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P., 54, 4, 77, et A. F. B., 6, p. 448), les instructions administratives prescrivent de faire à l'usager une bonification de 25 pour 100 sur le cantonnement pratiqué d'aprés la capitalisation au denier 20, ce qui revient, en définitive, au même résultat que si l'on avait employé, de prime abord, la capitalisation au denier 25. Mais la Cour ne semble pas s'être rendu compte du motif qui a dicté cette disposition administrative.

Avant le décret du 19 mai 1857, les cantonnements amiables étaient assez rares. On en était presque toujours réduit à employer les voies judiciaires, De lå des lenteurs interminables; aussi, l'expérience acquise depuis 1827 faisait-elle pressentir que la libération si désirable des forêts de l'Etat des droits d'usage dont elles sont grevées pourrait à peine s'accomplir avant la fin de notre siècle. L'exécution sur une large échelle des opérations de cantonnement était donc nécessaire; mais, pour en assurer le succes, il fallait que l'Etat consentit à faire un sacrifice, dont le décret du 19 mai 1857 a donné la mesure. « Considérant, dit le préambule de ce décret, quil y a lieu d'imprimer aux opérations de cantonnement la plus grande célérité possible, et en même temps de les diriger dans un esprit de conciliation... » Ces derniers mots expliquent la portée du décret, qui ressort, du reste, des instructions administratives. Pour ne parler que du point en discussion, le mécanisme dụ décret est celui-ci : D'après l'article 9, « le revenu net du droit d'usage sera capitalisé au denier 20, » et non au denier 25. C'est bien la base ordinaire, celle qui jusqu'alors avait toujours prévalu devant la justice; aussi la circulaire précitée dit-elle avec raison que « le gouvernement ne pouvait se départir du mode de capitalisation au denier 20, le seul qui ait une base légale. » Mais, pour hater l'exécution des dispositions qu'il prescrit, pour éviter les lenteurs judiciaires, pour mettre fin aux débats incessants que provoque l'exercice des droits d'usage, le décret déclare qu'il sera fait aux usagers diverses concessions, qui, dans leur ensemble, s'élèvent à 25 pour 100. Ces concessions, entièrement bénévoles, ne touchent en rien à l'état du droit préexistant et de la jurisprudence qui l'avait consacré, puisque le décret déclare explicitement qu'il maintient la capitalisation au denier 20. S'il avait voulu agir autrement, il était bien plus simple de dire dans l'article 9, que la capitalisation aurait lieu au denier 25. Mais on s'en est bien gardé, précisément parce qu'on n'a pas voulu que les tribunaux pussent se faire un argument des dispositions bienveillantes et purement conciliatrices prises par le gouvernement, en vue d'arriver promptement à la réalisation des cantonnements amiables.

En résumé, l'Etat fait à l'usager une offre par laquelle son droit est, suivant lui, exagéré de 25 pour 100. Mais cette offre est essentiellement conditionnelle et subordonnée. Si l'usager accepte l'offre, le gouvernement a atteint son but; s'il n'accepte pas, force est bien de recourir à un cantonnement judiciaire; mais alors il n'y a plus aucun motif pour maintenir cette concession de 25 pour 100, dont le caractère était purement transactionnel. C'est ce qu'explique très-bien une circulaire du ministre de l'intérieur aux préfets chargés de l'exécution du décret de 1857; « Vous expliquerez aux communes que, si elles ne profitaient pas des intentions bienveillantes du gouvernement, elles renonceraient volontairement à un avantage précieux, et s'exposeraient à un procés... » Il est donc bien vrai que les 25 pour 100 sont une prime payée pour faire cesser un état de choses fâcheux et éviter un proces, et que cette prime n'a plus aucune raison d'être, lorsque cet état de choses se prolonge et que le procès a lieu. C'est ce qui est arrivé à la commune de Brouviller, usagere dans la forêt de Schwangen (Meurthe). Cette commune a refusé un cantonnement préparé conformément au décret du 19 mai 1857. L'Etat a retiré la concession de 25 pour 100, et un cantonnement judiciaire a été provoqué. Un jugement du tribunal de Sarrebourg, du 11 juillet 1860, a condamné la commune à subir le cantonnement strict, d'après la capitalisation au denier 20. Ce jugement a été exécuté.

La question reste donc entière, et les raisons de décider pour ou contre la capitalisation au denier 20 sont exactement les mêmes, après comme avant le décret du 19 mai 1857. Ce décret ne peut avoir d'autre influence sur les cantonnements judiciaires que de faire maintenir la capitalisation au denier 20, puisqu'il la consacre et qu'il repousse l'analogie tirée de la loi de 1790.

