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besoin de l'exemple pour se soutenir, trouvoient un encouragement et un appui dans une société de personnes instruites, spirituelles, pleines de douceur et de charité, de religion et d'honneur, fermes dans la foi, irréprochables dans leur conduite, dignes en un mot d'être citées comme des modèles, et qui l'étoient en effet.

Telle étoit la société qui subsista à Paris pendant plusieurs années, qui y opéra tant de bien, qui contribua à préserver tant de jeunes gens du naufrage, et qui a fourni aux différentes professions, à la magistrature, aux administrations, des sujets que nous y voyons aujourd'hui paroître avec distinction. C'est cette même société qui a fourni le sujet de l'ouvrage que nous annonçons. Un ecclésiastique non moins recommandable que M. Delpuits, et qui a honoré sa religion et sa patrie, dans une terre étrangère, par de grands services rendus à l'humanité, M. l'abbé Carron, car il nous permettra de soulever le voile dont il s'est couvert, a imaginé de recueillir des notices sur plusieurs des jeunes gens qui étoient de la congrégation de M. Delpuits, et que la mort a enlevés. Il a cru que ces exemples de vertu devoient être proposés à un siècle qu'ils accusent et qu'ils confondent, et que rien n'étoit plus capable d'encourager la jeunesse à marcher dans les sentiers de la religion que de voir avec quelle ardeur d'autres jeunes gens y avoient couru. Son recueil contient dix notices écrites avec abandon et simplicité; mais en même temps avec cette effusion de bons sentimens, et cet esprit d'onction et de piété qui est familier à l'auteur. On y voit un ecclésiastique, des médecins, des élèves de l'école Polytechnique, des étudians en droit, etc. Parmi eux

on remarquera surtout le jeune Frain, dont le zélé avoit quelque chose de plus vif, et dont la charité pour les pauvres et les malades étoit ardente et inépuisable; le jeune Bailleul, qui se distingua dans l'école Polytechnique par ses succès et sa fermeté à pratiquer la religion; de Mozin de la Rivière; le Mintier, qui se conservèrent purs au milieu des séductions de l'âge, et vécurent dans l'exercice de la piété.

A ces notices, M. l'abbé Carron en a joint deux autres sur des hommes que l'Etat ne révendique pas moins que la religion, et qui sont morts glorieusement pour leur prince. Ce sont les marquis de Lescure et de la Roche-Jacquelein. Le premier étoit un des chefs de la Vendée, et mourut, en 1793, à l'âge de 27 ans, des suites d'une blessure qu'il avoit reçue. Son caractère noble et généreux, son courage, son humanité l'avoient rendu cher à son armée. Sa piété ne s'étoit jamais démentie, et il mourut avec le calme et la résignation d'un héros chrétien. Le marquis de la Roche-Jacquelein, qui a été tué le 4 juin de cette année, au milieu de ses efforts pour le service du Roi, paroît avoir aussi hérité des sentimens de M. de Lescure, dont il avoit épousé la veuve.

Telle est cette brochure que M. l'abbé Carron vient de publier, à Londres, où il s'étoit retiré au mois de mars dernier. Il nous en a fait passer un exemplaire, avec une lettre beaucoup trop flatteuse, où il nous prie d'annoncer cet ouvrage. Nous le faisons avec un double plaisir, pour répondre aux désirs d'un homme si estimable et si zélé, et pour faire connoître de tonchans exemples de vertu. Nous regrettons seulement que l'auteur ne nous ait adressé qu'un exemplaire, et nous espérons qu'il voudra bien faire déposer, chez

quelque libraire de la capitale, un certain nombre d'exemplaires d'un ouvrage si utile, afin qu'on puisse le répandre, et satisfaire aux demandes des personnes qui voudroient se le procurer. Il seroit d'autant plus à regretter de n'en point avoir à distribuer, que M. l'abbé Carron nous marque qu'il trouvera son oyvrage bien placé, si on le donne avec choix et gratuitement dans les familles et les établissemens d'instruction. Des vues si désintéressées sont dignes d'un homme célèbre par l'esprit de religion et de charité qui l'anime, et qui lui a fait projeter et exécuter tant de bonnes œuvres pour la gloire de Dieu et le salut du prochain.

