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tement notoire. Il n'en est pas de même lorsque la seule mesure jugée utile a été la nomination d'un conseil en ce cas, les actes antérieurs à l'état d'incapacité légale ne pourraient être annulés s'il n'y a eu dol, ou violence, ou quelque autre cause de nullité reconnue par le droit commun (1).

XXV. Si la personne qui a été en démence est revenue à la santé, sans que son interdiction ait été prononcée ni même provoquée, rien n'empêche, selon nous du moins, que cet ancien état de dérangement d'esprit soit constaté, afin d'annuler les actes qui auraient été faits à cette époque (2). Il en est autrement lorsqu'il s'agit d'un individu qui est mort sans que son interdiction ait été prononcée ni provoquée, et dont on prétendrait attaquer les actes pour cause de démence (3) l'article 504 défend alors d'intenter la demande en nullité, sauf dans le cas où la preuve de la démence résulterait de l'acte même qui est attaqué.

L'objet de cet article 504 est d'écarter, par une sorte de fin de non-recevoir, une multitude de procès trèsdifficiles à juger, qui pourraient surgir après la mort

(1) « Les actes antérieurs à la défense de contracter sans » conseil sont inattaquables; quant à ceux antérieurs à l'inter» diction, ils peuvent être annulés si la cause de l'interdiction > existait notoirement, etc. » Exposé des motifs présenté au Corps législatif par M. Emmery, orateur du gouvernement, à la séance du 28 ventôse an XI.

(2) Comp. M. Duranton, t. III, no 782, et nos Observations sur Proudhon, t. II, p. 540.

(3) Le mot démence comprend ici l'imbécillité et la fureur.

des personnes, au sujet de leurs actes. La loi a craint qu'il n'y eût là une cause permanente de trouble et d'inquiétude pour les tiers. Néanmoins elle a cru devoir excepter de sa règle non-seulement le cas où la démence se révèle dans l'acte même qui est attaqué, mais encore celui où l'interdiction a été prononcée ou provoquée avant la mort de l'auteur de l'acte, parce que ces circonstances rendent très-vraisemblable la cause de nullité dont on offre la preuve (V. à cet égard nos notes sur Proudhon, t. II, p. 541 et suiv., et M. Demolombe, t. VIII, no 663-671). Disons même que, si l'on suppose l'interdiction prononcée avant le décès de la personne, on se retrouve dans l'espèce déjà prévue par l'article 503, suivant lequel les actes antérieurs à l'interdiction pourront être annulés. (V. cidessus n° XXIV, p. 368.)

XXVI. Il paraît que les rédacteurs du Code se sont arrêtés à l'idée que l'article 504 serait étranger aux donations et aux testaments, et que, relativement à ces derniers actes, le juge aurait toujours le pouvoir de rechercher si, en fait, le disposant était sain d'esprit (comp. art. 901 et la note sur Proudhon, t. II, p. 543, no IV). Mais on doit regretter qu'ils n'aient pas voulu s'en expliquer en termes formels, se bornant à ajourner d'abord, puis enfin à éliminer la partie de l'article 901 projeté, où l'on renvoyait à l'article 504 (1). Au reste, dans la doctrine la plus

(1) V. la discussion du conseil d'État à la séance du 14 pluviòse an XI, dans Fenet, t. XII, p. 296 et 297.

répandue, on accorde aux tribunaux le pouvoir d'annuler, pour cause de démence, des actes de libéralité faits par un individu qui est mort depuis, et dont l'interdiction n'a été ni prononcée ni provoquée de son vivant. Cela n'est même plus contesté dans la pratique, et il n'est pas rare de voir des testaments ainsi déclarés nuls pour cause de démence. Nous croyons aussi, pour notre part, cette doctrine bien fondée; et nous ne pouvons guère avoir de doute à cet égard, puisque nous avons reconnu que la faculté de disposer à titre gratuit (sauf l'application de l'article 511) est en dehors des règles sur l'interdiction et ses effets (V. no XVIII, p. 364).