La capitalisation au denier 25 est, d'ailleurs, condamnée par un argument sans réplique qui se tire de la nature même du droit d'usage. Si ce droit est réel, en ce sens qu'il suit la forêt en quelques mains qu'elle passe, il n'est rien autre chose qu'un droit mobilier, puisque celui qui l'exerce ne peut exiger qu'une portion des fruits et non la transformation de l'usage en une propriété immobilière. Envisagée au point de vue des avantages qu'elles procurent, les délivrances usagères sont entièrement assimilées aux produits d'une coupe; or, la vente d'une coupe est considérée comme une vente mobilière, bien qu'elle ait pour objet des arbres sur pied. Si donc les valeurs dues à l'usager sont des valeurs mobilières, il est impossible de les capitaliser au taux des valeurs immobilières, car alors on donnerait à l'usager, après le cantonnement, autant de produits qu'il en avait avant cette opération, ce qui est inadmissible.

Ceci posé, il est évident que le propriétaire ne doit rien autre chose à l'usager qu'un canton de forêt capitalisé d'après le taux des valeurs mobilières. Si donc, après le cantonnement, il devait annuellement à l'usager des délivrances en bois équivalentes à 5,000 francs, et qu'il lui donne une forêt valant 100,000 francs, il aura payé toute sa dette, et l'usager ne sera pas lésé, quel que soit le produit de la forêt, puisqu'en la vendant il retrouvera son capital de 100.000 francs, avec les intérêts duquel il achètera tous les ans, pour 5,000 francs de bois. Mais si, dans l'hypothèse posée d'un revenu de 5,000 francs, le propriétaire donne à l'usager une forêt valant 125,000 francs, ce dernier aura 25,000 francs de plus qu'il ne devrait avoir. Il est impossible de trouver un motif pour justifier cette plus-value, puisque celui auquel on ne doit qu'une rente de 5,000 francs ne peut recevoir un capital tel que son revenu soit égal à 6,250 francs.

On doit remarquer, au surplus, que la Cour de Metz n'entend nullement proscrire la capitalisation au denier 20, qu'elle déclare être « acceptable en certains cas, mais qui ne peut être une règle normale. » Ainsi la Cour semblerait disposée à accepter un multiplicateur d'autant plus élevé que le revenu forestier serait plus faible. Par exemple, si elle pense devoir choisir le chiffre 25, quand la forêt rapporte 3 pour 100, elle ne serait pas éloignée de prendre le chiffre 20 lorsque la forêt rapporte 4 pour 100. — C'est en cela que le raisonnement pèche par la base. En effet, dans le choix du taux de capitalisation du revenu usager, il n'y a jamais à se préoccuper du revenu forestier. Une seule chose intéresse l'usager: c'est le taux de la capitalisation de son droit, ou, en d'autres termes, la fixation du capital qui devra être transformé en valeurs forestières. Le revenu de cette valeur doit être sans influence sur la formation du capital usager, alors même que ce revenu serait inférieur à 3 pour 100 et même à 2 pour 400, puisque, quel que soit ce revenu, l'usager reçoit toujours une valeur vénale en forêt susceptible d'être réalisée en argent, de manière à produire une somme égale à son droit capitalisé. C'est ce qu'a très-bien compris la Cour de Toulouse, lorsqu'elle a dit « que le propriétaire n'est tenu d'abandonner à l'usager qu'une portion de sa forêt, dont la valeur vénale représente un capital qui, au taux ordinaire des placements en argent, puisse produire des revenus égaux à l'émolument annuel de l'usage. » (Toulouse, 11 avril 1853, com d'Escoussens, D. P., 53, 2, 245; A. F. B., 6, p. 145). Il est vrai que cette Cour a décidé en même temps qu'on doit capitaliser d'après le taux des placements en argent, dans la localité, au moment où se fait le cantonnement. Cette décision n'a pu être provoquée que par l'abondance des capitaux et le prix peu élevé du loyer de l'argent à l'époque où ellé a été

rendue; mais ce motif n'est pas juridique. Comment, en effet, les magistrats peuvent-ils connaître d'une manière certaine la valeur de l'argent dans la localité? Où trouveront-ils une base fixe pour déterminer le produit des capitaux? S'adresseront-ils à la Banque ou au commerce? On leur répondra que dans une même année (en 1858) le revenu du numéraire a varié de 3 pour 100 à 12 pour 100. Consulteront-ils les cotes de la Bourse? Quels écarts depuis dix ans! C'est précisément pour prévenir, dans les transactions ordinaires, les difficultés de cette nature que le législateur a déterminé d'une manière invariable le taux de l'intérêt que fait courir une demande judiciaire, et il n'y a aucune raison de décider autrement, lorsqu'il s'agit d'un cantonnement. La Cour d'Orléans ne s'y est pas trompée aussi a-t-elle posé avec raison ce principe, qui doit rester la règle de la matière: « que l'usager ne saurait élever d'autres prétentions que de rencontrer dans la vente du sol et de la superficie un capital qui, placé à l'intérêt légal, lui procurerait une somme égale à la valeur des émoluments annuels de l'usage.» (Orléans, 6 décembre 1851, . affaire Clermont-Tonnerre, D. P., 53, 2, 103; A. F. B., 5, p. 477.)

