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par la même raison, la consécration nouvelle de la dynastie des Napoléons.

Ce n'était ni dans les naïves erreurs de M. Ollivier, ni même dans l'appréciation bien plus voisine de la vérité qu'on en faisait aux Tuileries, qu'il fallait chercher la signification vraie du vote du 8 mai. Ce que tous les électeurs qui avaient voté oui, avaient voulu exprimer avant tout, c'était cette pensée complexe, et précise cependant, qui se résumait ainsi : mission donnée à la dynastie napoléonienne de préserver le pays de la révolution et de la guerre. Sans doute, à côté de cette formule générale, un nombre considérable de votants oui avaient entendu affirmer une fois de plus leur attachement à la dynastie impériale; mais un nombre encore important d'électeurs faisaient, à l'espoir de l'ordre et de la paix, le sacrifice de leurs préférences dynastiques qui n'étaient pas l'Empire. Les garanties qu'on attendait du gouvernement parlementaire, du contrôle substitué au gouvernement personnel, avaient également été l'un des stimulants du vote. Quant à la personnalité de M. Ollivier, on peut dire qu'elle avait passé inaperçue au milieu de ces préoccupations d'un ordre bien autrement sérieux.

Après un pareil événement, la ligne de conduite à suivre pour le pouvoir, était nettement tracée: prendre en première considération la volonté du pays; tout faire pour lui assurer les bienfaits de l'ordre à l'intérieur et la paix avec les puissances de l'Europe. Ces deux buts étaient également faciles à atteindre. A l'intérieur, les partis monarchiques ju

geaient leurs espérances indéfiniment ajournées. Aucune menace n'était à craindre de leur côté. Les révolutionnaires désespéraient, eux aussi, à moins d'une circonstance absolument imprévue, de ruiner une puissance dynastique qui s'appuyait sur une si formidable manifestation. Les ennemis du dedans n'étaient donc plus à craindre.

En Europe, on voyait la tranquillité solidement assurée pour la France, et on renonçait à l'espoir de rencontrer chez elle, si on l'attaquait, l'auxiliaire de la révolution. La France libre et confiante, pouvait ainsi poursuivre la sage application de ses libertés nouvelles, et trouver, dans l'Empire parlementaire, la solution de ce problème qui peut seul assurer la stabilité des États: alliance judicieusement pondérée du principe d'autorité avec la liberté.

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CHAPITRE XXIII

LA QUESTION HOHENZOLLERN

Amoindrissement progressif de M. Ollivier.

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Impression

qu'on éprouve à la Cour. Le prince de Hohenzollern choisi pour le trône d'Espagne. · Effet de cette nouvelle. - Parti qu'espère en tirer M. Ollivier. L'obstacle à ses désirs. Le manifeste du 6 juillet. Situation qu'il fait aux Chambres. L'accueil qu'il reçoit au Corps Législatif. — Attitude de la presse et du pays. Renonciation du prince de Hohenzollern à la Couronne.— La solution du 12 juillet. Quelles exigences subit M. Ollivier. — Quel langage il devait tenir.

Pour l'homme politique qui a une valeur solide, et chez lequel les apparences peuvent manquer d'éclat, le temps est un auxiliaire; il est, au contraire, une cause de faiblesse croissante pour celui chez lequel la forme plutôt que le fond est le principal mérite. Insensiblement, tous les côtés vulnérables de M. Ollivier s'étaient mis en lumière. La plupart de ses amis, de ceux-là mêmes qui l'avaient porté aux affaires, renonçaient à soutenir une situation qu'ils

voyaient compromise sans ressource. Ils avaient eu si souvent à le défendre de ses fautes, à l'excuser de ses entraînements, à le justifier de ses contradictions qu'ils étaient à bout d'efforts et de dévoûment. Au Sénat, au Corps Législatif, le vide se faisait d'une façon si apparente autour de lui que l'illusion n'était plus permise. Le renversement du cabinet était pour tous une résolution arrêtée; toutefois, on reculait devant l'exécution.

Cette situation ne déplaisait pas aux Tuileries où elle était connue, et cependant, pas plus là qu'ailleurs, on ne se souciait de provoquer un dénouement. Dans les conversations familières, on convenait bien, à la Cour, que le ministère Ollivier était arrivé à ses dernières heures; mais on ne croyait pas à l'opportunité d'une crise; on n'avait pas encore sous la main un ministère prêt pour remplacer celui qui aurait été renversé; il n'y avait d'ailleurs, croyaiton, aucun péril dans un ajournement, el l'ajournement était le mot d'ordre qu'on confiait discrètement aux fidèles.

On devait en effet beaucoup hésiter à la Cour, sı nécessaire que cela fût devenu, à se séparer d'un ministre qui était insensiblement arrivé du puritanisme républicain et de l'austérité parlementaire à la complaisance prévenante des plus beaux jours ministériels du gouvernement personnel.

Pour M. Ollivier cependant, cette double tolérance, dont il se rendait compte, ne pouvait être une raison de sécurité suffisante, et il était aux aguets d'une occasion qui pût lui permettre de se fortifier de l'un

ou l'autre des deux côtés où l'appui pouvait suffire à soutenir son existence : la Cour ou le Corps Législatif.

Il crut, un jour, que la fortune avait été assez généreuse envers lui pour lui envoyer en même temps le moyen de retrouver et son crédit à la Cour et son influence à la Chambre, plus que cela encore, de reconquérir son autorité sur le pays, qu'il avait absolument perdue, et la faveur de la presse qui s'était éloignée de lui. Comment, pour un esprit si pénétré de ses propres intérêts, résister à de semblables tentations! Il n'y eut effectivement, dans l'esprit de M. Ollivier, aucune velléité de résistance le jour où s'offrit à lui la question Hohenzollern. Loin de découvrir, dans cette entreprise audacieuse de la Prusse, la complication terrible à laquelle elle pouvait aboutir, ou plutôt sans s'y arrêter, il ne voulut y voir que cette occasion qu'il cherchait avec avidité de ressaisir sa situation perdue.

L'un des constants objectifs de M. Ollivier, c'était de rendre saisissant le contraste, glorieux pour lui, qui existait, à ses yeux, entre sa politique libérale, hardie, généreuse, confiante dans le pays, et cette politique réactionnaire, étroite, égoïste, timorée, que caractérisait pour lui le ministère de M. Rouher. L'humiliation de Sadowa, acceptée par l'ancien ministre d'État comme une combinaison sans désavantage pour la France, doublait, pour le garde des sceaux, le mérite de la ferme attitude qu'il allait prendre. C'était, pour lui, triompher de deux ennemis à la fois. Tout, dans les proportions qu'on pou

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