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principe confirmé par les dispositions du Code de procédure, article 541, et exprimé avec une grande énergie par M. Troplong (sur l'art. 2058), qui déclare « qu'en quelque lieu, en quelque acte que se trouve une erreur de calcul, erreur matérielle, erreur toujours involontaire, il faut qu'elle disparaisse, elle est perpétuellement sujette à réparation; - Qu'il en devait être ainsi, puisque l'équité, qui est la base de la loi civile, défend de s'enrichir aux dépens d'autrui, et que la morale, aussi bien que la législation de tous les pays et de tous les temps, commande la restitution de ce qui a été évidemment reçu; Considérant que la rectification de l'erreur de calcul commise dans un jugement ne saurait porter atteinte à l'autorité de la chose jugée ;-Qu'il faut se garder de confondre l'erreur de fait avec l'erreur de droit; qu'une erreur de calcul est évidemment une erreur de fait, et que sa rectification peut bien changer le résultat matériel et définitif du compte, mais n'altère en rien les principes ou les considérations qui ont déterminé le jugement; qu'ainsi la chose jugée reste entière;

Considérant que la requête civile a été introduite dans nos lois, non pour obtenir la rectification des erreurs de calcul, mais pour faciliter la rétractation des jugements passés en force de chose jugée, alors que ces jugements sont viciés par l'une des causes énumérées en l'article 480 du Code de procédure civile;

Considérant que, dans l'action en rectification d'erreur de calcul, il ne s'agit pas de faire rétracter le jugement, mais seulement de rétablir la vérité des chiffres, que ce n'est donc pas la voie de la requête civile qu'il convient de prendre pour arriver à cette rectification;

Considérant que si, dans certaines circonstances, l'erreur de calcul peut se révéler par suite de l'examen attentif du jugement, il en est d'autres où elle ne peut apparaître qu'après l'investigation sérieuse et nouvelle des registres, des comptes, ou après les opérations de comptage de matériaux ou autres objets mobiliers;

Considérant qu'exiger, sous peine de déchéance de l'action, que l'erreur matérielle soit démontrée par le jugement lui-même, ou qu'elle soit signalée au moment de ce jugement, serait demander souvent l'impossible et exposer le juge à commettre des erreurs irréparables alors qu'un simple calcul arithmétique suffirait pour réparer cette erreur, sans, du reste, porter atteinte à l'autorité de la chose jugée;

Considérant, dans l'espèce, qu'en entérinant le rapport des experts et en prononçant le cantonnement demandé, le tribunal n'a pas jugé que les parcelles abandonnées contenaient 13,476 arbres et non 21,188, puisque cette question ne lui avait pas été soumise et qu'il a simplement adopté le comptage des experts; qu'à cette époque le demandeur n'avait aucun motif pour croire erroné;

Considérant que si cette erreur venait aujourd'hui à être démontrée, il s'agirait, non de rétracter le jugement du 3 novembre 1858, mais simplement de réduire, soit en nature, soit en argent, le capital du cantonnement accordé par suite de l'erreur;

Considérant qu'une pareille disposition serait en tout conforme aux termes de l'article 541 du Code de procédure civile et que, dès lors, la fin de nonrecevoir doit être rejetée;

Au fond: Considérant que dépourvu d'une preuve établissant contradictoirement l'erreur dont il argumente et ne possédant pour l'établir que les résultats d'une opération de comptage unilatérale exécutée par le sieur Vautier, inspecteur des forêts, en retraite à Sarrebourg, le demandeur provoque subsidiairement une expertise;

Considérant que cette opération est légale, mais que la défenderesse soutient qu'elle est devenue impossible par suite de la crue des arbres depuis le moment de l'expertise de 1857;

Considérant que le tribunal ne possède pas les renseignements et les notions forestières suffisantes pour reconnaître, dès à présent, si aujourd'hui il est encore possible aux hommes de l'art de déterminer avec certitude quel a été le nombre et la dimension des arbres qui se sont trouvés sur les parcelles dont s'agit en 1857 ; - Que cette question sera nécessairement la premiere à examiner par les experts, lesquels, en cas de solution affirmative seulement, devront procéder à l'opération de comptage et de mesurage;

