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elles ont marqué des jours féconds en crimes; traits qui consolent l'humanité, vengent le caractère national, et dont l'histoire s'emparera pour tempérer l'a'mertume de ses récits, et reposer l'imagination attristée de tant de scènes désolantes.

A la tête de ces femmes fortes et généreuses, ne convient-il pas de placer cette fille des rois qui a fait up si long apprentissage du malheur, et n'en a pas é é abattue; qui, privée successivement de tous les siens, n'a conservé pour appui que son courage et sa picté, qui a passé sans se démentir de la prison à T'exil, qui a rempli auprès d'un Roi, banni comme elle, les devoirs d'une fille tendre, et qui, de retour dans le pays où elle avoit versé tant de larmes, n'a pas montré un sentiment de vengeance, et n'a songé qu'à faire des heureux là où elle avoit éprouvé des traitemens si rigoureux et essuyé des chagrins si amers? Ne Fa-t-on pas vue dans une nouvelle épreuve qui eût accablé un courage ordinaire, déployer cette fermeté, ce calme, cette présence d'esprit qui eussent conjuré l'orage si elle eût été secondée? Bordeaux n'a-t-il pas été témoin de ses efforts pour sauver la France, et de sa noble persévérance à tenter tous les moyens? Seule, privée d'un époux, elle résiste jusqu'an dernier moment, et anime par son exemple et par ses discours tout ce qui l'environne. Mais antant elle avoit montré d'ardeur pour exciter les troupes taut qu'elle avoit cru la défense possible, autant elle exhorte les Bordelois à ne point se sacrifier quand elle voit qu'il n'y a plus d'espérance. Surtout elle s'oublie entièrement elle-même. Elle ne considère que le Roi, la France et les braves serviteurs rangés autour d'elle. Elle n'a d'alarmes et d'inquiétudes que

pour les autres, tandis qu'elle court le plus imminent danger, et elle ne consent qu'à la dernière extrémité à ce qu'on s'occupe de sa sûreté personnelle.

Ce sont ces faits intéressans que M. D. B. a cherché à recueillir. Son ouvrage n'est qu'un épisode; mais cet épisode se rattache à une époque de désastres, et fait ressortir un beau caractère. On n'en connoissoit jusqu'ici que les circonstances principales. La nouvelle relation en présente les détails. La Princesse étoit arrivée à Bordeaux, le 5 mars, avec son auguste époux. Les Bordelois leur témoignoient à l'un et à Fantre, par des acclamations et par des fêtes, leur joie de les voir dans leurs murs, quand, le 9, on apprit le débarquement de Buonaparte. Nous nous rappelons tous l'effet que produisit cette nouvelle. Qui eût pu croire encore alors que cet odieux aventurier dût entrer quelques jours après dans Paris? Toutefois M. le duc d'Angoulême se mit en devoir de repousser l'invasion. II quitta Bordeaux la nuit même, créa des moyens de défense, rassembla quelques troupes, quelques gardes nationales, quelques braves volontaires, marcha vers le Rhône, luttant contre tous les obstacles, et agit jusqu'à la fin avec un courage soutenu et digne d'un petit-fils de Henri IV. Le Midi adinira son activité, son zèle, sa constance à supporter les fatigues comme un simple soldat, et à ne pas séparer sa cause de celle des braves qui l'accompagnoient. On reconnut en lui un vrai chevalier françois, et de ce moment ces provinces lui témoiguèrent cet attachement et ce respect dont dernièrement encore elles lui ont prodigué de nouvelles marques, l'occasion d'un nouveau bienfait dont elles lui sout redevables.

