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pas plus notre bonheur dans les hommes nos femblables, que dans nous-mêmes. "Car comment pourroient- ils nous donner ce qu'ils n'ont pas, nous rendre heureux ne l'étant pas eux-mêmes, & nous délivrer de miféres auxquelles ils font affujettis comme nous. L'une de ces miféres, eft la mutabilité & l'inftabilité inféparables de cette vie. Tout varie & tout change en nous-mêmes& dans les hommes avec qui nous vivons dans le corps & dans l'ame, dans les fentimens, dans les affections, dans les amitiés & les liaisons extérieures.

Il faut donc que le bien fouverain qui doit nous rendre heureux,foit lui-même immua ble, incapable de changement & d'altéra tion, toujours le même, & tellement fixe dans les perfections, qu'il ne puiffe ni en acquérir ni en perdre aucune. Il n'y a que la poffeffion d'un tel bien qui puiffe rendre notre bonheur ferme, invariable & inamiffible. Il faut de plus que ce bien foit fi fupérieur à nous, fi plein, fi parfait, qu'il puiffe nous raffafier de fon abondance, remplir tour le vuide de nos cœurs, fatisfaire tous nos vœux en fe les réuniffant, & ne nous laiffer plus rien à défirer ni à chercher, en nous failant trouver en lui-même, tout ce que nous pouvions légitimement défirer, & même beaucoup au-delà. Enfin il faut que ce bien foit à notre portée: praftò effe nobis debet optimum noftrum; que nous puiflions y afpirer, &

avoir une jufte confiance d'en acquérir la poffeffion, fans quoi nos recherches feroient vaines; & plus nous en concevrions une haute idée, plus l'impuiffance de nous le procurer nous rendroit malheureux.

Vous comprenez fans peine, M.T. C. F. que ces caractéres du fouverain bien ne conviennent qu'à Dieu, & qu'ils ne peuvent fe trouver ailleurs. C'est donc en Dieu feu', que l'homme doit chercher fon bonheur, la félicité, fa béatitude: c'eft pour cela que la vie préfente lui eft donnée; & c'eft à quoi il doit l'employer toute entiére.

Mais il s'agit après cela de fçavoir quelle route il faut tenir & de quelle manière il faut vivre pour obtenir la béatitude dont Dieu feul eft la fource. L'ame ne peut être bienheureuse, fi elle n'eft bonne dès maintenant, & perfonne ne doute que ce ne foit la vertu qui rend l'ame bonne & très bonne. Nemo dubitaverit quin virtus animam faciat optimam. (Cap. 6.) Mais d'où viendra à l'homme cette vertu? Ce ne fera pas de luimême, puifqu'il en eft dépourvû, comme il n'eft que trop certain. Ce ne fera pas des autres hommes, qui peuvent bien lui donner des leçons & des éxemples de vertu, mais non pas la vertu même, non plus que le fouverain bien où elle conduit. Il ne refte donc que Dieu, dont il doit attendre l'une & l'autre.Si nous le fuivons par une fidéle obéiffance, nous vivrons bien; & fi nous parve

nons à fa poffeffion, notre vie fera nonfeulement bonne, mais bienheureufe. Quem fi fequimur, benè; fi affequimur, non tantùm benè, fed etiam beatè vivimus.

Le S. Docteur déclare en cet endroit, que s'il y a des hommes qui nient l'éxistence de Dieu, ou fa Providence fur les chofes humaines, il ne penfe pas ici à les en convaincre, & qu'il ne fait même s'il faut raifonner avec eux; car de tels hommes ne peuvent tenir à aucune forte de Religion. Cum quibus utrùm omninò fermocinandum fit, nefcio. (Cap. 7.)

