquement pour aboutir à la nomination d'un conseil? Nous ne croyons pas qu'à cet égard il s'élève de difficultés dans la pratique (2). La même

(1) Ce conseil est appelé judiciaire à cause de son origine. (2) V. l'espèce rapportée au Répertoire de jurisprudence de Merlin, vo Testament, sect. 1, § 1, art. 1; comp. Proudhon, t. II, p. 567, note a; M. Demolombe, t. VIII, no 532; MM. Ducaurroy, Bonnier et Roustain, sur l'art. 499, no 723.

observation s'applique à l'action du ministère public, lorsqu'il s'agit de faire donner un conseil judiciaire à celui qui n'a ni époux, ni épouse, ni parents connus (V. art. 491). Mais à l'inverse, l'article 499, est-il applicable lorsque, l'époux ou les parents demeurant dans l'inaction, le procureur impérial a provoqué l'interdiction pour cause de fureur, et que l'instruction n'a révélé que cet affaiblissement partiel de l'intelligence qui appelle la demi-mesure du conseil judiciaire? Ce cas sera probablement très-rare; mais s'il venait à se présenter, il faudrait, à notre avis du moins, statuer comme l'exige l'état de la personne, bien que le procureur impérial n'eût pas le droit de provoquer rectá via la nomination du conseil : car enfin le tribunal a été régulièrement saisi; il est armé par l'article 499 du pouvoir de prononcer comme il le juge convenable, et il doit user de ce pouvoir. Ce résultat est sans danger, puisqu'il n'est certes pas à craindre que le ministère public imagine d'alléguer faussement l'existence de la fureur chez un individu, pour arriver à lui faire nommer un conseil. Cependant nous avouerons que la question est controversable (1).

XIV. L'appel du jugement peut être interjeté par celui dont l'interdiction a été prononcée ou auquel un conseil a été donné; il est alors dirigé contre le provoquant (C. de pr., art. 894). Si, au contraire, la demande a été repoussée par le jugement, c'est au provoquant

(1) M. Demolombe (t. VIII, no 531) penche évidemment pour la solution qui vient d'être présentée.

à interjeter appel contre celui dont l'interdiction était demandée; mais dans le même cas, l'appel peut aussi être formé par un des membres de l'assemblée de famille (même art. 894) (1). Si, à la suite de la demande d'interdiction, un conseil judiciaire a été nommé, il est clair que l'appel pourra être formé des deux côtés, c'est-à-dire par et contre les personnes qui viennent d'être indiquées. Plus loin, en exposant les effets des jugements et arrêts en cette matière, nous traiterons de l'effet suspensif attaché à l'appel interjeté et non encore suivi d'un arrêt définitif.

L'appel est porté à la cour impériale, qui peut, si elle le juge convenable, interroger de nouveau ou faire interroger la personne dont l'état est en cause (C. Nap., art. 500). Il n'est pas douteux que la cour ne puisse ordonner tout autre moyen d'instruction, par exemple un supplément d'enquête, et aussi nommer, s'il y a lieu, l'administrateur provisoire dont parle l'article 497.

XV. Tout jugement ou arrêt portant interdiction ou nomination de conseil doit être levé, c'est-à-dire expédié, signifié à partie, et inscrit dans les dix jours sur les tableaux affichés dans la salle de l'auditoire du tribunal ou de la cour et dans les études des notaires de l'arrondissement (art. 501) (2). Cette publicité est

(1) Et évidemment, en outre, par tout parent qui s'est porté intervenant (V. C. pr., art. 339), quoiqu'il ne soit pas membre du conseil de famille.

(2) Aj. C. de pr., art. 897; loi du 25 ventôse an XI, sur le notariat, art. 18, modifié par le tarif civil, du 16 février 1807,

art. 175.

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