On nous a communiqué, de plusieurs endroits à la fois, un Discours sur le retour de Napoléon-le-Grand, empereur des François; discours prononcé le jour de Páque, 26 mars 1815, par M. le Blanc, curé de Cosne, département de la Nièvre. Tel est l'intitulé de cette pièce assez curieuse. L'orateur ne s'est pas contenté de la débiter en chaire; il l'a fait imprimer, et on en a donné, dit-on, jusqu'à trois éditions de différens formats, afin de répondre aux désirs des amateurs, et de mieux propager les sentimens patriotiques qui brillent dans ce chef-d'œuvre. Puisque M. le curé de Cosne a tant à cœur de nous instruire, nous croyons entrer dans ses vues en annonçant aussi son discours, et en en faisant connoître quelques fragmens pour l'édification du prochain et pour la gloire de l'auteur.

Après une instruction sur la fête du jour, qu'ou ne nous a pas donnée, sans doute parce qu'on ne Fa pas jugée d'un aussi grand intérêt, M. le curé de

Cosne, renforçant sa voix, et prenant un ton joyeux et solennel, a dit: Mais il est pour nous tous, mes Frères, un nouveau sujet de joie; je veux parler de notre résurrection politique, de cette restauration bien plus réelle, bien plus digne de notre admiration et de notre reconnoissance, que celle qui étoit vantée si hautement dans ces derniers temps. Donnez donc un libre cours à votre joie. Le héros, le sage législateur, le bienfaiteur de la France, le grand Napoléon, [en, que vie, l'ingratitude et la trahison avoient exilé loin de nous, est de retour pour consommer notre bonheur. Il a entendu nos gémissemens. Son coeur s'est répandu En terre lorsqu'il a appris notre ruine. Il est dit en note que cette dernière phrase, qui est imprimée dans l'original telle qu'on la voit ici, est extraite de l'Ecriture sainte; sur quoi il est bon de remarquer en même temps, et l'élégance de la traduction, et la justesse de l'application. Le cœur de Napoléon qui s'est répandu en terre, ne forme pas une image fort agréable; mais comme elle est relevée à propos par ce qui précède, par la peinture de la joie publique, et par ces grands mots de résurrection, de restauration et d'admiration, et autres sesquipedalia verba!

Ce qui mérite surtout une attention particulière dans le discours de M. le curé de Cosne, ce sont les passages qu'il rapporte de l'Ecriture, où il se trouve que Napoléon est en toutes lettres. Ainsi, dès la première page du discours, on lit cette citation : Le Seigneur s'est souvenu de ses anciennes miséricordes, et des merveilles qu'il avoit opérées en notre faveur par la force et la sagesse de Napoléon. Il a renouvelé avec lui son alliance pour la garder éternellement, et l'a rendu à nos vœux. Il a effacé l'opprobre qui nous cQUÈROIT

AUX YEUX DES NATIONS, IL A PURIFIÉ NOTRE TERRË DES SOUILLURES QUI LA DÉSHONOROIENT. M. le curé nous assure, en général, que ce passage est extrait de l'Ecriture. On est faché qu'il n'ait pas pris la peine de citer l'endroit; car nous ne nous rappelons pas avoir vu Napoléon nommé d'une manière aussi positive dans les livres saints. Il ne l'est pas moins dans le passage suivant : C'est en ce jour que NAPOLEON

A

BRISE LES Portes de son EXIL, EMPORTE AVEC LUI SES DÉPOUILLES, ENTRAÎNANT A SA SUITE UNE MULTITUDE IN NOMBRABLE DE captifs qu'il déLIVRE. J'ai peine à croire que cela se trouve tout-à-fait ainsi dans l'Ecriture, et il me paroît que M. le Blanc a appliqué sans façon à Napoléon ce que l'Ecriture dit du Fils de Dieu. La comparaison est neuve et hardie; elle est surtout fort juste et fort édifiante, et on ne pouvoit faire un usage plus chrétien et plus heureux des livres saints.

Le docte et pieux curé y découvre Napoléon partout. Il est probable qu'il se sert pour cela de lunettes particulières, ou qu'il a une traduction toute neuve de la Bible, dans laquelle le nom du grand Napoléon est substitué à celui de David, de Machabéé, et de plusieurs autres. Voici, par exemple, un nouveau passage non moins admirable que les précédens: Vive à jamais, vive Napoléon, notre empereur! Vive le père de la nation, le restaurateur de la liberté! Rejouissons-nous, car Napoléon est rentré en possession de son empire....... Et plus bas : NON, NOUS NE VOULons pas d'autre souverain QUE NAPOLÉON. Quoi, tout cela se trouve dans l'Ecriture! Oh! M. le curé de Cosne y voit bien autre chose encore, et son discours finit par une bordée de passages bien guillemettés, et

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