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La loi du 14 ventôse, ayons soin de le remarquer, leur donne expressément la qualification d'absents (art. 2). La succession, comme dit très-bien M. Demolombe (t. II, n° 344), est en quelque sorte vacante, et administrée par le curateur, pour le compte, soit du mili taire, s'il a vraiment recueilli la succession, soit des personnes qui l'ont recueillie à son défaut. La loi du 16 fructidor an II règle encore (art. 2 à 5) ce qui regarde la procuration qui peut être envoyée par le militaire ou autre individu attaché à l'armée (loi du 11 ventôse, art. 1 et 2), ce qui dispense alors de la nomination du curateur. Ces lois spéciales sont restées en vigueur, à la différence de celles du 6 brumaire an V et du 21 décembre 1814, dont l'application a cessé aujourd'hui. Voyez sur toutes ces lois les savantes explications données par M. Demolombe (t. II, Appendice, no 337 à 353).

XIII. Dans la section dernière du chap. 2, les rédacteurs du Code ont traité à part des effets de l'absence relativement au mariage. Mais des deux articles dont cette section se compose, l'un (art. 440) ne donne qu'une application des principes posés dans l'article 120, et subsidiairement dans l'article 123; l'autre (art. 139), pris dans son sens apparent et littéral, entraînerait les conséquences les plus scandaleuses et les plus absurdes, puisqu'il semblerait en résulter que l'absent de retour, trouvant son conjoint remarié, pourrait, à son gré, ou tolérer le nouveau mariage ou en demander la nullité, sans même que la loi eût fixé aucun terme à la faculté qu'il aurait de se décider suivant ses

intérêts, ses passions ou son caprice. Il résulte, au contraire, de la discussion du conseil d'État que les rédacteurs du Code ont purément et simplement voulu maintenir les principes toujours incontestés dans l'ancien droit, et qui sont les suivants : 1° l'absence d'un des époux ne peut entraîner pour l'autre le droit de se remarier, tant qu'on n'a pas la preuve du décès de celui qui a disparu (V. à ce sujet l'avis du conseil d'État du 17 germinal an XIII, dont nous donnons le texte à la fin du Titre): 2o si le nouveau mariage a eu lieu par surprise, l'incertitude sur l'existence de l'absent s'oppose à ce que le mariage soit annulé. C'est la seconde proposition que le conseiller Thibaudeau a cru exprimer dans la rédaction bizarre et contournée de l'article 139, où l'époux qui avait disparu est supposé toujours absent, parce qu'il n'a plus qu'une existence occulte, dont les personnes intéressées n'ont pas le secret, et que dès lors il a seul en main l'exercice de l'action en nullité du mariage. Voyez à cet égard nos Observations sur Proudhon, t. I, p. 301 et suiv., que plus tard M. Demolombe a fortifiées de sa puissante autorité, t. II, no 264.

Un dernier chapitre de notre Titre (chap. 4) a pour but d'organiser des mesures provisoires relatives à la surveillance des enfants mineurs (de la personne qui a disparu), et ce pendant le temps qui s'écoule jusqu'à la déclaration d'absence (art. 141-143). Car dès que l'absence est déclarée, il faudra s'en référer aux règles générales établies dans le Code pour l'organisation de la tutelle des mineurs (art. 390 et suiv.).

TEXTES LÉGISLATIFS RELATIFS AU TITRE IV.

Loi du 11 ventose an II, relative aux scellés apposés après le décès des citoyens dont les défenseurs de la patrie sont héritiers.

Art. 1. Immédiatement après l'apposition des scellés sur les effets et papiers délaissés par les pères et mères des défenseurs de la patrie, et autres parents dont ils sont héritiers, le juge de paix qui les a apposés en avertira ces héritiers, s'il sait à quel corps ou armée ils sont attachés; il en instruira pareillement le ministre de la guerre, et le double de sa lettre sera copié à la suite de son procès-verbal, avant de le présenter à l'enregistrement, sans augmentation de droits.

Art. 2. Le délai d'un mois expiré, si l'héritier ne donne pas de ses nouvelles et n'envoie pas de procuration, l'agent national de la commune dans laquelle les père et mère seront décédés, convoquera sans frais, devant le juge de paix, la famille, et, à son défaut, les voisins et amis, à l'effet de nommer un curateur à l'absent.

Art. 3. Ce curateur provoquera la levée des scellés, assistera à leur reconnaissance, pourra faire procéder à l'inventaire et vente des meubles, en recevoir le prix, à la charge d'en rendre compte, soit au militaire absent, soit à son fondé de pouvoir.

Art. 4. Il administrera les immeubles en bon père de famille.

Loi du 16 fructidor an II (additionnelle à celle du 11 ventőse an II), relative aux scellés apposés sur les effets et papiers des parents des défenseurs de la patrie.

Art. 1. Les dispositions de la loi du 11 ventôse dernier, concernant les défenseurs de la patrie, sont communes aux officiers de santé et à tous autres citoyens attachés au service des armées de la république.

Art. 2. Lorsque les citoyens compris dans l'article premier et dans la loi précitée, se trouveront, soit en pays ennemi, soit au bivouac, n'ayant point de notaire pour recevoir leur procuration, ils pourront s'adresser au conseil d'administration du corps auquel ils appartiennent.

Art. 3. Cette procuration sera signée et certifiée par les membres du conseil; elle sera scellée du sceau de l'administration.

Art. 4. Le fondé de pouvoirs sera tenu de soumettre à la formalité de l'enregistrement l'acte de procuration qui lui aura été adressé, avant d'en faire usage, à peine de nullité.

Art. 5. Les procurations données antérieurement à la présente loi, dans la forme prescrite par les articles précédents, sont valables.

Avis du conseil d'État, du 12 germinal an XIII, appr. le 17, sur les preuves admissibles pour constater le décès des militaires.

Le conseil d'État, qui, sur le renvoi fait par Sa Majesté l'Empereur, a entendu le rapport de la section de législation sur celui du grand juge ministre de la justice, tendant à faire décider si, en l'absence de preuves positives du décès d'un militaire, on peut admettre, pour les remplacer, des présomptions résultant soit de témoignages vocaux, soit de l'absence prolongée pendant plusieurs années,

Est d'avis,

1° Qu'il y aurait, comme l'observe le grand juge lui-même, un extrême danger à admettre comme preuves de décès de simples actes de notoriété fournis après coup, et résultant le plus souvent de quelques témoignages achetés, ou arrachés à la faiblesse; qu'ainsi cette voie est impraticable;

2° Qu'à l'égard de l'absence, ses effets sont réglés par le Code civil en tout ce qui concerne les biens, mais qu'on ne peut aller au delà, ni déclarer le mariage de l'absent dissous après un certain nombre d'années; qu'à la vérité plusieurs femmes de militaires peuvent, à ce sujet, se trouver dans une position fâcheuse, mais que cette considération n'a point paru, lors de la discussion du Code civil, assez puissante pour les relever de l'obligation de rapporter une preuve légale, sans laquelle on exposerait la

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