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donnée dans l'intérêt des tiers, afin qu'ils soient avertis du changement opéré dans l'état de l'individu interdit ou soumis à l'assistance d'un conseil, c'est-à-dire devenu (dans une mesure plus ou moins large) incapable de contracter et de s'obliger. La loi prescrit l'apposition de l'affiche dans les études des notaires, parce que c'est là que se passent, en très grande partie, les conventions importantes qui n'ont pas un caractère commercial.

XVI. Effets des jugements et des arrêts qui ont accueilli la demande. Les effets des jugements et des arrêts sont de deux sortes; il est nécessaire de distinguer ces effets, tout en constatant la connexité intime qui les unit. Ce sont : 1° la nullité des actes faits ou par la personne reconnue incapable, ou par des tiers qui se mettent en rapport avec elle (1); 2° la nomination des personnes qui doivent être chargées de représenter l'incapable ou de l'assister (tuteur et subrogé tuteur, ou conseil judiciaire).

XVII. De la nullité des actes.-L'article 502, supposant qu'il y a interdiction ou nomination d'un conseil, déclare que ces mesures auront leur effet « du jour du

jugement. » Il s'agit ici évidemment de l'incapacité de la personne et de la nullité de ses actes, comme le montre la suite de l'article, ainsi conçue : « Tous >> actes passés postérieurement par l'interdit ou sans >> l'assistance du conseil seront nuls de droit; >> il n'est pas question encore de la nomination soit du tuteur ou

(1) En l'assignant, en lui notifiant des actes, etc.

subrogé tuteur de l'interdit, soit du conseil judiciaire : car ce qui regarde la nomination des tuteur et subrogé tuteur est réglé plus loin dans l'article 505; et, relativement au conseil, l'article 499 a déjà décidé qu'il doit être nommé par le même jugement (1).

Nous n'avons donc à nous occuper en ce moment que de la nullité des actes. Or tous ceux dont la personne est déclarée incapable sont nuls de droit, comme nous venons de le voir (art. 502); c'est-à-dire qu'il n'y a ni lésion à constater, ni bonne ou mauvaise foi des tiers à prendre en considération (opp. les art. 484 et 1305). Cependant la convention nulle, par exemple la vente d'un immeuble, n'est pas considérée comme non existante et dénuée de toute valeur juridique. Elle peut être ratifiée (V. art. 1338 et suiv.), et, pour en obtenir la nullité, il faut agir dans les dix ans, à partir de l'époque où l'interdiction a cessé (V. art. 1304) (2) S'il est question de jugements, il faudra les attaquer par les voies ordinaires ou extraordinaires établies par les lois et dans les délais qu'elles déterminent (comp. C. de pr., art. 444, 481, et C. Nap., art. 509).

(1) Ou par le même arrêt, bien entendu, si c'est la cour qui, infirmant un jugement du tribunal, soumet la personne à l'assistance d'un conseil. A l'époque où le Code civil a été rédigé, toutes les décisions judiciaires étaient appelées jugements.

(2) L'article 1304 ne s'occupant que de l'action en "nullité, nous sommes disposé à admettre que la nullité pourrait être indéfiniment opposée à titre d'exception ou de défense, suivant la maxime: Quæ temporalia sunt ad agendum perpetua sunt ad excipiendum.

Les actes pour lesquels l'assistance du conseil est exigée sont énumérés dans l'article 499 (plaider, transiger, emprunter, recevoir un capital mobilier, etc.); et, comme nous l'avons dit plus haut, celui qui est soumis au conseil judiciaire demeure capable des actes d'administration, par exemple de toucher ses revenus, de faire des baux qui n'excèdent pas neuf ans (V. art. 1429, 1430, 1718), etc. S'il venait à plaider sans l'assistance du conseil (V. même art. 499), le ministère public, qui serait instruit de cette irrégularité, ne manquerait pas de la signaler au tribunal.

