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admise par les auteurs; ils donnent à l'article 502 un sens illimité, et qui embrasse, sans exception, tous les actes faits par l'interdit. Tel n'est pas, selon nous, le véritable esprit de la loi, et on peut d'ailleurs consulter, à ce sujet, les savantes explications de M. Demolombe (t. VIII, n° 633-648). Nous croyons même devoir étendre cette théorie aux donations entre-vifs proprement dites, auxquelles ne s'applique pas l'expédient de l'article 511 car enfin l'interdit n'est pas représenté pour ces sortes d'actes, et la nullité pourra toujours en être prononcée, selon les cas, aux termes de l'article 901.

XXI. Tout le monde reconnaît que le faible d'esprit (de même que le prodigue) est capable de se marier et de tester (V. art. 499 et 513). Il est certain aussi que le mariage ne pourrait être précédé de donations que l'incapable ferait à son futur époux, sans l'assistance du conseil judiciaire; nous en dirons autant des clauses du contrat de mariage dont le résultat serait de l'appauvrir au profit de l'autre conjoint (1). Mais nous ne saurions croire, avec M. Demolombe (2), que l'incapable dont il s'agit doive nécessairement être marié sous le régime de la séparation de biens; car la communauté dite légale est reconnue, par la loi même, un régime matrimonial équitable et conforme à la nature

(1) Par exemple, s'il avait ameubli ses immeubles (V. art. 15051509).

(2) T. III, no 22, et t. VIII, no 740. Comp. notre note a sur Proudhon, t. II, p. 568.

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des rapports établis entre les époux, quelle que soit la différence de leurs fortunes respectives. Dire que des époux mariés sans contrat seront placés sous le régime de la séparation de biens, c'est, à notre avis, se mettre en opposition formelle avec les articles 1393 et 1400 du Code Napoléon.

XXII. L'incapacité qui vicie les actes de la personne commence du jour de la décision judiciaire, quelle qu'elle soit, jugement ou arrêt, d'où l'incapacité résulte. Ce sera du jour du jugement portant interdiction (ou nomination du conseil), si on n'en a pas appelé, ou s'il y a eu confirmation en appel; mais ce sera seulement du jour de l'arrêt qui accueille la demande, si cette demande avait été rejetée en première instance. Dans le cas où, les premiers juges ayant prononcé l'interdiction, la cour modifie la mesure prise, et dit qu'il suffit de la nomination d'un conseil, la personne se trouve n'avoir été incapable depuis le jugement que dans les limites fixées par l'article 499. Et enfin, si on suppose le cas inverse (la cour allant plus loin que le tribunal), la demi-incapacité de l'article 499 datera du jugement, tandis que l'incapacité complète n'aura lieu qu'à partir de l'arrêt. Lorsqu'il y a eu appel, c'est toujours sans doute au résultat de l'appel qu'on doit s'attacher, mais, comme nous venons de le dire, il faut reporter au jour du jugement les effets de l'incapacité que les premiers juges avaient déjà déclarée. En d'autres termes, l'incapacité existe dès le jugement de première instance, malgré l'appel qui en a été interjeté, pour ce qui, en définitive, est confirmé sur appel; car

l'appel n'est suspensif que pour les actes d'exécution proprement dits (nomination du tuteur et du subrogé tuteur) dont nous nous occuperons bientôt (V. C. Nap., art. 505; comp. C. de pr., art. 457) (1), et non pour ce qui a trait à l'incapacité de la personne.

XXIII. On comprend dès lors la grande utilité qu'il y a de rendre publics les jugements et les arrêts portant interdiction ou nomination d'un conseil (2); et déjà plus haut (n° XV) nous avons parlé des affiches, dont l'apposition est prescrite dans ce but (art. 501 et Tarif civil, art. 92 et 175). C'est là une mesure conservatoire qui se rattache à l'incapacité reconnue ou déclarée, mesure très-distincte de l'exécution proprement dite: aussi l'article 501 prescrit-il d'afficher dans les dix jours tout jugement portant interdiction, etc., sans distinguer s'il y a ou non appel interjeté (3). D'un autre côté, l'incapacité se produit avec les nullités qui en dérivent, quoique l'affiche ait été omise ou irrégulièrement faite; car la disposition de l'article 502 est absolue et ne dépend pas de l'observation exacte de l'article 501, malgré le rapport qui existe entre ces

(1) La même observation s'applique à la huitaine qui suit le jugement, délai pendant lequel l'exécution est suspendue (V. C. de proc., art. 449 et 450).

