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La loi du 28 mars 1882 décida que, dans toutes les communes (sauf à Paris), le maire et les adjoints seraient nommés par le Conseil municipal.

Cet historique permet de voir comment le législateur, se refusant à reconnaître l'existence d'un pouvoir municipal propre, a, au contraire, constamment affirmé, au cours de ce siècle, son droit d'intervenir dans la police municipale au même titre que dans la police générale. S'il a persévéré dans cette attitude, c'est que les conseils de l'expérience lui en ont démontré la nécessité en le dissuadant d'abandonner en propre à des groupements locaux, rivaux éventuels de l'Etat, des pouvoirs de police qui nécessitent souvent l'intervention de la force publique.

C) Législation actuelle: Loi du 5 avril 1884. Situation du maire vis-à-vis du Gouvernement.

Pour fixer d'une façon précise les rapports du maire et du pouvoir central, depuis la loi du 5 avril 1884, il est nécessaire d'esquisser à grands traits la physionomie du maire dans la multiplicité de ses attributions.

Le maire est un personnage essentiellement complexe. On a pu le comparer, assez irrévérencieusement d'ailleurs, au maître Jacques de Molière qu'il rappelle par la variété des aspects sous lesquels il apparaît. Chargé des intérêts de l'Etat et de ceux de la commune, nous le voyons tout à la fois fonctionnaire public, bénéficiant autrefois de la garantie de l'article 75 de la Constitution de l'an VIII, officier public, chargé de dresser des actes authentiques, magistrat de l'ordre administratif, veillant à l'accomplissement des lois de police administrative, officier de police judiciaire, recherchant les crimes et les délits, magistrat de l'ordre judiciaire, remplissant le rôle de ministère public auprès du tribunal de simple police, administrateur des affaires de la commune, passant des baux, souscrivant des marchés, acceptant des dons et des legs, estant en justice, enfin délégué de l'Etat chargé d'assurer différents services d'intérêt public.

La diversité de situations que crée cette multiplicité de fonctions nécessite des distinctions souvent très subtiles relativement à la responsabilité du maire et aux autorités chargées de le surveiller. C'est ainsi que, comme officier de l'état civil, il peut être responsable de son erreur ou de sa faute légère. Comme fonctionnaire, il ne l'est que de sa faute lourde, et, comme magistrat, de son dol ou de sa fraude seulement. Tantôt il se trouve placé sous la surveillance ou sous l'autorité du préfet, tantôt il est placé sous les ordres du procureur général. Tantôt il agit sous le contrôle du Conseil municipal et la surveillance de l'administration supérieure, tantôt sous cette seule surveillance, tantôt sous l'autorité de l'administration supérieure.

Le maire se trouve donc investi d'attributions nombreuses, souvent très différentes et parfois fort difficiles à concilier. Cela tient au dualisme des intérêts qui lui sont confiés, comme représentant de la commune et comme agent de l'Etat. Le choix qui a été fait de sa personne pour servir de délégué du pouvoir central dans la commune se justifie par la connaissance qu'il a tout naturellement des hommes et des choses dans le commerce desquels il vit journellement.

Sans discuter ici la question de savoir si les fonctions qu'il remplit comme représentant de la commune priment ou non celles dont il est chargé comme agent de l'Etat, il faut reconnaître que l'Etat est toujours en cause quand il s'agit des intérêts communaux. Aussi a-t-il besoin de

trouver dans ce maire qui lui sert tout à la fois d'administrateur, de magistrat et d'agent d'information, un fonctionnaire souple et fidèle, incapable d'insubordination ou de résistance.

Actuellement, le maire est élu par ses collègues du Conseil municipal issus du suffrage universel, et sans critiquer ici ce procédé de nomination, on peut remarquer qu'il nécessite de la part du Gouvernement une surveillance beaucoup plus active et une intervention beaucoup plus étroite que lorsque le maire, nommé par l'Etat et assimilé à tous les fonctionnaires, n'avait aucune raison de se présenter vis-à-vis du pouvoir central avec les prétentions d'un rival et les exigences d'un adversaire parfois heureux.

On comprend que, dans ces conditions la loi ait dû armer l'autorité supérieure de pouvoirs suffisants pour réprimer les tentatives de résistance des magistrals municipaux. D'après la loi nouvelle, le préfet peut prononcer contre le maire et les adjoints une suspension d'un mois que le ministre de l'Intérieur peut porter à trois mois. Quant à la révocation de ces mêmes agents, elle peut être prononcée par décret rendu sur la proposition du ministre de l'Intérieur.

Mais des mesures personnelles sont toujours difficiles à prendre, et le Gouvernement pourrait hésiter souvent à suspendre un maire de ses fonctions pour sanctionner une négligence ou même une faute volontaire. Aussi la loi a-t-elle sagement agi en ménageant au pouvoir central

un droit de contrôle très réel sur les actes mêmes du magistrat municipal. Indépendanıment des prescriptions des articles 93, 98 et 99, relatifs aux pouvoirs de police des maires, que nous examinons plus loin, la loi nouvelle a maintenu, sous l'article 85, le droit du préfet de se substituer au maire pour procéder par lui-même ou par un délégué spécial aux actes formellement prescrits au maire. par la loi, et elle a compris parmi les dépenses obligatoires du budget communal les dépenses provenant de l'exécution de ces mesures (art. 152). On se rendra comple de la portée de cette disposition en songeant qu'elle s'applique toutes les fois qu'il s'agit d' « un acte formel précisément exigé par la loi » (Vivien). Ce qui ne permet pas de distinguer entre les actes pour lesquels le maire est soumis à l'autorité de l'administration supérieure (art. 92) et ceux pour lesquels il n'est soumis qu'à sa surveillance (art. 90 et 91). L'intervention du préfet s'étend donc aux actes qui ont pour objet la représentation de la personnalité civile de la commune. Le préfet peut, en somme, accomplir un acte de gestion de la fortune communale, un acte contractuel ou de procédure au nom de la commune, aussi bien qu'il peut réaliser à la place du maire un acte administratif proprement dit, et faire par arrêté préfectoral ce qu'un arrêté municipal, individuel et spécial, aurait dû faire. Si, en effet, le maire se refuse à exécuter une délibération du Conseil municipal, il refuse par là même d'accomplir un acte formellement exigé par la loi, puisque l'art. 70 de la loi du 5 avril 1884 charge le

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