Considérant que la question de savoir si, au cas où la prétendue erreur des premiers experts serait reconnue, il y aura lieu de réparer cette erreur, soit par l'abandon de sol et superficie d'une partie du terrain cantonné, soit par une restitution en argent, ne saurait être décidée quant à présent, et qu'il importe de la renvoyer après l'opération des experts; Que toutefois, et dans le cas où les experts constateraient l'existence d'une erreur saisissable, il convient, pour éviter les frais d'une nouvelle opération, de leur donner mission de fixer la valeur en argent des arbres excédant le nombre de 13,416 et en même temps de déterminer un canton d'un seul tenant, valant en fonds et superficie ladite somme en argent, lequel canton sera pris dans la partie de la forêt la plus voisine de celle qui appartenait autrefois au demandeur; Par ces motifs, sans s'arrêter aux fins de non-recevoir, lesquelles sont déclarées mal fondées, avant faire droit; ordonne que par un ou trois experts convenus entre les parties, sinon par le sieur Royer, sous-inspecteur des forêts á Schelestadt, Marande, inspecteur des forêts en retraite, à Benfeld, et Gonin, Sous-inspecteur des forêts, à Strasbourg, que le tribunal nomme d'office, serment préalablement prêté entre les mains de M. le président du siége, les parcelles no 1 à 7 indiquées au proces-verbal d'expertise, le 27 décembre 1857, et homologué par jugement du 30 novembre 1857, seront vues et visitées pour vérifier et reconnaître : 1° si, en l'état actuel des choses, il est possible de constater quel a été, en 1857, le nombre et la dimension des arbres, au-dessus de 15 centimètres de diamètre mesurés à 1m,33 du sol, qui se trouvaient auxdites parcelles, et 2o en cas d'affirmative, quel est, dans chaque parcelle, le nombre et le diamètre de ces arbres, ainsi que de ceux qui auraient été enlevés depuis l'expertise, s'il est possible d'en reconnaître les traces; ordonne que dans ce cas les experts se conformeront pour la classification par grosseur des arbres de 15 centimètres de diamètre et au-dessus, aux indications fournies par les tableaux de l'expertise de 1857, contenant le détail du matériel existant sur les sept parcelles abandonnées à titre de cantonnement; -Ordonne, en outre, qu'au cas où les experts constateraient l'existence, en 1857, d'un nombre plus considérable d'arbres que le chiffre de 13,476, aux dimensions indiquées, ils en fixeront la valeur en argent et en même temps détermineront un canton d'un seul tenant, valant en fonds et en superficie ladite somme en argent, lequel canton sera pris dans la partie de la forêt la plus voisine de celle qui appartenait autrefois au demandeur: - Ordonne que du tout les experts dresseront un procès-verbal circonstancié qu'ils déposeront au greffe du siége pour, sur sa production, être fait droit aux parties; Réserve les dépens.

Du 14 août 1861.

No 81.

TRIBUNAL CORRECTIONNEL D'ISSOUDUN. 13 novembre 1861.

Permis de chasse, date, validité, production, poursuites, amende et dépens. - Arrêté préfectoral, nullité.

Le permis de chasse est valable du jour où le préfet y a apposé sa signature et non du jour de sa remise à l'impétrant (1).

(1) Cette solution est conforme à la jurisprudence de la Cour de cassation

La loi du 3 mai 1844 n'a pas attribué le caractère de délit au fait de chasser sans être porteur du permis délivré par le préfet (1). En conséquence, l'individu poursuivi pour avoir chassé sans permis n'est passible d'aucune peine s'il fournit, devant le tribunal, la preuve qu'il était en règle au moment où il a été rencontré par le garde (2), Est illegal l'arrêté préfectoral qui prescrit aux chasseurs d'exhiber leurs permis à toute réquisition des agents de l'autorité (3).

(Ministère public c. Maronier.)

Le sieur Maronier a été traduit devant le tribunal correctionnel d'Issoudun, pour avoir chassé le 31 août 1861, avant d'avoir reçu le permis de chasse dont il avait demandé la delivrance. Les conclusions prises contre lui tendaient à le faire condamner aux peines portées par la loi du 3 mai 1844 contre ceux qui chassent sans permis. Le ministère public concluait subsidiairement à l'application de l'amende édictée par l'article 475, no 15 du Code pénal, pour infraction à un arrêté du préfet de l'Indre, du 29 juillet 1861, portant que les chasseurs seront tenus d'être porteurs de leur permis et de le produire à toute réquisition des, gardes.

Dans l'intérêt du prévenu on répondait que son permis de chasse ayant été signé, c'est-à-dire délivré par le préfet, le 30 août, il avait pn, à dater de ce jour, exercer régulièrement le droit de chasse, encore bien que ce permis ne lui eût pas encore été remis; qu'en effet la loi du 3 mai 1844 n'a pas attribué le caractère de délit au fait de chasser sans être porteur du permis accordé par l'autorité compétente, et qu'il n'appartient pas au préfet d'ajouter à la loi et de convertir en une contravention punissable un acte que le législateur n'a pas cru devoir atteindre.

JUGEMENT.

