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par la religion chrétienne. La polygamie, déjà repoussée autrefois par les peuples civilisés de l'Occident, a disparu partout où le christianisme s'est implanté; et le divorce, si largement concédé aux Israélites par Moïse (1), à cause de la dureté de leur cœur (2), a été ou rejeté (3), ou du moins environné de formes et de garanties, et nulle part, que nous sachions, il ne se réduit à une répudiation proprement dite, ni même à un simple accord de volontés ou consentement mutuel. Dans d'autres parties encore le droit ecclésiastique ou canonique a exercé une influence puissante sur les opinions, et par suite sur les lois des peuples chrétiens, en matière de mariage, sans en excepter les pays où, comme chez nous, on a posé en principe que le législateur ne voit dans le mariage qu'un contrat civil (4).

II. Avant le Code, la loi du 20 septembre 1792,

(1) « Moyses permisit libellum repudii scribere, et dimit» tere» (Évang. saint Marc, chap. x, 4; comp. Deuter.,

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(2) « Ad duritiam cordis vestri scripsit vobis præceptum » illud» (Ibid., 5). Les mêmes expressions se trouvent dans saint Mathieu, chap. xxv, 8.

(3) Le divorce est rejeté par la discipline générale des peuples catholiques, quoique la pratique en ait été tolérée chez certains d'entre eux, pour le cas d'adultère de la femme. V. Pothier, Traité du contrat de mariage, no 497.

.

(4) Constitution du 3 septembre 1791, tit. II, art. 7 a La > loi ne considère le mariage que comme contrat civil. » V. M. Laferrière, Histoire des principes, etc., de la Révolution française, etc., p. 216 et suiv.

voulant, d'après ce principe, organiser pour tous les Français, sans distinction de culte, les actes de l'état civil, traitait dans son Titre IV non-seulement des formalités, mais encore des qualités et conditions requises pour le mariage. Cette loi a servi de point de départ et de modèle aux rédacteurs du Code; seulement ils ont tempéré sur plusieurs points la hardiesse des innovations révolutionnaires et se sont rejetés du côté de l'ancienne doctrine, mélange du droit canonique et du droit des ordonnances. C'est ce qui a eu lieu notamment pour les empêchements au mariage, pour le droit d'autorisation et celui d'opposition, et enfin pour les nullités.

III. Les quatre premiers chapitres de notre Titre traitent de tout ce qui concerne la manière de contracter mariage, conditions requises, formalités, droits des tiers à former opposition et demandes en nullité. Deux autres chapitres (5 et 6) s'occupent des effets d'un mariage valable, ou du moins contracté de bonne foi. Enfin deux articles, dont chacun forme un chapitre (7 et 8), indiquent l'un (art. 227) comment se dissout le mariage (ce qui n'a plus lieu aujourd'hui que par la mort de l'un des époux), et l'autre (art. 228), après quel délai la femme, dont le mariage est dissous, peut en contracter un nouveau.

IV. Des qualités et conditions requises pour pouvoir contracter mariage (chap. Ier). Tout au début du Titre, on indique comme qualités que doivent avoir les futurs époux :

4° L'âge de dix-huit ou de quinze ans, suivant le

sexe, et sauf encore les dispenses d'âge qui peuvent être accordées par l'Empereur, pour des motifs graves (V. art. 144, 145, et ci-dessous l'arrêté du gouvernement du 20 prairial an XI, art. 1, 2 et 5).

2o La liberté quant au lien, c'est-à-dire que le futur époux ne soit pas engagé dans un précédent mariage (art. 147; aj., relativement à la femme, l'art. 228).

3° Qu'il n'y ait point entre les conjoints parenté ou alliance, soit en ligne directe à l'infini (sans distinction entre la descendance légitime et naturelle), soit en ligne collatérale dans les limites et avec les distinctions indiquées par les articles 462, 163 et 164 (1). On peut rattacher ici les empêchements de mariage qui résultent de l'adoption (art. 348).

