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veut s'établir en France, il est tenu d'obtenir la permission du Gouvernement, et que ces permissions, pouvant être, suivant les circonstances, sujettes à des modifications, à des restrictions et même à des révocations, ne sauraient être déterminées par des règles ou des formules générales.

TITRE QUATRIÈME.

Des absents (1).

I. La matière de l'absence a une relation assez naturelle avec celle du domicile. Au reste, les mots absent, absence, comme tant d'autres termes juridiques, comme le mot domicile lui-même, ont des sens divers, suivant les circonstances où on les emploie, et de là, parfois, des amphibologies, des incertitudes et des chances d'erreur pour l'interprète. Souvent dans le langage vulgaire, et parfois même dans les textes de lois,

on

(1) Nous nous sommes borné pour ce Titre, plus que pour aucun des autres, aux notions les plus générales, en ne traçant que de simples linéaments et comme un cadre du sujet. Nous avons évité de nous jeter ici dans les controverses qui naissent de la combinaison de l'absence avec d'autres matières étrangères au Livre des personnes (celles des successions, de la communauté entre époux, de la prescription, etc.), difficultés que les règlements des écoles de droit ont eu soin de renvoyer à la troisième année des études. Mais nos Observations sur le chapitre 20 de Proudhon, qui traite des absents, sont d'une grande étendue. Le texte et les notes comprennent ensemble plus de cent pages (250 à 359), et nous nous y référons.

entend par absent tout individu qui ne se trouve pas actuellement à son domicile ou à sa résidence, ou même dans quelque autre lieu déterminé, par exemple, là où est ouverte une succession à laquelle il est appelé (V. C. de pr., art. 942 et 943).

Mais dans le Titre actuel, l'individu qualifié absent est celui qui a disparu, a cessé de donner de ses nouvelles, et dont en conséquence l'existence est devenue incertaine. Dans le Titre même des successions, les textes font très-bien la distinction entre les héritiers absents et ceux qui sont simplement non présents (comp. les art. 817, 819, 839 et 840).

II. Les rédacteurs du Code ont recueilli et disposé avec habileté les matériaux nombreux, mais épars et confus, que leur présentait notre ancien droit sur la matière de l'absence. Le fond des idées est à peu près le même; seulement on a régularisé beaucoup de détails sur lesquels les opinions et la pratique étaient incertaines ou discordantes (1).

III. Quand il ne s'est pas écoulé un long temps depuis que la personne a cessé de manifester son existence, la probabilité de sa mort étant encore faible, la justice intervient, suivant les circonstances, sur la demande des parties intéressées, communistes, créanciers ou autres (2), pour ordonner les mesures nécessaires à l'administration des biens délaissés, le tout

(1) Observations sur Proudhon, t. I, p. 253 et 254. (2) Même, selon nous, les héritiers présomptifs; V. Proudhon, t. I, p. 257, note a.

sous la surveillance spéciale du ministère public. Telle est la partie de ce sujet, traitée dans le premier chapitre de ce Titre, sous la rubrique de la présomption d'absence (1).

IV. Lorsque la personne a cessé de donner de ses nouvelles depuis quatre ans au moins, il y a lieu à ce que l'on appelle la déclaration d'absence, dont le résultat sera de créer un état provisoire, analogue à celui qui résulterait du décès de la personne. Ainsi les héritiers les plus proches au jour de la disparition ou des dernières nouvelles, les légataires et autres personnes intéressées, comme l'institué contractuellement (V. art. 1082 et suiv.), le nu-propriétaire des biens dont l'absent avait l'usufruit, etc. (2), peuvent demander la déclaration d'absence, et, par suite, exercer provisoirement les droits subordonnés à la condition du décès, mais à la charge de donner caution (V. art. 115, 120, 123, 124 et 140), et, en outre, avec la garantie des mesures conservatoires indiquées dans l'article 126. Si l'absent a laissé une procuration pour l'administration de ses biens (3), cette circonstance expliquant jusqu'à un certain point son éloignement prolongé sans donner de ses nouvelles, le

(1) Seule partie qui appartienne à l'examen et à l'enseignement obligatoire de la première année de droit dans les écoles.

(2) Même les créanciers, suivant l'art. 11 de la loi spéciale du 13 janvier 1817, citée plus bas. Mais il est rare que les créanciers aient intérêt à faire déclarer l'absence.

(3) Cette procuration doit avoir trait à des objets d'une certaine importance. V. Proudhon, t. I, p. 273, note, no 3.

délai de quatre ans, dont on vient de parler, est prorogé à dix ans (V. art. 121 et 122) (†).

V. Les envoyés en possession ne sont d'abord que de simples administrateurs, et n'ont point le pouvoir d'aliéner ou d'hypothéquer (art. 125 et 128) (2). Mais ils sont chargés de représenter l'absent dans les procès (art. 134), et dans les partages et licitations, lesquels d'ailleurs doivent être faits en justice et suivant les formes déterminées au Titre des successions (art. 817, 838, 839 et 840).

VI. La probabilité de mort est devenue des plus grandes lorsqu'il s'est écoulé trente ans depuis l'envoi provisoire. Dès lors commence un état de choses nouveau, appelé envoi en possession définitif. Ceux qui l'ont obtenu peuvent disposer en maîtres des biens qui leur ont été remis, aliéner et hypothéquer. La garantie de leur cautionnement cesse. Le même résultat a lieu avant l'expiration des trente ans, lorsqu'il s'est écoulé cent ans depuis la naissance de l'absent (art. 129 et 132).

VII. La plus grande innovation que le Code ait introduite en cette matière, c'est que l'époux commun

(1) Ces art. 121 et 122 sont déplacés dans le chapitre consacré aux effets de l'absence; il faut les reporter au chapitre précédent (De la déclaration d'absence) à la suite de l'art. 115, et effacer les premiers mots de l'art. 120, qui doit commencer ainsi : Les héritiers présomptifs, etc. (V. Proudhon, t. I, p. 272, à la note, no 2.)

(2) V., quant à l'hypothèque à constituer pendant l'envoi provisoire, l'art. 2126 du Code, et Proudhon, t. I, p. 286, note a.

en biens peut, si bon lui semble, en optant pour la continuation de la communauté, empêcher les effets ordinaires de la déclaration d'absence, et administrer à la fois les biens de la communauté et les biens personnels de l'absent (art. 124). En ce cas, il ne tire de sa nouvelle position que les droits d'un envoyé en possession provisoire (comp. art. 128 et 134), seulement il ne donne pas caution; la loi semble vouloir l'encourager à prendre un parti qui empêche la division du patrimoine et concentre l'administration dans une seule main. Ce droit extraordinaire n'appartient pas à l'époux présent qui est marié sous un régime autre que celui de la communauté. Il cesse toujours dès qu'il y a lieu à l'envoi en possession définitif (art. 124 et 129). L'époux qui a opté pour la continuation de la communauté devra donc, à cette époque, rendre compte de son administration et restituer ce qui ne doit pas lui appartenir dans les biens qu'il a gérés (1). La femme présente conservera, quoique ayant administré, le droit de renoncer à la communauté (art. 124 in fine; comp. art. 1453) (2).

VIII. Si l'absent reparaît, la restitution des biens lui sera faite par les envoyés, soit provisoires, soit définitifs, mais avec les diminutions et les charges résultant de l'exercice de leurs pouvoirs, tels que nous les avons déterminés (comp. art. 125, 128 et 132).

(1) V. sur tout cela Proudhon, t. I, p. 312 et suiv.

(2) V. nos explications sur la fin de l'art. 124 dans Proudhon, t. I, p. 315, notes.

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