LE TRIBUNAL Considérant qu'il est établi que le prévenu est possesseur d'un permis de chasse qui lui a été délivré par l'autorité compétente à la date du 30 août dernier, veille du jour où il a été dressé proces-verbal contre lui; qu'il n'a par conséquent pas contrevenu à la loi de 1844 sur la chasse ; que c'est le cas, dès lors, de le renvoyer de ce chef;

Considérant qu'aux termes de la jurisprudence (arrêt de cassation, 15 décembre 1855, voir Dalloz, 1856, 1, 95), si l'autorité administrative a le droit, en vertu de l'article 471, no 15 du Code pénal, de prendre des arrêtés et dé faire des règlements pour assurer l'exécution des lois, elle ne peut en aucune manière ajouter à leur texte et trouver matière à contravention dans un fait qui n'est pas compris dans leur prévision;

Considérant que le fait de n'être pas porteur de son permis de chasse n'est pas compris au nombre des délits prévus par la loi de 1844, et ne faisant pas partie des cas dont le réglement appartient aux préfets, cas exceptionnels et qui sont étrangers à ce qui regarde le permis de chasse, il s'ensuit qu'on ne doit considérer l'injonction énoncée dans l'article 7 de l'arrêté préfectoral de

voir crim. cass., 24 septembre 1847, affaire Reymond et Aubert, et 4 mars 1848, affaire Dartigole, A. F. B., 4, p. 255, 269 et 364.

(1-2) Voir, en ce sens, crim. rej., 6 mars 1846, affaire Gonet, et 15 décembre 1855, affaire Bourgeois, id., 3, p. 176 et 7, p. 33; Caen, 8 mai 1845 (D., 45, 4, 73), et Rouen, 1er février 1850, affaire Chatain, A. F. B., 5, p. 104. - Notons toutefois que les fermiers de la cha-se dans les bois de l'Etat seraient passibles des peines portées par l'article 11, no 5, de la loi du 3 mai 1844, si, contrairement aux clauses du cahier des charges, ils n'exhibaient pas leur permis de chasse à toute réquisition des agents et préposés.

(3) Voir, comme analogie, crim. rej., 23 juillet 1858, affaire Picheret, A. F. B., 8, p. 60.

l'Indre, en date du 29 juillet 1861, que comme ayant eu pour but la fidéle exécution de la loi, et non de constituer une contravention non prévue par celle-ci ; Qu'ainsi, la contravention à l'arrêté préfectoral reprochée au prévenu n'étant pas justifiée, il y a lieu de le renvoyer sur ce second chef; En ce qui touche les dépens: Considérant que les frais n'étant qu'un accessoire et devant suivre le sort du principal, le prévenu ne saurait y être condamné;

Par ces motifs, déclare la plainte mal fondée contre le sieur Maronier; en conséquence l'en renvoie sans dépens.

Du 13 novembre 1861.- (MM. Bouyonnet, pr.; de Champdavid, proc. imp.)

N° 82.

COUR DE CASSATION (Ch. crim.).

22 novembre 1861.

Marteau de l'Etat, contrefaçon, fausses empreintes.

L'article 140 du Code pénal ne punit pas seulement celui qui contrefait le marteau de l'Etat servant aux marques forestières ou qui fait usage d'un faux marteau, il atteint également celui qui contrefait, à l'aide de quelque instrument ou procédé que ce soit, l'empreinte de ce marteau avec l'intention de le faire passer pour la marque de l'Etat (1). Toutefois, pour que le crime prévu par cet article existe, il faut, quelle que puisse être l'intention frauduleuse de l'opération, qu'elle se produise par un fait caractérisé, c'est-à-dire par une imitation ou une tentative d'imitation de la véritable empreinte, quelque imparfaite qu'elle puisse être.

Ine suffirait pas que l'inculpé eût fait des blanchis sur les arbres réservés et qu'il eût tracé avec un compas, sur ces blanchis ou miroirs, une circonférence de la dimension de la tête du marteau de l'Etat, s'il n'y a figuré ni essayé d'y figurer les lettres A. F., qui forment la marque de l'administration forestière (2).

(Ministère public c. Corbe.)

Le ministère public s'est pourvu en cassation contre un arrêt du 31 octobre 1861, par lequel la Chambre des mises en accusation de la Cour impériale de Rennes a déclaré n'y avoir lieu à suivre contre le sieur Corbe, poursuivi pour avoir apposé sur des arbres réservés de fausses empreintes du marteau de l'Etat, crime prévu par l'article 140 du Code pénal. Cet arrêt, qui rend d'ailleurs hommage aux principes posés par les arrêts de la Cour de cassation des 21 octobre 1813 et 5 décembre 1844, repose sur ces motifs, qu'en fait il n'y avait eu ni imitation quelconque ni contrefaçon de l'empreinte du marteau de l'Etat, et que, par suite, le crime reproche au sieur Corbe n'existait

pas.

