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III. C'est encore une étude assez ardue que celle du conflit des lois françaises et étrangères ou de l'application à faire aux étrangers, soit des lois de leur pays, soit des lois françaises, selon les cas. Le Code déclare d'abord nos lois de police et de sûreté applicables à tous ceux qui habitent le territoire (ou plutôt qui s'y trouvent, ne fût-ce qu'en passant), et cela sans s'inquiéter de leur nationalité (art. 3). Il décide également que la loi française régira les immeubles « même » possédés par des étrangers » (même article); en conséquence, les étrangers seront gouvernés par nos lois pour tout ce qui a trait à la condition de la propriété immobilière en France, la nature des charges qui peuvent la grever, et même, jusqu'à un certain point, la manière dont s'en opère la transmission ou dévolution (1). L'ensemble des règlements légaux sur ces objets forme ce qu'on appelle communément statut réel, c'est-à-dire statut (statutum, lex) ayant trait aux immeubles (res immobiles ou res soli) (2).

En outre, on déclare (même art. 3) que les Français, même résidant en pays étranger, continuent à y être soumis aux lois françaises qui régissent leurs relations de famille (leur état) et leurs aptitudes à disposer, acquérir et, en général, à figurer dans les

(1) C'est ce qui a surtout lieu, suivant l'opinion générale, pour les successions légitimes.

(2) Les immeubles sont, dans ce langage, les choses par excellence, celles de l'ordre le plus éminent. (Comp. l'art. 59 du C. de proc. civ., où matière réelle signifie matière immobilière.)

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actes civils (leur capacité). La partie de la législation dont l'objet direct et principal est de régir l'état et la capacité de la personne, est ce qu'on appelle souvent statut personnel (statutum personale ou quod ad personam respicit), par opposition au statut réel.

Et, par corrélation naturelle avec ce que l'article 3 dit des Français, il est admis sans difficulté que, en règle générale et sauf les dérogations que la nécessité des choses peut exiger, soit pour la sûreté des nationaux en France, soit pour le maintien de quelque principe d'ordre public, il faudra faire aux étrangers l'application de leurs propres lois en ce qui concerne leur état et leur capacité (1).

IV. Deux articles du Titre (4 et 5) sont ensuite consacrés à établir quelques règles sur les devoirs généraux des juges.

On leur enjoint d'abord (art. 4) de statuer sur les causes qui leur sont soumises, ne fût-ce que pour déclarer leur incompétence, si elle existe. Lorsqu'ils sont compétents, ils doivent donner leur décision au fond. Ils ne peuvent refuser de juger, soit les questions préliminaires ou incidentes, soit les questions du fond,

(1) V. nos observations sur Proudhon, t. I, p. 83 et suiv. De grands développements sont donnés à cette matière, comme à tout ce qui concerne les étrangers, dans le Traité de droit international privé, par Fœlix, revu et augmenté par M. Demangeat. V. notamment, quant au statut personnel, t. I, no 33 et suiv. Le statut réel y est traité plus loin, nos 56 et suiv. Ajoutez la dissertation de M. Demangeat sur le statut personnel (Revue pratique du droit français, t. I, p. 49 et suiv.).

quelles que soient ou paraissent être les défectuosités de la loi (silence, obscurité ou insuffisance); leur devoir est de donner sur chaque affaire une solution quelconque, en interprétant la loi dans le sens le plus plausible, eu égard aux textes spéciaux, à l'ensemble de la législation et aux règles de la raison et de l'équité (comp. Code pén., art. 185).

D'un autre côté, on interdit aux juges (art. 5) de faire des règlements généraux, leur mission n'étant que d'appliquer le droit à chaque litige, pris à part et isolément. Voyez, sur l'interprétation réglementaire ou officielle des lois, le tableau que nous avons présenté des divers systèmes établis et organisés en France depuis la Révolution de 1789. T. Ier de Proudhon, p. 101 et suiv.

V. Le dernier article (art. 6) de ce Titre préliminaire est le seul, à vrai dire, qui rentre tout entier dans le cadre d'un Code civil ou Code des droits civils ou privés. « On ne peut déroger, dit-il, par des conven>>tions particulières (ajoutez par les dispositions de » l'homme quelles qu'elles soient) aux lois qui inté» ressent l'ordre public et les bonnes mœurs. » Ce caractère ressortira ou du texte formel de certaines lois ou de leur esprit, tel qu'il sera reconnu et apprécié par les magistrats, en cela interprètes et gardiens de l'ordre public et des mœurs (comp. art. 686, 900, 1131, 1133, 1387 et suiv., 1833, etc.).

TEXTES LÉGISLATIFS RELATIFS AUX MATIÈRES

DU TITRE PRÉLIMINAIRE.

Constitution du 14 janvier 1852, article 10 (comp. le sénatus-consulte du 7 novembre même année, art. 7).

« Il (l'Empereur) sanctionne et promulgue les lois » et les sénatus-consultes. >>

Ordonnance du 27 novembre 1846, concernant
la promulgation des lois et ordonnances:

Art. 1. A l'avenir, la promulgation des lois et de nos ordonnances résultera de leur insertion au bulletin officiel.

Art. 2. Elle sera réputée connue, conformément à l'article du Code civil, un jour après que le Bulletin des lois aura été reçu de l'imprimerie royale par notre chancelier ministre de la justice, lequel constatera sur un registre l'époque de la réception.

Art. 3. Les lois et ordonnances seront exécutoires, dans chacun des autres départements du royaume, après l'expiration du même délai augmenté d'autant de jours qu'il y aura de fois dix myriamètres (environ vingt lieues anciennes) entre la ville où la promulgation en aura été faite et le chef-lieu de chaque département, suivant le tableau annexé à l'arrêté du 25 thermidor an XI ou 13 juillet 4803.

Art. 4. Néanmoins, dans les cas et les lieux où nous jugerons convenable de hâter l'exécution, les lois et ordonnances seront censées publiées et seront

exécutoires du jour qu'elles seront parvenues au préfet, qui en constatera la réception sur un registre.

Ordonnance du 18 janvier 1817 additionnelle à
celle du 27 novembre 1816:

Art. 1. Dans les cas prévus par l'article 4 de notre ordonnance du 27 novembre 1816, où nous jugerons convenable de hâter l'exécution des lois et de nos ordonnances en les faisant parvenir extraordinairement sur les lieux, les préfets prendront incontinent un arrêté par lequel ils ordonneront que lesdites lois et ordonnances seront imprimées et affichées partout où besoin sera.

Art. 2. Lesdites lois et ordonnances seront exécutées à compter du jour de la publication faite dans la forme prescrite par l'article ci-dessus.

LIVRE PREMIER (DES PERSONNES).

TITRE PREMIER.

De la jouissance et de la privation des droits civils.

I. Le plan de ce Titre est fort simple, quelque difficulté qu'on y trouve dans certains détails. — Les droits civils ou privés, ceux dont on s'occupe dans le Code Napoléon (par opposition aux droits civiques ou politiques), appartiennent à tous les Français (art. 8), tandis que les droits politiques ne sont attribués

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