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tre au-deffus des vains prétextes que la crainte de manquer eux-mêmes, ou plutôt que l'avarice & l'attachement aux biens de la terre leur infpire. Tout le monde fçait que l'année a été ftérile en grains, que le pain eft cher, & qu'il peut le devenir encore davantage, malgré les fages précautions qu'on prend pour prévenir ce malheur, & pour em. pêcher que l'avidité des marchands né s'enrichifle de la mifére & du fang des pauvres. Mais la reffource la plus affurée des pauvres, eft dans le tréfor de la divine providence ; & les riches doivent regarder comme une grace que Dieu leur fait, de vouloir bien qu'ils foient les inftrumens & les canaux des fecours qu'il prépare aux pauvres qui espérent en lui. J. C. changea l'eau en vin aux nôces de Cana. C'est à vous à changer une partie du vin que Dieu vous a don né, en pain pour les pauvres qui en manquent, ou qui en manqueront bientôt. Vous pouvez opérer ce changement par le pur mouvement de votre charité; & vous le devez en reconnoiffance d'une vendange qui a furpaffé nos efpérances. Nous avons effuyé récemment des années plus ou moins fâcheufes, dans lefquelles les œuvres publiques de charité, les Hopitaux, l'Aumône géné

rale, & celle des Paroiffes, fe font foutenues par le fecours de vos aumônes, & par la bonne & vigilante adminiftration de ces maisons & de ces œuvres. Nous avons fait nos efforts pour y contribuer, & nous les redoublerons, s'il est nécessaire. Si nous vous en parlons, c'est afin que vous en rendiez au Seigneur vos actions de graces, & pour exciter parmi vous une fainte émulation qui vous y faffe prendre part felon vos forces. C'eft pour réveiller votre charité, & pour vous avertir dans ce tems de pénitence, que la miféricorde que vous attendez du Seigneur, dépend de celle que vous ferez aux pauvres; & qu'il aura pitié de vous, fi vous ne refufez pas d'avoir pitié d'eux & de les affifter dans leurs befoins.

Autre mi

Il y a une autre espéce de miféricorde XLIV. qui ne convient pas moins au Carême,féricorde, & dont les pauvres même ne font pas qui confifte à pardondifpenfés, parce qu'elle eft en leur pou-ner.

voir, comme en celui des riches. » Sur » toutes chofes,Mes freres, difoit S. Au- s. Aug. gustin, jeûnez & abftenez-vous deferm. 205. » procès, & évitez la divifion & la dif

دو

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» corde; à litibus & difcordià jejunate. Nous favons qu'il y a des procès inévitables, juftes, néceffaires, & qu'il est permis de foutenir, en confervant dans

S. Leo,

le cœur la charité & la paix. Mais com
bien d'autres que la paffion fait naître,
que l'entêtement pourfuit, & que l'a-
mour de la paix préviendroit, ou au
moins éteindroit bientôt s'il étoit dans
le cœur ? Et quelles playes ces guerres
particuliéres, ne font elles
pas fouvent
des deux côtés, à la charité fraternelle ?
Quelles femences d'averfion & de haine
ne laiffent-elles pas dans les familles, &
ne tranfmettent-elles pas des peres aux
petits enfans? » Entrez donc, dit S.

Leon, dans ces faints jours du Carêferm. 4. de, me avec une pieufe dévotion; & préQuadrag. "parez-vous par des œuvres de misé

S. Aug.

ferm.210.

ricorde, à obtenir vous-même la mi» féricorde de Dieu. Eteignez en vous » le feu de la colére; évitez tout ce qui "peut vous infpirer de la haine ; aimez » l'unité, & prévenez-vous les uns les » autres, en vous honorant réciproque»ment par une humilité fincére; faites » ceffer la vengeance; pardonnez les offenfes; que la rigeur fe change en dou» ceur, l'indigation en bénignité, la difcorde en amour de la paix. Que » tous nous trouvent modeftes, faciles à appaifer, bienfaifans, afin que nos jeunes foient agréables à Dieu.

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S. Auguftin avoit dit dans le même efprit : Montrons dans une ame

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humble & qui fe calme aifément, une mifericordieufe facilité à pardonner. » Que celui qui a fait injure, en deman» de pardon; & que celui qui l'a recûe, accorde ce pardon; afin que nous ne » tombions point dans la puiffance de Satan, pour qui la difcorde des Chré»tiens eft un triomphe. C'eft-là une » aumône d'un grand profit pour nous. » Car fi nous remettons à notre confer» viteur la dette dont il eft chargé envers nous, c'eft afin que le Seigneur »notre commun maître nous remette » auffi ce que nous lui devons... Dans cette efpéce d'œuvre de miféricorde, il n'y a point d'excufe, parce que tout le pouvoir de la faire eft renfermé dans la feule volonté. »

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Ne négligez pas, M. T. C. F. des inftructions & des avis fi falutaires. Les myftéres de la Paffion & de la Réfurrection de J. C. auxquels nous nous préparons par les exercices du Carême, nous rappellent le tems de la réconciliation des hommes avec Dieu

n'eft-il pas jufte que ce foit auffi le tems de la réconciliation des hommes entre eux? »J. C. eft notre paix : c'eft lui qui des Ephef. 1. deux peuples ennemis n'en a fait 14. 16. qu'un, & qui a rompu en fa chair at→ rachée à la croix, la muraille de fépa

«

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1

XLV.

qui doit

jeûner.

»ration, & l'inimitié qui les divifoit. » Il a fait mourir les inimitiés, en mou

rant lui-même fur la croix ; " interficiens inimicitias in femetipfo. Voulonsnous donc faire revivre ces inimitiés qu'il a tuées, & relever cette muraille de divifion qu'il a abattue? & fi nous avons eu ce malheur, qu'est-ce qui nous preffe davantage que de recourit à J. C. & de metre aux pieds de få croix, tous les fujets d'inimitié que nous pouvons avoir contre nos freres, afin qu'il foit lui même notre paix, & notre réconciliateur, & que fa charité fermé pour toujours les playes que la colére & la haine ont faites à nos ames.

H nous reste une réflexion effentielle Du motif à faire, M. T. C. F. fur l'intention & nous faire le motif qui nous fait agir dans le jeûne, & les autres bonnes œuvres qui fe montrent au-dehors. Puifque, felon S. Au guftin, tout le culte intérieur est renfermé dans l'amour de Dieu, il faut nécelfairement que tout ce qui eft extérieur foit rapporté à cet amour, comme à sa fin, à fa racine & à fon centre ; afin que du culte corporel & du culte fpirituel, de l'extérieur & de l'intérieur, il fe forme une feule & même Religion, qui réfidant dans le fond du cœur par cet amour, fe manifefte aux yeux des hom

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