ARRÊT.

LA COUR ; Attendu que l'article 140 du Code pénal ne punit pas seulement celui qui contrefait le marteau de l'Etat servant aux marques forestières, ou

(1) Cela est conforme à deux arrêts de la Cour de cassation en date des 21 octobre 1813, affaire Rame, et 5 décembre 1844, affaire Rabault.

(2) L'empreinte du marteau de l'administration forestière n'est pas seulement formée par les lettres A. F., mais aussi par le cercle qui les entouré. On pourrait donc soutenir, avec le procureur général à Rennes, que l'imitation d'une portion de l'empreinte suffit pour constituer le crime de falsification prévu par l'article 140 du Code pénal.

qui fait usage du marteau contrefait ; qu'il atteint également celui qui contrefait, à l'aide de quelque instrument ou procédé que ce soit, l'empreinte de ce martean, avec l'intention de la faire passer pour la marque de l'Etat, quel que soit, d'ailleurs, le plus ou moins d'exactitude dans l'imitation de la véritable empreinte ;

Attendu que l'arrêt attaqué, tout en admettant cette doctrine, déclare que le fait incriminé consiste en ce que l'inculpé aurait fait des blanchis sur des arbres réservés, qu'il voulait faire passer pour des arbres délivrés, et aurait tracé avec un compas sur ces blanchis ou miroirs une circonférence de la dimension de la tête du marteau de l'Etat, mais sans y figurer ni essayer d'y figurer les lettres A. F., qui forment la marque de l'administration forestière; Que, quelle que pût être l'intention frauduleuse de l'opération, toujours fallait-il, pour qu'il y eût crime de faux, qu'elle se fût produite par un fait caractérisé, c'est-à-dire par une imitation ou une tentative d'imitation de la véritable empreinte, quelle qu'imparfaite qu'elle pût être; que l'arrêt affirme que ce tracé, dans l'intérieur, restait en blanc, n'intitait en aucune sorte la marque de l'État et ne pouvait avoir pour effet de surprendre l'attention, même superficielle, des agents forestiers.

Que, dans cet état des faits, l'arrêt a pu, sans violer l'article 140 du Code pénal, ni aucune autre disposition législative, déclarer un non-lieu à défaut d'existence d'une imitation quelconque ou contrefaçon d'empreinte ; — Rɛ

JETTE.

-

Du 22 novembre 1861. (MM. Legagneur, rapp.; Savary, av. gén.; Dareste. av.)

N° 83. COUR IMPÉRIALE DE NANCY (Ch. corr.).

3 déc. 1861.

Bois soumis au régime forestier, distance prohibée, scierie, arbres, introduction, population agglomérée, déclaration.

-

Excuse, bonne foi.

Poursuites, administration forestière, conclusions, changement.

Le propriétaire d'une scierie établie à distance prohibée d'un bois soumis au régime forestier, sur les chantiers de laquelle ont été trouvées des billes non contrôlées par l'administration forestière, ne peut échapper à la peine édictée par l'article 158 du Code forestier qu'en prouvant que ladite usine fait partie d'un village ou hameau formant une population agglomérée (1).

En supposant qu'une déclaration d'agglomération fût un titre suffisant qui le dispensât de prouver le fait d'agglomération, il serait nécessaire que cette déclaration émanât du gouvernement lui-même, et qu'elle fût produite, comme les autorisations de construire, sous la forme d'une ordonnance ou d'un décret contre-signé par le ministre des finances (2); il ne suffirait pas d'un avis émis par un agent fores

(1) Le fait que punit l'article 158 du Code forestier, c'est la réception dans la scierie d'arbres, billes ou troncs qui n'ont pas été préalablement reconnus par le garde forestier, et marqués de son marteau. Mais plusieurs arrêts ont décidé que le chantier d'une scierie est une partie intégrante de cette usine, et qu'ainsi les billes trouvées sur ce chantier doivent être envisagées, sous le rapport de la contravention, comme si elles avaient été transportées dans la scierie même. Voir crim. cass., 13 mars 1829, affaire Derbez; 14 avril 1837, affaire Savoie; Nancy, 31 mars 1839, affaire Fellerath; Voir aussi MM. Meaume, Comment., no 1108, et Dalloz, Rép. forest., no 955.

(2) Les autorisations de construire sont accordées aujourd'hui par les préfets, aux termes de l'article 3 du décret du 25 mars 1852.

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