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de quelques paysans ignorans, qui ne sauroient pas que Buoparte est loin d'être à portée de rassembler une armée de Turcs et de Noirs.

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La ville de Givet s'est rendue aux Prussiens, le 11 septembre, après un bombardement très-vif. Il ne reste plus à soumettre, le long de la Meuse, que la forteresse de Charlemont, qui ne peut tenir long-temps.

Strasbourg est tranquille depuis les événemens des 2 et 3 septembre, où les soldats ont forcé la ville de leur payer ce qui leur étoit dû de leur solde. Tous les officiers supérieurs ont fait une adresse au général Rapp sur ces événement qu'ils attribuent à la malveillance et à l'indiscipline toujours croissante des sous-officiers et des soldats. Cependant on doit dire qu'au milieu de ce mouvement, il ne s'est point commis d'excès. Le licenciement de cette armée s'est opéré avec beaucoup de calme. On s'attend que le blocus sera levé inces

samment.

On assure de nouveau que le traité de paix a été signé à Paris, le 27 août, et ratifié à Londres, le 1. septembre. L'intégrité du territoire françois y est reconnue d'après les bases du traité de 1814. 150,000 hommes de troupes alliées resteront en France jusqu'à l'entier paiement des contributions. Elles seront commandées, dit-on, par MM. les généraux Woronsof, pour les Russes; de Frimont, pour les Autrichiens, et de Tavensien, pour les Prussiens.

Une lettre du baron de Baden, gouverneur-général pour les Autrichiens à Dijon, informe le préfet de cette ville, qu'en vertu d'une convention conclue entre les deux gouvernemens, il ne peut plus être frappé de réquisitions pour l'équipement et l'habillement des troupes, et que les fournitures déjà demandées et non acquittées ne doivent point être achevées.

-Des ordres ont été donnés pour détruire les retranchemens et fortifications élevés cet été autour de Paris.

Plusieurs corps autrichiens traversent en ce moment le Mont-Céuis pour sortir de France.

Une lettre particulière annonce que Savary et Lallemand sont arrivés à Malte où ils sont gardés.

- On écrit de Parme, que le 30 août, à trois heures trois quarts, arriva, dans le plus grand incognito, S. M. la reine d'Etrurie (si-devant duchesse de Parme), avec le jeune

roi son fils et la princesse sa fille. S. M. se rendit au collége de Sainte-Ursule, où elle s'entretiat pendant une heure avec la princesse Antoinette de Bourbon, sa belle-sœur. Elle repartit à cinq heures dans la même matinée, et prit la route. de Rome.

NÉCROLOGIE.

Sous la persecution suscitée à l'Eglise par Buonaparte, mourut à Paris un ecclésiastique respectable, dont la mémoire est précieuse à beatcoup de gens de bien, et auquel on demande que nous payons un tribut d'éloges. Nous le faisons d'autant plus volontiers, que ce digne prêtre a été plus utile à la religion, et qu'on n'a pu proclamer ses services sous la dernière tyrannie.