XVIII. Les mots tous actes de l'article 502 ne doivent pas être pris à la lettre et dans un sens absolu quant à l'interdit, pas plus qu'ils ne le sont relativement à la personne soumise à un conseil judiciaire. Tous actes passés postérieurement, etc., dit l'article, en se référant aux deux classes d'incapables dont traite le chapitre; mais, évidemment, la nullité de plein droit dont on parle n'a trait qu'aux actes pour lesquels l'incapacité existe. Or, relativement au faible d'esprit, l'étendue de cette incapacité est déterminée par l'article 499, ainsi que nous venons de le voir. De même quant à l'interdit, l'incapacité est tacitement réglée par les articles 505 et 509 combinés avec l'article 450 (aj. art. 1304); car, d'après ces dispositions, l'interdit est en tutelle, et ses biens sont administrés par un tuteur chargé de « le représenter dans tous les actes >> civils. » L'interdit se trouve donc être incapable d'aucun des actes relatifs à son patrimoine, parce que la gestion en est remise au tuteur, sauf à ce dernier à se

munir, s'il y a lieu, des autorisations et homologations prescrites par les articles relatifs à la tutelle des mineurs (V. art. 457-467) (1).

XIX. On a spécialement prévu et réglé dans ce chapitre une hypothèse nouvelle (impossible au cas de minorité), celle d'une dot à constituer à l'occasion du mariage de l'enfant de l'interdit (V. art. 511). Il s'agit donc ici d'un arrangement de famille à prendre au nom de l'interdit, et comme il le prendrait lui-même, selon toutes les probabilités, s'il était demeuré capable. La libéralité ne doit être, d'après l'article 511 lui-même, qu'une avance à faire sur la succession du donateur (2) (avancement d'hoirie); et, en réalité, cet acte est d'une nature mixte, et ressemble beaucoup à l'acquittement d'une sorte d'obligation naturelle. On comprendra d'ailleurs, à cet égard, sous le mot générique enfant : 1° l'enfant naturel (comp. art. 757, 758 et 761); 2° le petit-fils ou autre descendant de l'interdit, qui est son héritier présomptif (comp. art. 759, 760 et 914) (3). L'avancement d'hoirie et les autres conventions matri

(1) « Les lois sur la tutelle des mineurs s'appliquent à la >> tutelle des interdits » (art. 509).

(2) Le mot dot, dans l'art. 511, indique spécialement la donation qui est faite à la fille qui se marie (comp. art. 1540); mais cette dot ne sera toujours pour la fille qu'un avancement d'hoirie, comme la donation pour le fils (comp. art. 843),

(3) V., là-dessus, M. Demolombe, t. VIII, nos 586 et 587. Nous regarderons même l'article comme tout à fait applicable lorsque l'avancement d'hoirie doit être fourni à l'héritier présomptif, pour lui servir à doter son propre enfant, descendant de l'interdit.

moniales (qui forment avec lui un ensemble et un tout indivisible) (1) doivent être réglés par un avis du conseil de famille de l'interdit, homologué par le tribunal, sur les conclusions du ministère public (art. 511) (2). Les mêmes règles doivent s'appliquer, par analogie complète, au cas où il s'agit de procurer au descendant un établissement d'une autre nature, comme de lui acheter une charge, ou un fonds de

commerce

XX. Aucune disposition de loi n'indique que l'interdiction emporte par elle-même la nullité soit du mariage (4), soit du testament de l'interdit, actes pour lesquels la volonté d'une personne ne saurait être remplacée par celle d'une autre (5). La validité ou la nulfité de ces actes doit être appréciée, en fait, eu égard aux circonstances (comp. art. 146 et 901); car la présomption absolue d'incapacité est, comme nous l'avons fait voir (n° XVIII), corrélative aux pouvoirs du tuteur et des autres représentants de l'incapable.

Ce que nous venons de dire sur le mariage et le testament n'est pas conforme à l'opinion généralement

(1) Le conseil de famille exerce les droits de l'ascendant, et, en cette qualité, stipule comme partie dans le contrat de mariage (V. Proudhon, t. II, p. 552, note a).

(2) Relativement au cas où l'enfant qui se marie serait, comme mineur, incapable de contracter seul, on peut voir la même note a.

(3) V. ibid., et M. Demolombe, t. VIII, no 588.

(4) Comparez ci-dessus p. 102 et 103, no XIII.

(5) Il faut en dire autant de la reconnaissance d'un enfant naturel (comp. art. 334).

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