Il faut donc conclure que, tant que le revenu des capitaux mobiliers sera fixé à 5 pour 100, la capitalisation devra se faire au denier 20. Il est, du reste, de toute évidence que, si ce taux légal venait à être diminué, le chiffre de capitalisation devrait s'élever dans la même proportion. E. MEAUME.

N° 74. COUR IMPÉRIALE de Metz (Ch. civ.).—25 juin 1861.
Droits d'usage, forêt domaniale, affouage, futaie surnuméraire,
inaliénabilité, anciennes ordonnances, Lorraine.

L'ordonnance de 1669 et les ordonnances de Lorraine étaient d'accord pour considérer la futaie des bois de l'Etat comme inalienable entre les mains du souverain et comme ne pouvant, par sa nature, être åbandonnée aux usagers pour leur affouage (1).

Il faut une clause expresse du titre aussi bien

que des circonstances exceptionnelles pour que l'usager soit autorisé à consumer dans son foyer des bois propres à un service d'un ordre plus important.

(Préfet de la Moselle c. commune de Rohrbach.)

La forêt domaniale de Kurstenwald est grevée de droits d'affouage et de maronage au profit de la commune de Rohrbach. Cette commune à qui l'Etat délivre tout le taillis pour son affouage et en outre les bois de construction nécessaires au service de ses droits de maronage, a élevé des prétentions à la délivrance de la futaie surnuméraire à la réserve, à l'exception de 12 arbres par arpent.

L'Etat a combattu ces prétentions comme contraires à l'ancienne législation forestière de la France et de la Lorraine, et à la jurisprudeuce de la Cour de cassation et des Cours impériales. Elles ont été néanmoins accueillies par un jugement du tribunal civil de Sarreguemines du 12 avril 1859, dont M. le préfet de la Moselle a interjeté appel."

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Attendu que le tribunal a jugé ou préjugé, par la sentence du 12 avr 1 1859,

(1) Sic, crim. cass., 27 mars 1854, come d'Escles et d'Harol; A. F. B., 6, p. 200, Metz, 6 juin 1855, même affaire, et 7 décembre 1858, come de Hombourg, id., 7, p. 28, et 8, p. 267.

que toute la futaie surnuméraire de la forêt de Kurstenwald appartenait à la commune de Rohrbach, à l'exception de 12 arbres par arpent;

Attendu que cette décision est condamnée à la fois par l'ancienne législation forestière de France et de Lorraine, par les titres intervenus entre les parties, et par l'exécution que ces titres ont reçue pendant un grand nombre d'années; Attendu que l'ordonnance sur les eaux et forêts, rendue pour la France en 1669, et les ordonnances lorraines étaient d'accord pour considérer la futaie des bois de l'Etat comme le lot formant la part du propriétaire, inalienable entre les mains du souverain; que cette futaie, par sa nature, ne pouvait devenir un bois de feu abandonné à l'usage, et qu'il fallait des clauses expresses, aussi bien que des circonstances exceptionnelles pour que l'usager fut autorisé à consumer dans son foyer des bois propres à un service d'un ordre plus important;

Attendu que les titres produits au procès ne montrent nullement que les futaies de la forêt de Kurstenwald aient jamais été livrées à l'usage de la commune de Rohrbach; Par ces motifs, etc.

Du 25 juin 1861.- (MM. Woirhaye, p. prés.; Leclerc, p. av. gén.; Leneveux et de Faultrier, av.)

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N° 75.-CIRCULAIRE DE L'ADMINISTR. DES FORÊTS, no 819. 4 juin 1862. Exploitations accidentelles dans les bois soumis au régime forestier. Les attributions qui étaient encore réservées au ministre des finances, en vertu de l'article 103 de l'ordonnance réglementaire, sont déléguées au directeur général des forêts.

Les décisions régulières autorisant des travaux d'amélioration autorisent implicitement les abatages que ces travaux occasionnent. Les arrêtés préfectoraux, relatifs à des délivrances d'urgence dans les bois des communes et des établissements publics seront définitifs lorsqu'ils auront été rendus sur l'avis conforme des conservateurs.