Jean-Baptiste Bourdier-Delpuits, ancien Jésuite, étoit né en Auvergue vers 136. Il n'avoit pas fait ses derniers vœux lors de la proscription de la société en France, et par-là il échappa aux arrêts qui bannirent deux fois tous les profès. M. de Beaumont, qui l'estimoit, lai donna un canonicat dans la collégiale de Saint-Sauveur à Paris. Là, M. Delpuits se consacra à une des parties les plus utiles du ministère. Il donnoit des retraites, soit pour les ecclésiastiques, soit pour les laiques. Il en donnoit pour tous les états et pour tous les âges, mais spécialement pour la jeunesse dans différentes maisons d'éducation. Plusieurs personnes se rappellent encore l'avoir entendu dans ces retraites, où il montroit un talent tout particulier pour parler au cœur des jeunes gens, et pour les gagner à la religion. La révolution vint arracher M. Delpuits à des occupations qui lui étoient chères. Il perdit son bénéfice, essuya tour à tour un emprisonnement et l'exil, et eut une part abondante dans les tribulations réservées alors aux ministres de la religion Après la terreur, cet homme vénérable, affligé de l'abandon où étoit la jeunesse privée d'instruction, conçut le dessein d'une congregation à l'instar de celles qui existoient autrefois chez les Jésuites. Six jeunes élèves des écoles de droit et de médecine de Paris, auxquels il fit part de son dessein, furent le premier noyau de cette pieuse association. Ils furent bientôt suivis d'une centaine d'autres de toutes les coles, et ce nombre augmenta même encore depuis. On fut étonné de voir à une époque de licence et d'impiété, dans une capitale qui fournit tant de moyens de corruption, à un âge où la séduction a tant d'empire, des jeunes gens élevés dans les écoles les moins religieuses, ne point rougir de la religion, et en suivre franchement les préceptes; et ce qui est remarquable, c'est que ces jeunes gens étoient précisément ceux qui se distinguoient dans leurs études. A leur réunion se joignirent bientôt d'autres jeunes gens d'une naissance illustre et d'un rang distingué, qui oublioient la de vaines distinctions, et ne sembloient rivaliser que de zèle et de piété. M. Delpuits, au milieu d'eux, sembloit un patriarche au milieu de sa famille. Ses exhortations étoient toujours écoutées avec un recueillement religieux. Quel charme y étoit donc attaché? car il faut bien le dire. Son extérieur n'avoit rien de

fort imposant. Il n'avoit ni ces saillies, ni cette éloquence qui attache et qui captive, et ses discours rouloient sur un petit nombre d'idees assez communes exprimées sans art. Comment put-il done intéresser si vivement des jeunes gens plus scusibles en général aux grâces du discours? Mais ils portoient la des vues si pures qu'ils n'étoient frappés que de la clarté et de la solidité des avis de leur directeur, et qu'ils étoient touchés de son zèle, de sa tendresse pour eux, et du désir qu'il montroit de leur être utile. C'étoit sur sa vertu, comme sur Ja leur, qu'étoit fondé l'empire qu'il exerçoit sur eux. Dès qu'il se fut chargé de cette œuvre, il s'y livra tout entier. Ses momens étoient consacrés à ses enfans, qui, chaque jour, affluoient chez lui. Il les écoutoit avec bonté, et leur donnoit sur leur conscience, leurs affaires, leurs familles, les conseils de l'expérience et de l'amitié. Il les reprenoit de leurs fautes avec l'intérêt d'un père tendre. Il les assistoit dans leurs maladies, il les exhortoit à la mort, et il en est plusieurs qui sont morts saintement entre ses bras, ainsi que nous aurons occasion de le dire une autre fois. En septembre 1809, M. Delpuits eut un vif chagrin. Plusieurs de ses disciples furent arrêtés pour des correspon dances avec la cour de Rome. On les accusoit d'avoir fait circuler des brefs. Alors on interdit les réunions. Le bon prêtre annonça cết ordre en pleurant. Il ne vit plus ses enfans que séparément, et leur continua ainsi ses soins, tant qu'il le put. Mais peu après, son âge et ses infirmités achevèrent de priver ses enfans de ses exhortations. Sa tête s'affoiblit, et il dépérit successivement. Il mourut le 15 décembre 1811, jour de l'octave de la Conception, fête principale de sa congrégation. Ses obsèques furent honorées de la présence de ses fidèles disciples, qui se réunirent pour suivre son convoi, et qui traversérent ainsi tout Paris. On lui érigea un modeste tombeau avec cette inscription:

R. P. J. B. Delpuits, soc. Jesu presbyter, Den devotos ac deiparæ virgini innumeros, verbo et exemplo alumnos informavit.

Audite ergo, filii mei, patrem vestrum; servite Domino in veritate et inquirite ut faciatis quæ placita sunt illi.

foible

Comme écrivain, M. Delpuits n'a laissé qu'un Abrégé de la Vie des saints de Godescard, en 4 volumes. On a tiré soħ portrait, qui a été gravé. Mais le graveur, ne l'ayant pas connu, n'a rappelé que ment ses traits, qui revivent bien mieux dans la reconnoissance de ses nombreux élèves dispersés aujourd'hui pour toute la France. Ils sont restés fidèles à ses instructions, et leur conduite ferme dans le dernier orage de cette anuée est encore une suite de l'esprit qu'ils avoient puisé dans les entretiens de leur vénérable directeur.

