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une sorte de domicile de faveur, s'établissant, d'après l'article 74, par six mois de résidence ou d'habitation continue dans une commune. Et immédiatement l'article 167 déclare que « néanmoins, si le domicile ac>>tuel » (celui dont les parties veulent se prévaloir pour le mariage) « n'est établi que par six mois de >> résidence » (voilà le domicile exceptionnel et purement matrimonial de l'article 74), « les publications >> seront faites en outre à la municipalité du dernier >> domicile. >> Celui-ci n'est autre que le domicile réel ou ordinaire, n'ayant aucun caractère particulier ou exceptionnel; et, si on l'appelle ici dernier domicile, c'est par opposition au domicile résultant de la résidence actuelle, dont l'article s'occupe principalement.

Tout cela revient à dire : On peut d'abord se marier au lieu du domicile réel ou proprement dit, que la résidence y ait été de longue ou de courte durée, peu importe (1); on peut aussi se marier au lieu de la simple résidence de six mois, conformément à l'article 74, lequel renferme une concession, une faveur, une facilité pour le mariage, et nullement une exclusion des droits attachés au domicile véritable. Seulement, si le mariage est célébré à ce domicile exceptionnel, les publications devront être faites, et au lieu de cette résidence prolongée dont on veut se prévaloir, et, de plus, au domicile proprement dit, où le futur époux a son principal établissement.

(1) Ce domicile peut n'être point du tout équivoque; supposez, par exemple, qu'il s'agit d'un fonctionnaire inamovible.

En définitive, et après de mûres réflexions, nous n'admettrions pas aujourd'hui que la réciproque eût lieu en ce qui concerne les publications, c'est-à-dire que la personne qui se marie à son domicile réel, où elle n'habite pas depuis six mois, soit tenue de faire des publications dans la commune où elle a eu, pour la dernière fois, les six mois d'habitation continue. Ceci a bien été affirmé par M. Tronchet, au conseil d'État (à la séance du 14 vend. an X).(1); mais on ne le trouve prescrit dans aucun texte du Code. Et quant au décret d'ordre du jour du 22 germinal an II, dont nous donnons le texte à la suite de ce Titre (non comme loi en vigueur, mais comme simple document), il a moins d'importance que nous ne l'avions cru d'abord car il a été rendu sous l'empire d'une législation qui, en matière de mariage, fait abstraction du domicile proprement dit, et ne s'attache qu'à l'habitation. Aussi le sens de l'ordre du jour paraît-il être qu'on peut se marier dans un lieu, dès qu'on y a sa résidence, quelque courte qu'elle soit, parce qu'on y a un vrai domicile matrimonial commencé; mais à la charge que les publications des promesses de mariage seront faites au lieu de l'ancienne habitation de six mois. Or personne n'oserait présenter cette doctrine comme admissible sous l'empire du Codę. Ainsi, nous rectifierons en ce sens nos Observations sur Proudhon, t. I, p. 383 et suiv.

(1) V. les explications données là-dessus au conseil d'État, dans Proudhon, t. I, p. 386.

Contre l'opinion qui permet le mariage au lieu du domicile réel, avec ou sans publications à la dernière résidence de six mois, on a allégué l'avis du conseil d'État, du 2o jour complémentaire an XIII, appr. le 4e jour, et dont nous donnons aussi le texte à la fin du Titre. Cet acte fournit sans doute une objection de quelque valeur, en ce qu'il n'indique point, parmi les localités de France où les militaires peuvent se marier, la commune où les futures épouses ont leur domicile, mais seulement le lieu où « elles ont acquis le domi>> cile fixé par l'article 74 du Code civil. » Cet argument de texte n'est pourtant pas décisif, car notre question n'a réellement pas été soumise au conseil d'État. Il la suppose résolue, cela est vrai; mais il ne se préoccupe pas du soin de la résoudre. En réalité, la seule question en litige était celle de savoir si les militaires qui se mariaient en France étaient soumis au droit commun, quant à la compétence de l'officier de l'état civil.

On peut étudier les diverses interprétations présentées relativement au domicile matrimonial, dans le savant ouvrage de M. Demolombe (t. III, no 196-203).

IX. Les articles 168 et 169 complètent ce qui a trait aux publications qui précèdent le mariage.

Le premier (art. 468) prescrit de faire, en outre, les publications à la municipalité du domicile de ceux sous la puissance desquels se trouvent les parties contractantes ou l'une d'elles (1). Le second (art. 169)

(1) Comp. l'art. 69, relatif au cas où les publications ont été faites dans plusieurs communes.

traite de la dispense de la seconde publication, dispense qui peut être accordée non-seulement par le chef de l'Etat, mais aussi par les officiers qu'il prépose à cet effet (comp. art. 145 et 164; aj. l'arrêté déjà cité du 20 prairial an XI, art. 3 et 4).

X. Restent, pour terminer notre chapitre 2, les articles 170 et 171, qui traitent des mariages contractés en pays étranger, non devant les agents diplomatiques et les consuls, conformément aux lois françaises (V. article 48), mais suivant la loi du pays étranger et dans les formes usitées dans ce pays. Le cas était déjà prévu et réglé dans le sens de la validité du mariage par l'article 47, dont la disposition embrasse tous les actes de l'état civil; et ceci même n'est encore, nous le savons, qu'une application partielle de la règle du droit des gens européen, exprimée par le brocard Locus regit actum. Cette règle domine d'ailleurs toutes les matières du Code. Comme la portée en est des plus étendues, peu importe la nationalité des personnes auxquelles on l'applique. Ainsi, par exemple, en ce qui regarde les formes suivies en pays étranger pour un acte de l'état civil, et notamment pour un mariage, peu importe que l'acte concerne des Français seulement, ou un Français et une étrangère ou vice versa. C'est ce qu'on trouve déjà exprimé dans l'article 47, et ce que répète l'art. 170 (opp. l'article 48).

Mais, si la loi du pays étranger règle toutes les formes du mariage, le Français qui se marie à l'étranger n'en reste pas moins soumis aux lois françaises pour son état et sa capacité (V. art. 3 in fine), et, par con

séquent, il doit se conformer aux dispositions du chapitre précédent (V. notre art. 170), sur l'âge compétent, sur les empêchements résultant d'un mariage antérieur, ou de la parenté et de l'alliance, sur les autorisations à obtenir ou les actes respectueux à faire, etc. Et la violation de ces dispositions aurait les mêmes résultats que pour les mariages contractés en France, c'est-à-dire que la nullité du mariage pourrait en résulter, suivant les règles et avec les distinctions contenues dans le chapitre 4 (Des demandes en nullité de mariage).

La seule formalité prescrite en France par l'article 470, pour la régularité des mariages contractés à l'étranger et dans les formes étrangères, c'est que les publications aient été faites comme elles sont « prescrites par l'article 63, au titre Des actes de l'état civil, » c'est-à-dire en France, au domicile du Français (art. 166), et, en outre, s'il y a lieu, dans les autres communes indiquées par les articles 167 et 168; car ces trois dispositions règlent formellement la manière d'appliquer l'article 63. Les publications du mariage qui a lieu à l'étranger remplacent en France, jusqu'à un certain point, la publicité de la célébration. Aussi, d'après l'interprétation la plus ordinaire et la pratique des tribunaux, la violation de cette partie de l'article 170 peut être, suivant les circonstances, une cause de nullité du mariage (comp. art. 165 et 193) (1).

L'article 171 contient une mesure d'ordre et de ré

(1) V. à ce sujet nos Observations sur Proudhon, t. I, p. 411.

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