(2) L'affiche de l'arrêt est surtout nécessaire lorsqu'il déclare une incapacité qui ne résultait pas du jugement de première instance.

(3) Par le même motif, les art. 449 et 450 du C. de proc. n'empêchent point que les affiches ne soient apposées pendant la huitaine qui suit le jugement.

diverses règles (1). Ce qui le prouve, c'est que, d'après le texte de l'article 502, la nullité s'applique aux actes passés avant l'expiration des dix jours, tandis que les dix jours entiers sont accordés pour l'expédition et l'affiche du jugement. Certes il serait absurde que les actes faits sans délai après le jugement, et dès lors entachés de nullité, devinssent ensuite valables parce que l'affiche n'aurait pas eu lieu dans le délai fixé; les actes étant une fois consommés, il est clair qu'une irrégularité postérieure, et qui touche la publicité du jugement, ne peut avoir sur eux aucune influence (2). Ajoutons que, lorsque la loi veut attacher le sort d'un jugement à la publicité qui doit en être donnée, elle a soin de le déclarer en termes exprès (V. art. 1445 et 1446). Enfin l'article 18 de la loi du 25 ventôse an XI, sur le notariat, décide que le notaire contrevenant à la règle de l'article 501 sera tenu des dommages-intérêts des parties; or ces expressions indiquent clairement tous ceux qui ont traité avec l'incapable, dans l'ignorance de son incapacité (3). La même

(1) V. notre note a sur Proudhon, t. II, p. 257; dans le même sens, Delvincourt, t. I, p. 329, note 4, M. Demolombe, t. VIII,

n° 550.

(2) Cet argument a été présenté par Merlin dans une affaire où la cour de cassation, nous devons l'avouer, a jugé contre ses conclusions et contre la solution que nous présentons après lui (civ., rej., 16 juillet 1810; V. Quest. de droit, vo Tableau des interdits, § 1).

(3) Voici le texte de cet art. 18: « Le notaire tiendra > exposé, dans son étude, un tableau sur lequel il inscrira les >> noms, prénoms, qualités et demeures des personnes qui,

négligence pourrait être imputée, selon les cas, soit aux poursuivants, soit au greffier, soit au secrétaire de la chambre des notaires (comp. Proudhon, t. II, p. 527, note a, et le Tarif civil, art. 92 et 175).

Par suite de la généralité des termes de l'article 502, la nullité atteindrait même les actes passés hors du ressort judiciaire où a eu lieu la publicité par voie d'affiches (1). On a sans doute pensé que les tiers prendraient les informations nécessaires dans le lieu où l'incapable est ou a été domicilié.

XXIV. Les actes antérieurs à l'interdiction ne tombent pas sous le coup de la nullité de plein droit dont nous avons parlé. Mais si la cause de l'interdiction (imbécillité, démence ou fureur) existait notoirement à l'époque où ces actes ont été faits, ils pourront être annulés; à cet égard, les juges prendront en considération la nature et l'importance des actes, et, en général, toutes les circonstances de l'affaire (art. 503). La notoriété dont parle l'article 503 se comprend trèsbien relativement à l'état qui donne lieu à l'interdiction; car cet état (imbécillité ou folie) présente des caractères très-tranchés qui peuvent le rendre parfai

» dans l'étendue du ressort où il peut exercer, sont interdites et >> assistées d'un conseil judiciaire, ainsi que la mention des » jugements relatifs; le tout immédiatement après la notification » qui en aura été faite, et à peine des dommages-intérêts des » parties. »

(1) C'est ce qui a été jugé par un arrêt de la cour de cassation du 29 juin 1819 (affaire Isabelle), rapporté par Merlin, Quest. de droit, v° Tableau des interdits, § 2.

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