XXVII. Une dérogation notable a été apportée à l'article 504 par l'article 39 de la loi du 30 juin 1838 sur les aliénés, où il est dit que « les actes faits par une >> personne placée dans un établissement d'aliénés, >> pendant le temps qu'elle y aura été retenue, sans que » son interdiction ait été prononcée ni provoquée, pour>> ront être attaqués pour cause de démence, etc. » Cette disposition est très-sage: car, la personne étant retenue dans une maison d'aliénés à l'époque où elle a fait un acte, il s'élève déjà contre la validité de cet acte une présomption fort grave; et néanmoins on ne devra pas nécessairement l'annuler, attendu que le placement dans un établissement d'aliénés est une simple mesure provisoire, très-différente de l'interdiction, dont elle est bien loin d'offrir toutes les garanties. Il ne résulte donc pas de l'article 39 un véritable état d'incapacité légale cet article ne prononce aucune

nullité de plein droit (comp. l'art. 502 du Code); tous les actes faits par la personne retenue dans l'établissement d'aliénés pourront être attaqués pour cause de démence; mais chacun d'eux sera maintenu ou annulé suivant les cas (1).

XXVIII. De la nomination du tuteur et du subrogé tuteur. En matière d'interdiction, il n'y a point de tutelle légitime (V. art. 505, et C. pr., art. 895), si ce n'est celle qui est dévolue au mari de la femme interdite (V. art. 506). Ainsi les ascendants ne sont point appelés par la loi à la tutelle de leur descendant, parce que leurs rapports avec lui ont dû nécessairement se modifier dans une certaine mesure, à raison de son âge, de l'indépendance où il a vécu, des affections nouvelles et des intérêts qu'il a pu se créer; tandis que le mineur est presque toujours très-bien placé sous la direction de ses père et mère ou autres ascendants (comp. art. 390-396, 402-404). L'article 509, qui porte que « l'interdit est assimilé au mineur pour >> sa personne et pour ses biens, etc., » entend parler, non pas de la dévolution, mais de l'exercice de la tutelle (2).

Que décidera-t-on dans le cas, très-peu ordinaire sans doute, où l'interdit serait un mineur, émancipé

(1) La fin du même article 39 de la loi de 1838 détermine à partir de quelle époque courront « les dix ans de l'action en nullité » (comp. C. N., art. 1304).

(2) Et encore sauf ce que prescrit l'art. 510 sur l'emploi à faire des revenus de l'interdit.

ou non (1)? Selon nous, il faudrait suivre encore les règles de notre Titre, et même remplacer la tutelle légitime, si elle existait, par la tutelle dative; sans quoi on se jetterait dans les distinctions les plus arbitraires. La tutelle de l'interdit n'a pas, comme celle du mineur, un terme fixé à l'avance, et qui est celui de la minorité elle-même; la durée en est souvent indéfinie, et sans autres limites que celles de l'existence de l'interdit (comp. art. 508) (2). Cela suffit pour qu'elle ne soit déférée qu'après examen, et en prenant en considération toutes les éventualités de l'avenir; sauf, bien entendu, le cas où elle appartient au mari, conformément à l'article 506.

XXIX. La nomination du tuteur et celle du subrogé tuteur ont lieu en vertu soit du jugement, soit de l'arrêt qui a prononcé l'interdiction; mais s'il s'agit d'un jugement, l'appel qui en serait interjeté suspend ces nominations, qui sont des actes d'exécution proprement dite (V. notre art. 505 et C. pr., art. 895). Cette dernière proposition résulte du principe même de l'article 457 du Code de procédure, qui attribue à l'appel un effet suspensif. Si le tuteur et le subrogé tuteur sont déjà nommés, ils devront, en présence de l'appel interjeté, s'abstenir de faire des actes de gestion, jus

(1) Comp., ci-dessus, n° III, p. 344 et suiv.

(2) Et dans les cas même où le tuteur peut demander son remplacement, il a aussi le droit de conserver la tutelle (même art. 508).

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