N. B. Plusieurs abonnés ont réclamé la Table du second volume. Nous les prévenons que cette Table forme une feuille entière avec celle du premier; en conséquence, on n'a pas pu recevoir l'une sang l'autre, et dorénavant elles seront livrées avec le dernier numéro de chaque volume.

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HISTOIRE de l'ambassade dans le grand duché de
Varsovie, en 1812; par M. de Pradt.

SECOND ARTICLE.

Le but principal de l'auteur de cette histoire, paroît être d'avoir voulu faire connoître Buonaparte, d'expliquer ce phénomène extraordinaire qui a étonné et effrayé l'Europe, et qui a pesé si long-temps sur nous, et de révéler des particularités inconnues sur le caractère moral de cet homme destiné tour à tour à un rôle si élevé et à une chute si profonde. Peut-être eût-il été à désirer que l'auteur eût mis plus d'ordre et de suite dans le portrait qu'il trace de cé conquérant bizarre. Mais il reprend et quitte dix fois ce sujet, donne un coup de pinceau et change tout à coup de matière. Ses aperçus et ses révélations sont à tout instant coupés par des digressions, et ce portrait, qui eût pu frapper dans son ensemble, perd son attrait et sa force par ce défaut de liaison et par le mélange fréquent de détails hétérogènes. Nous nous proposons de réunir ici ce que l'auteur a mal à et nous ne ferons presque que l'abréger et le rendre propos divisé, plus compact, dans cet article, dont M. de Pradt nous fournit le fond, et où nous lui demandons seulement la permission d'introduire une autre forme et quelquefois un autre style.

« L'empereur, dit M. de Pradt, a porté, en naissant, en s'élevant, en montant sur le trône, l'appétit et le désir d'envahir le monde. Aux deux extrémités de l'échelle, il a été le même; sujet le plus obscur, le plus isolé, le plus pauvre, comme le plus éclatant et Tonie V. L'Ami de la R. et du R. No. 117. N

le plus puissant des souverains. Dans ces deux positions si opposées, il n'a rêvé également que trônes, domination, ascension toujours croissante, trouble, agitations d'Etat, catastrophes politiques; voilà l'aliment habituel de son esprit. Il ne lit et n'estime que Machiavel. Dès ses premières campagnes d'Italie, il méditoit de 's'emparer de quelque trône. Pour lui, régner est tout. Il y sacrifieroit l'univers sans hésitation et sans remords. Il fit long-temps le dictateur en Italie. En Egypte, il étoit plus absolu encore. Son expédition de Saint-Jean d'Acre avoit pour objet de bouleverser l'empire ottoman, et de s'établir en Asie. Ce n'est que dans l'Orient, disoit-il, que l'on peut travailler en grand. Il se tournoit sans cesse vers ce pays comme par une pente naturelle, et se plaignoit de la gêne où le mettoit la civilisation de l'Europe. L'opinion l'embarrassoit. Cet homme, qui a fait son éducation dans les cafés et dans-les camps, qui en a conservé les formes et le langage, ne peut qu'être ennemi de cette urbanité et de cette liberté de nos sociétés privées, où il se sentoit jugé et condamné. Les salons de Paris l'importunoient; aussi son plus grand plaisir étoit de se moquer des Parisiens, et il avoit souvent à la bouche les expressions les plus grossières et les plaisanteries les plus ignobles contre Paris, et ce qu'il appeloit ses badauds. Je ne doute pas qu'il n'ait fait mille fois coutre les langues de Paris le vœu qu'un empereur faisoit contre les têtes du peuple de Rome.

>> Buonaparte s'est établi au centre du monde comme dans un domaine fait pour lui et livré à toutes ses spéculations. L'Europe est pour lui une vieille maison en démolition, dans laquelle chaque destruction entraîne le besoin d'une destruction nouvelle. Dans ce

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