Ce sont bien là des qualités qui doivent exister chez les futurs époux, considérés soit isolément, soit l'un par rapport à l'autre, et on les résume en disant qu'elles consistent dans l'âge compétent, l'absence d'un premier lien, enfin la non-existence de la parenté ou de l'alliance dans les termes de la loi.

V. On considère plutôt comme condition du mariage, dans le sens de la rubrique de notre chapitre, l'au

(1) Comp., au sujet de l'art. 163, la décision impériale du 7 mai 1808, souvent citée et invoquée, mais qui paraît être irrégulière en la forme (V. Aubry et Rau, trad. de Zachariæ, t. III, p. 289, et M. Demolombe, t. III, n° 105).-V. aussi, quant aux dispenses que le gouvernement peut accorder, pour des causes graves, dans certains cas de parenté ou d'alliance (art. 164), l'arrêté du 20 prairial an XI, art. 1, 2 et 5. Nous donnons à la fin du Titre le texte de ces actes.

torisation des parents, exigée pour les enfants qui n'ont pas atteint leur majorité, et même pour les fils qui, n'ayant pas vingt-cinq ans accomplis, ont encore un ou plusieurs ascendants capables de manifester leur volonté, le tout en suivant l'ordre hiérarchique et les autres règles prescrites par les art. 148, 149 et 150 (1). Enfin, lors même que les enfants ont atteint l'âge où ils peuvent contracter mariage sans autorisation, la loi leur impose encore l'obligation de demander, par un acte respectueux et formel, le conseil de leurs père et mère, ou celui de leurs aïeuls et aïeules, une ou plusieurs fois, suivant le sexe et l'âge, dans les formes et en observant les délais prescrits par les art. 151 à 155. Ces dispositions, en ce qui concerne les père et mère, sont applicables aux enfants naturels légalement reconnus. Ceux-ci ne peuvent dépendre de leurs autres ascendants par rapport au mariage, car la reconnaissance du père et de la mère n'établit pas de relation civile entre l'enfant reconnu et les ascendants supérieurs (art. 158; comp. art. 756 in fine).

Les mineurs de vingt et un ans, qui sont enfants légitimes, ne peuvent, à défaut d'ascendants, contracter mariage qu'avec le consentement de leur conseil de famille (art. 160; comp. art. 407 à 416); et s'il s'agit d'un enfant naturel non reconnu, ou qui, après la reconnaissance, a perdu ses père et mère (ou celui des deux qui l'a reconnu), il doit être autorisé par un

(1) V. à ce sujet Proudhon, t. I, p. 397 et suiv.; aj. M. Demolombe, t. III, no 34 et suiv., notamment les no 48-50.

tuteur ad hoc, c'est-à-dire nommé uniquement pour cette affaire. Il en est de même, comme dans tous les cas analogues, si les père et mère sont dans l'impossibilité de manifester leur volonté (art. 159). Le tuteur ad hoc devra être nommé comme le sont les tuteurs ordinaires de l'enfant naturel, par un conseil d'amis ou de voisins (comp. art. 409) (1). M. Demolombe (2) remarque avec raison que probablement « on a voulu, >> par cette délégation spéciale à une seule personne, >> augmenter, en faveur de cet enfant délaissé, la ga>> rantie d'un examen sérieux et d'une détermination >> réfléchie. >>

VI. La sanction des dispositions qui précèdent, soit quant au consentement des ascendants ou de la famille, et à la mention de ce consentement dans l'acte de mariage, soit relativement à l'obligation de faire les actes respectueux, cette sanction, disons-nous, est établie au moyen d'une pénalité qui atteint les officiers de l'état civil contrevenants (V. C. Nap., art. 156 et 157, et C. pén., art. 193 et 195); ce dernier article, du reste, maintient expressément les dispositions de notre Titre. Il faut convenir néanmoins que la combinaison de tous ces textes présente quelque chose d'incertain et d'embarrassé.

On ajoutera ici l'avis du conseil d'État du 27 messidor an XIII (approuvé le 4 thermidor suivant), qui règle le moyen de passer outre au mariage, lorsque les

(1) V. la note a, no 1, p. 399 du t. I de Proudhon. (2) T. III, n° 89.

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