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Les administrateurs provisoires ont également à restituer les biens, dans le cas où le décès de l'absent, venant à être connu, se place à une époque telle que le droit apparent de ces administrateurs s'évanouit, parce qu'ils ne sont pas les héritiers les plus proches lors de ce décès, ou encore parce qu'il a été fait un testament qui les dépouille (V. art. 130). Mais, suivant nous, cette obligation est imposée, au profit des ayant droit (quoique non descendants de l'absent), même à ceux qui ont obtenu l'envoi en possession définitif, l'article 130 ne faisant à cet égard aucune distinction, et telle est aussi l'opinion communément adoptée (1). La différence entre l'effet des deux envois en possession, relativement à la restitution des biens, se manifestera quant au point de départ de la prescription : car elle ne courra contre les descendants de l'absent qu'à compter de l'envoi définitif (art. 133); et contre tous autres elle courra, même pendant l'envoi provisoire, à partir de l'époque où leur droit s'est ouvert, par conséquent à partir de la mort de l'absent, s'il s'agit de la pétition d'hérédité réglée par l'article 130.

IX. Les envoyés en possession, ou l'époux qui a opté pour la continuation de la communauté, ne font la restitution qu'avec le bénéfice de tout ou partie des

(1) V. à ce sujet nos Observations et les documents que nous avons tirés des travaux préparatoires (Proudhon, t. I, p. 336 et suiv.).

revenus des biens, suivant les distinctions faites par l'article 127 (comp. art. 130) (1).

Quant à la procédure à suivre pour arriver à la déclaration d'absence et à l'envoi en possesion, et aussi quant aux détails sur les mesures conservatoires, nous renvoyons aux articles 145 à 119 et à l'article 129.

X. La loi du 13 janvier 1817 a eu pour but principal de faciliter la déclaration de l'absence des militaires et des marins qui ont disparu pendant les longues guerres de la Révolution et de l'Empire. Cette loi abrége, pour certains cas, la durée du temps qui, de droit commun, doit s'être écoulé depuis la disparition ou la cessation des nouvelles, pour que la déclaration d'absence puisse être demandée (V.. ci-dessus no IV); et, à cet égard, il n'y a plus lieu de distinguer si le militaire ou le marin avait ou non laissé une procuration (art. 4 et 9 de la loi; comp. art. 115, 121 et 122 du Code). Seulement, si la procuration avait été donnée, les envoyés en possession devront, au cas de retour de l'absent, lui restituer la totalité des fruits perçus pendant les dix premières années de l'absence (même art. 9; comp. l'art. 127 du C. N.).

Dans tous les cas, la solvabilité en immeubles pourra dispenser de donner caution (même art. 9), tandis que, d'après la règle ordinaire, la caution légale ne

(1) V., quant à l'application de l'art. 127 en matière d'administration légale de l'époux présent, ce que nous disons au tome I de Proudhon, p. 319, note a.

peut être remplacée que par un gage en nantissement suffisant, ce qui indique des valeurs mobilières (C. N., art. 2044; comp. C. de proc., art. 832,

3 alinéa.)

D'après la loi de 1817, les enquêtes ne sont que facultatives (art. 4), tandis qu'elles sont obligatoires de droit commun, aux termes de l'article 116 du Code. Mais d'un autre côté, la loi (art. 2) contient l'exigence spéciale de la publicité de la demande.

Au reste, cette loi du 18 janvier 1817 n'a trait qu'aux militaires et aux marins qui ont disparu (sans que leur décès puisse être prouvé) pendant les guerres qui ont eu lieu depuis le 21 avril 1792 jusqu'au traité de paix du 20 novembre 1815 (V. l'art. 4). Il en résulte que l'application en est devenue de jour en jour moins fréquente, et peut-être se trouve aujourd'hui à peu près nulle. Néanmoins nous n'avons pas cru devoir nous dispenser de l'analyser, et nous en donnons le texte ci-dessous.

XI. Une section particulière de notre Titre (la 2o du chap. 3), est consacrée aux droits éventuels qui peuvent compéter à la personne dont on n'a plus de nouvelles et dont, par suite, l'existence n'est pas reconnue. Et ici il n'y a plus lieu de distinguer si l'on est encore dans la première période appelée présomption d'absence, ou si, au contraire, l'absence est déjà déclarée. Les droits qualifiés éventuels sont ceux qui ne peuvent appartenir à la personne et être transmis à ses héritiers, qu'autant que son existence a continué jusqu'à l'époque où le droit s'est réalisé : tel est le droit à une

succession, à un legs, aux arrérages d'une rente viagère constituée sur la tête du créancier (1).

Or, dans l'espèce, on le suppose, cette existence n'étant pas prouvée, puisque la personne au profit de laquelle le droit éventuel aurait dû s'ouvrir a cessé antérieurement de donner de ses nouvelles, nul ne peut, du chef de cette personne, prétendre exercer le droit dont il s'agit, et les choses doivent provisoirement être traitées comme si l'absent présumé ou déclaré était mort à l'époque de sa disparition ou de ses dernières nouvelles; tel est le système éminemment raisonnable qu'on suivait déjà autrefois et qui a été reproduit dans nos articles 135 à 138. L'article 113, au contraire, ainsi que les articles 817 in fine et 840, s'appliquera au cas d'une succession ouverte au profit de l'absent à une époque antérieure à ses dernières nouvelles (2). On remarquera, du reste, que ceux qui profitent ainsi du défaut de preuve de l'existence de l'absent, par exemple, ceux qui recueillent à son défaut la succession qui devait lui être dévolue, doivent la lui rendre ou à ses ayant cause, si plus tard il est prouvé que la dévolution s'était réellement opérée à son profit, le tout sauf l'application des règles ordinaires sur la prescription (art. 137). Ces tiers ne

(1) Il faut que l'ayant droit ait vécu soit à l'époque de la mort du de cujus (le parent ou testateur), soit à l'échéance des arrérages (comp. Proudhon, t. I, p. 263 et suiv.).

(2) Ou même ouverte depuis, si les parties intéressées ont consenti à reconnaître l'existence de l'absent. V. Proudhon, t. I, p. 267.

jouent point ici le rôle d'envoyés en possession dans le sens qui a été expliqué ci-dessus : car l'envoi en possession ne s'applique qu'aux biens qui formaient le patrimoine de l'absent lors de sa disparition ou de ses dernières nouvelles; et dont l'administration est confiée aux intéressés avec des pouvoirs plus ou moins étendus (1). Ici, au contraire, les tiers ne sont que des possesseurs pro suo, et qui, lorsqu'ils sont de bonne foi, ce qui arrivera presque toujours, gagneront la totalité des fruits par eux perçus (V. art. 138; comp. art. 549 et 550; comp. art. 127).

XII. Les règles qui viennent d'être exposées reçoivent exception, d'après les lois des 11 ventôse et 16 fructidor an II, lorsqu'il s'agit de successions qui s'ouvrent au profit des défenseurs de la patrie, des officiers de santé et de tous autres citoyens attachés au service des armées. Le sens véritable de ces lois, dont nous donnons le texte plus bas, c'est que les successions dont il s'agit doivent être régies par un curateur nommé par un conseil de famille, lors même que l'existence de la personne serait incertaine à l'époque de l'ouverture de la succession. Telle est, nous n'en pouvons douter, la pensée du législateur d'alors; car évidemment son but a été de protéger d'une manière toute spéciale des individus qui, à raison de leur position même et de leur dévouement à leur pays, sont dans l'impuissance de donner de leurs nouvelles.

(1) V. les art. 120 et 129, qui ne parlent que des liens de l'absent.

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