Mais, dit-il, en parlant à ceux qui font convaincus de ces deux vérités effentielles, comment pouvons-nous fuivre un Dieu que nous ne voyons pas ? L'ame a les yeux, il eft vrai; mais lorfqu'elle eft couverte du nuage de l'ignorance, comment pourra-t'elle recevoir cette lumiére, ou même faire effort pour en foutenir l'éclat ? Il faut donc recourir aux préceptes de ceux que nous avons lieu de regarder comme fages, & éclairés de la lumiére divine, c'est-à-dire, aux Auteurs facrés & à leurs livres.

(Cap. 8.) Que perfonne donc ne me demande plus mon fentiment fur la régle des mœurs; mais écoutons tous les oracles de la vérité, & foumettons nos foibles raifonnemens à la parole divine. Voyons de quelle maniére le Seigneur dans l'Evangile nous ordonne de vivre, & quelle fin il nous pref

crit pour parvenir au véritable bonheur; car il n'eft pas doureux que ce ne foit à cette fin que nous devons tendre par un amour fouverain. Vous aimerez, dit-il, le Seigneur votre Dieu. Mais dites moi, je vous prie, dans quelle mefure je dois l'aimer; car je crains de l'aimer plus ou moins qu'il ne faut. Vous l'aimerez, dit-il, de tout votre cœur. Ce n'est pas aflez. Vous l'aimerez de toute votre ame. Cela ne fuffit pas encore. Vous l'aimerez de tout votre efprit. Que voulez-vous davantage ? Je voudrois l'aimer encore plus, fi je voyois que cela fût poffible. Nous venons d'entendre ce que nous devons aimer, & combien nous devons l'aimer. C'est-là qu'il faut abfolument tendre. Dieu eft pour nous le fouverain bien & la réunion de tous les biens. Nous ne devons ninous arrêter au-deffous, ni chercher quelque chofe au-delà. Car il n'y a rien au-delà de Dieu, & tout ce qui eft au-deffous, ne fauroit jamais faire notre bonheur.

(Cap. 9.) Saint Augustin écrivant contre les Manichéens qui rejettoient les Livres de l'Ancien Teftament, & qui prétendoient que ceux du Nouveau avoient été corrompus, lorfqu'ils fe trouvoient fans réponse aux textes qu'on leur en oppofoit, obferve ici, que les paroles de Jefus-Chrift qui viennent d'être rapportées, fe trouvent précisément les mêmes dans le Deutéronome; & par-là, comme par divers autres endroits, il prouve le concert & l'accord des anciennes

Ecritures

Ecritures avec les nouvelles, comme dictées par le même Efprit.

Il s'élève encore avec force dans ce même. livre, contre ces hérétiques qui ofoient nier la vérité des Ecritures, & qui prétendoient en particulier, que c'est fauffement que l'Evangile fait dire à Jefus - Chrift (Matth. 32.) que toute la Loi& les Prophètes" fe réduifent aux deux Commandemens de l'amour de Dieu & du prochain. » Quel facris lége, dit-il, plus impie ? Quelle parole plus impudente que celle-là? Quoi de plus audacieux & de plus fcélérat? Quid auda-»cius, quid fceleratius Les adorateurs des

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Idoles qui haïffent le nom même de J. C. » n'ont jamais ofé parler ainfi contre nos Ecritures. De-là s'enfuivroitla ruine de » toutes les Lettres, de toutes les Sciences » & l'abolition de tous les livres qui ont été » laifiés à la mémoire des hommes, & il n'ent » faudroit plus faire mention, fi des faits "fortifiés par une fi religieufe croyance des peuples, & affermis par le confentement de tant d'hommes & de tant d'années, "étoient tellement révoqués en doute, qu'on » ne leur accordât pas même l'autorité & ia "croyance qu'on ne refufe pas à une Hiftoi »re ordinaire. En un mot, quel témoi »gnage un impie peut-il produire de quelque livre que ce foit, contre lequel je ne puiffe dire ce qu'il dit lui-même contre "nos Ecritures, fi ce qu'il en produit ne

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