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refusant d'admettre l'existence de droits naturels, nous arrivons au même résultat, pour le sujet spécial qui nous occupe, sans généraliser d'une manière aussi large. S'il est, en effet, raisonnable d'admettre que la commune conserve son autonomie et son indépendance pour la gestion de son patrimoine et l'intervention de l'Etat peut pourtant se justifier dans ce cas, par la considération d'intérêts plus généraux que les intérêts actuels de la commune personne n'osera du moins soutenir qu'en matière de police, l'Etat puisse se décharger sur un groupement quelconque de son pouvoir de coercition. Sans doute, une commune est directement intéressée à jouir des avantages d'une bonne police, c'est-à-dire à être assurée de la sûreté et de la salubrité publiques. Mais l'Etat tout entier n'a-t-il pas, lui aussi, intérêt à éviter sur tout le territoire, les atteintes au bon ordre et à l'hygiène ? Ici, l'Etat ne saurait renoncer à son droit de punir, car c'est comme souverain qu'il l'exerce et la souveraineté ne s'aliène pas. S'il en était autrement, la commune se croirait autorisée à résister à l'Etat et elle pourrait refuser de lui obéir. Elle formerait ainsi un Etat dans l'Etat.

Nous croyons avoir démontré que non seulement la commune n'a pas un pouvoir propre antérieur à l'Etat, mais que c'est, au contraire, à l'Etat qu'elle doit historiquement sa consécration officielle. Nous avons vu que les principes généraux du droit public relatifs au fondement de la personnalité juridique des groupements sociaux sont

en contradiction avec la thèse de Henrion de Pansey. Quant à l'examen de la nature du pouvoir de coercition qui est indispensable pour sanctionner les règlements de police, il nous est apparu comme un attribut essentiel de l'Etat, seul investi de la souveraineté.

Il est donc permis de se demander si la thèse de Henrion de Pansey n'a pas eu pour but de fortifier après coup, par des considérations historiques et des déductions ingénieuses, une distinction qui apparaît pour la première fois dans le décret du 14 décembre 1789. N'a-t-il pas essayé de justifier cette distinction par une théorie de circonstance en apportant plus de soin à exposer les principes dont avaient dû s'inspirer les législateurs de la Constituante que ces derniers n'en avaient certainement pris pour le choix des termes de la loi ?

Le décret du 14 décembre 1789, après avoir supprimé dans son article premier toutes les municipalités existantes, avait établi une nouvelle organisation (art. 2 à 48). Les articles suivants fixaient les attributions du corps municipal.

C'est l'article 49 qui a formulé le premier ce principe si discutable: Les corps municipaux auront deux espè«ces de fonctions à remplir, les unes propres au pouvoir « municipal, les autres propres à l'administration géné<rale de l'Etat et déléguées par elle aux municipalités. » On a pu se demander s'il y avait réellement un pouvoir municipal. Mais, en y regardant de près, on aurait dû remarquer que l'expression de pouvoir propre avait été

employée par les rédacteurs de la loi sans qu'ils y altachassent toute l'importance qu'on cherche à lui attribuer. C'était une sorte de lapsus dont le caractère apparaît nettement quand on se rappelle que peu de temps auparavant on avait discuté pendant treize jours les bases fondamentales de la Constitution qui furent promulguées le 3 novembre 1789, et ces bases fondamentales ne connaissent que les trois pouvoirs législatif, exécutif et judiciaire, généralement admis. Il n'y est pas question de pouvoir municipal.

Pour les rédacteurs du Décret du 14 décembre 1789, pouvoir était synonyme de fonctions. L'article 50 parle, en effet, des fonctions propres au pouvoir municipal ». Voyons d'ailleurs en quoi consistait ce prétendu « pouvoir propre.

L'instruction de l'Assemblée nationale du 12 août 1790 est ainsi conçue:

« Les municipalités, dans les fonctions qui sont propres au pouvoir municipal, sont soumises à l'inspection <et à la surveillance des corps administratifs et elles < sont entièrement dépendantes de leur autorité, dans

les fonctions propres à l'administration générale ». (Instr. de l'Ass. nat. du 12 août 1790, ch. 1 § 1). Tout en reconnaissant la faculté de régir le bien commun, tout en qualifiant cette mission de pouvoir propre au magistrat municipal, le législateur voulait donc que les actes les plus essentiels de ce singulier pouvoir ne pussent avoir

d'effet que sous l'approbation des autorités départementales:

« Quant à l'exercice des fonctions propres au pouvoir <municipal, toutes les délibérations pour lesquelles la ⚫ convocation du Conseil général de la commune est né‹ cessaire, suivant l'article 54 du présent décret, ne pourront être exécutées qu'avec l'approbation de l'administration ou du directoire de département ». ›. (Art.

56 du décret du 14 décembre 1789).

- Un des points essentiels de la Constitution est << l'entière et absolue subordination des administrations « et des directoires de districts aux administrations et << aux directoires de départements... Sans l'observation exacte et rigoureuse de cette subordination, l'adminis<tration cesserait d'être régulière et uniforme dans chaque département...

« Les districts, au lieu d'être des sections d'une admi<<nistration commune, deviendraient des administrations en chef, indépendantes et rivales, et l'autorité administrative dans le département n'appartiendrait plus au Corps supérieur à qui la Constitution l'a confiée pour tout le département. Le principe constitutionnel sur la distribution des pouvoirs administratifs est que << l'autorité descende du roi aux administrations de dé«partements, de celles-ci aux administrations de districts,

et de ces dernières aux municipalités ». (Instruction de l'Assemblée nationale du 8 janvier 1790, § V).

Quant aux délibérations d'un intérêt secondaire, on ne

les affranchit de cette sorte de tutelle que sous la condition qu'elles ne contiendraient rien de contraire aux lois générales du royaume, à l'équité ou au bon ordre, et en réservant à l'autorité supérieure le moyen de s'en assurer. Aussi ordonna-t-ou que toutes les délibérations

municipales seraient faites doubles et qu'une expédi<«<tion en serait adressée au district pour y être trans<crite sur un registre » (Décret additionnel du 18 janvier 1790, art. 2 et 3). Les officiers municipaux étaient tenus dans tous les cas de rendre compte de leurs actes à l'administration supérieure qui pouvait toujours, quand elle le jugeait à propos, en empêcher l'exécution. C'est ce qui résulte des textes suivants : .

« Si les officiers municipaux étendent leurs fonctions « administratives, soit en outrepassant les bornes qui leur sont assignées, soit en essayant de se soustraire « à la surveillance et à l'autorité des corps administratifs, << ceux-ci doivent être attentifs à les réprimer, en annu<< lant leurs actes inconstitutionnels et en défendant de les << mettre à exécution.» (Instruct. de l'ass. législative du 12 août 1790, ch. I, § 8).

« Le roi a le droit d'annuler les actes des administra<«<teurs de départements. Les administrateurs de dépar«tements ont de même le droit d'annuler les actes des <sous-administrateurs de districts contraires aux lois ou <« aux ordres que ces derniers leur auront donnés ou << transmis.» (Constitution de 1791, ch. II, section 2, art. 1 et 5).

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