Monsieur le conservateur, l'article 103 de l'ordonnance royale du 1er août 1827 a attribué au ministre des finances le droit d'autoriser, dans les bois soumis au régime forestier, l'abatage et la vente d'arbres vifs ou morts, en dehors des prévisions de l'état d'assiette et des circonstances qui constituent les coupes extraordinaires suivant l'article 71 de la même ordonnance.

Le recours au ministre entraînait, dans l'expédition des affaires, des lenteurs qu'il a paru utile de faire cesser, en déléguant au directeur général et aux conservateurs des forêts une partie de ses attributions. Tel a été le but des ordonnances royales des 10 mars 1831, 4 décembre 1844 et 8 août 1845, ainsi que des décisions ministérielles des 5 juillet 1837, 11 août 1843, 30 juin 1851 et 21 janvier 1856.

La compétence du ministre des finances, en matière d'abatage, comprenait encore les affaires dont l'énumération suit :

Dans les bois des communes et des établissements publics,

La délivrance d'arbres vifs sur pied destinés à être employés en nature à divers travaux de réparation, ou dont l'abatage est nécessité par quelque circonstance imprévue ;

Dans tous les bois soumis au régime forestier,

L'abatage d'arbres mitoyens ;

Les exploitations nécessitées par des travaux d'amélioration, tels que routes, maisons et usines forestières, fossés, pépinières, aménagements et délimitations.

Son Exc. le ministre des finances, voulant apporter dans la marche du service toutes les simplifications dont l'expérience a fait reconnaître l'utilité, a décidé, le 15 mai dernier :

1 Que les attributions qu'il s'était réservées, et dont l'énumération précède, seraient déléguées au directeur général des forêts;

20 Que les décisions régulières qui autorisent des travaux d'amélioration, dans les bois soumis au régime forestier, autorisent implicitement les abatages que ces travaux occasionnent;

3 Que dans les cas d'urgence prévus par la décision ministérielle du 15 juillet 1845, tels que ceux d'inondation, d'incendie, de réparation de digues, ponts, chemins et maisons, auxquels se ráttachent des circonstances imprévues et de force majeure, les arrêtés rendus par les préfets seront définitifs, lorsqu'ils seront conformes à l'avis des conservateurs. En cas de désaccord, les arrêtés pris par les préfets ne seront exécutoires qu'après avoir été approuvés par le ministre des finances;

Ainsi réglée, l'instruction des affaires présente toutes les garanties désirables.

Toutefois, comme il importe que l'administration soit tenue au courant des exploitations effectuées sans son intervention, je vous invite à m'en rendre compte par un bulletin spécial indiquant :

La date de l'arrêté du préfet;

L'importance et l'assiette des exploitations;

Les travaux qui les occasionnent, ou, s'il s'agit de délivrance en nature, la destination des produits et les circonstances imprévues qui constituent l'urgence;

Enfin, s'il y a lieu, la réduction que vous jugeriez utile de faire subir à la possibilité.

Vous ne perdrez pas de vue, monsieur le conservateur, que les produits de ces exploitations doivent figurer sur les états récapitulatifs du produit des ventes ou sur les états estimatifs dressés pour la perception des frais de régie, suivant qu'ils ont été mis en adjudication ou délivrés en nature.

Je ne doute pas que vous ne fassiez tous vos efforts pour seconder les vues du ministre, en apportant, dans l'instruction des affaires qui font l'objet de sa décision du 15 mai dernier, l'activité réclamée par l'intérêt du service. Recevez, etc.

Du 4 juin 1862.

Signé H. VICaire.

No 76. CIRCULAIRE DE L'ADMINISTR. DES FORÊTS, no 90. —5 juin 1862.

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Bois soumis au régime forestier, exploitations accidentelles. Notification d'une décision ministérielle du 15 mai 1862 relative aux exploitations accidentelles dans. les bois soumis au régime forestier.

Monsieur le préfet, la plupart des attributions conférées au ministre des finances par l'article 103 de l'ordonnance royale du 1er août 1827 ont été successivement déléguées soit au directeur général, soit aux conservateurs des forêts.

Dans l'état actuel des règlements, la compétence du ministre, en matière d'abatage, comprend encore les affaires dont l'énumération suit :

Dans les bois des communes et des établissements publics,

La délivrance d'arbres vifs sur pied destinés à être employés en nature à divers travaux de réparation ou dont l'abatage est nécessité par quelque circonstance imprévue;

Dans tous les bois soumis au régime forestier,

L'abatage des arbres mitoyens;

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