Pendant ce temps, MADAME ne faisoit pas moins à Bordeaux. Elle formoit un conseil, recevoit le serment des autorités et des troupes, entretenoit les généraux, pressoit le départ des volontaires, passoit des revues, haranguoit les soldats. En la voyant, on se rappeloit son aïeule, l'impératrice Marie-Thérèse animant les Hongrois à la défendre. Mais il n'y eut point de défection en Hongrie, et MADAME vit bientôt que tout ce qui l'entouroit ne partageoit pas le dévouement des Bordelois. La garnison de Blaye étoit en révolte. Clausel arrivoit avec un détachement. Il répandoit des proclamations de son maître, et cherchroit, comme lui, à tromper les soldats par de fausses nouvelles. Ceux de Bordeaux se laissèrent séduire. Les chefs ne montroient plus cette ardeur et ce dévouement dont ils avoient paru d'abord animés. La division se mit entre la garnison et les habitans. Ceuxci étoient pleins de bonne volonté. Mais que pou voient-ils seuls? MADAME veut essayer si elle ne pourra ramener à leur devoir des troupes égarées. Elle se détermine à visiter les casernes. Elle harangue les soldats; elle leur adresse des paroles vives et courtes qui eussent amolli des cœurs moins durs. Leur contenance morne et farouche lui apprend qu'elle n'a rien à attendre de ces esprits fascinés, et elle se retire en déplorant leur aveuglement et leur délire. La ville et la garde nationale lui préparoient un spectacle plus consolant. Les Bordelois demandent à verser plas sang pour elle; mais la généreuse Princesse leur remontre Finutilité de leurs efforts, et les engage se conserver pour de meilleurs tenips. Alors seulementelle ment elle songe à elle. Le 1er, avril au soir, après avoir lutté pendant trois semaines contre l'esprit de révolte,

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elle quitte Bordeaux, toujours escortée par cette garde fidèle qui ne vouloit point la quitter. Le lendemain matin elle arriva à Pouillac. C'étoit un dimanche. Son premier soin fut d'y entendre la messe; car les devoirs de la religion l'emportoient encore à ses yeux sur le soin de sa sûreté. Quelles pensées durent l'agiter en quittant de nouveau cette terre inhospitalière où elle étoit rentrée depuis si peu de temps! Elle adressoit peut-être encore au ciel des vœux pour des ingrats. Enfin elle s'embarqua sur le sloop le Wanderer, et fit les adieux les plus touchans aux braves et loyaux Bordelois qui l'avoient accompagnée.

C'est dans la brochure de M. D. B. qu'il faut lire les détails de ces scènes touchantes. L'auteur raconte très-bien surtout ce qui se passa aux casernes, et son ouvrage, quoique écrit avec simplicité, fait bien ressortir la fermeté d'ame de la Princesse, et le dévouement des fidèles Bordelois. Nous aimons à croire que sa relation est exacte, et qu'il a pris soin de s'assurer de l'authenticité des faits. C'est une brochure de cirConstance, mais ce sont aussi des matériaux pour l'histoire.

Le Censeur du Dictionnaire des Girouettes, ou les Honnétes gens vengés; par M. C. D..... (1).

Je n'ai point lu le Dictionnaire des Girouettes, et je n'y ai point de regret. J'ai ouï dire que cette sa

(1) 1 vol. in-8°. ; prix, 3 fr. et 4 fr. franc de port. A Paris, chez Germain Mathiot, quai des Augustins, et au bureau da Journal.

fire étoit sans gaieté comme sans goût, qu'on y avoit entassé sans choix de lougs fragmens de discours, qu'on y avoit accolé des noms qui n'auroient jamais dù se trouver ensemble, et qu'un ouvrage qui auroit pu être piquant pour sa malignité, étoit devenu ennuyeux et pesant par sa mauvaise rédaction. Ainsi, au tort de faire une satire, l'auteur a joint celui de la faire mal, ce que les lecteurs lui pardonneront encore moins; car généralement parlant, ils sont encore plus blessés du manque d'esprit que du manque de charité, et s'ils ont de l'indulgence pour un agréable médisant, ils sont sans pitié pour celui qui ne sait même pas assaisonner la malice d'un peu d'intérêt. Le Dictionnaire des Girouettes ne devoit donc pas faire fortune, et en effet on dit qu'il est tombé à plat, et cette lourde compilation, achetée d'abord par curiosité, a eu le sort le plus humiliant pour un livre, et pour un livre méchant, c'est qu'on n'a pu en achever la lecture, et qu'on l'a mis au rebut.

Peut-être falloit-il l'y Jaisser, et vé pás líti dorner les bonneurs d'une refutation. Mais il est des hommes zélés qui ne veulent rien laisser passer, et qui aiment à combattre et à faire croire qu'ils sont nécessaires. M. C. D. parle avec beaucoup de mépris du Dictionnaire des Girouettes, et il publie contre ce pamphlet un volume qui doit être suivi d'un autre. C'est un surcroît de bonne volonté qui fait honneur à son cœur. Cet auteur me paroît aussi indulgent et aussi facile que les auteurs du Dictionnaire des Girouettes étoient sévères et exigeans. Ceux-ci blâmoient tout; celui-là est porté par caractère à excuser beaucoup de choses. Il se charge de toutes les causes, et entreprend d'en défendre quelques-unes

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