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tier incompétent pour accorder l'autorisation de construire et, par conséquent, pour en dispenser. Une déclaration d'agglomération, même régulière en la forme, cesse de produire effet du moment où le fait d'agglomération a cessé d'exister; ainsi l'administration forestière est toujours recevable à prouver que la scierie établie à distance prohibée n'est plus, comme à l'époque de la déclaration, entourée d'une population agglomérée, et les tribunaux correctionnels ont qualité pour vérifier ce fait.

Ne peut être considérée comme faisant partie d'une population agglomérée une scierie près de laquelle se trouvent deux maisons habitées par le propriétaire de l'usine, sa famille et ses serviteurs ou agents, et, en outre, deux autres maisons distantes l'une de 300 et l'autre de 900 mètres, de chacune desquelles on ne peut apercevoir l'usine (1). Peu importe également qu'il existe, à 1,500 mètres de la scierie, un hameau ayant vue sur elle, et que près de cette scierie passent des chemins publics qui présentent à l'administration forestière des garanties de surveillance (2).

Les infractions aux articles 151 et 158 du Code forestier constituent de simples contraventions qui résultent du fait matériel seul, abstraction faite de l'intention, et dès lors elles ne sont pas excusables à raison de la bonne foi de leur auteur (3).

(1-2) Lorsque l'article 406 du Code forestier fut soumis à l'examen de la Chambre des pairs, une discussion s'éleva sur ce qu'il fallait entendre par population agglomérée. Comment distinguer d'une manière précise, disait-on, dans les campagnes où les maisons des villages sont souvent éparses et éloignées les unes des autres, si une maison doit être considérée comme faisant partie d'un village, ou comme maison isolée ? Peut-être, ajoutait-on, eût-il été à désirer que la rédaction fût plus précise à cet égard. — A quoi il fut répondu par M. de Martignac, commissaire du gouvernement, qu'il était difficile de trouver des expressions plus précises que celles dont la loi s'était servies; qu'il était bien peu de cas où l'on ne puisse discerner, sans controverse possible, si la maison nouvellement construite fait ou non partie d'une agglomération de maisons qualifiée de village ou de hameau; et enfin que, si quelque difficulté venait à s'élever à ce sujet, elle serait nécessairement soumise aux tribunaux, qui jugeraient d'après les circonstances. Plusieurs Cours ont été appelées à résoudre la question, mais on comprend facilement que l'appréciation qu'elles avaient à faire comportant nécessairement un certain arbitraire, il ne faut pas s'attendre à trouver dans leurs décisions une parfaite barmonie. Ainsi, un arrêt a jugé qu'on doit considérer comme faisant partie intégrante d'un village, une maison qui s'en trouve à 167 mètres (Metz, 22 août 1838, Dalloz, Rép. forest., no 963). Un autre arrêt a décidé qu'une scierie, bien que retirée à une distance de 100 mètres d'un hameau dont elle porte le nom, ne doit pas être considérée comme faisant partie d'une population agglomérée (Grenoble, 5 mars 1835, Dalloz, loc. cit.). Mais il est évident que, dans l'espèce actuelle, une scierie ne pouvait être considérée comme faisant partie d'un hameau dont elle est séparée par une distance de 1,500 mètres.

Quant au nombre de maisons nécessaire pour composer une population agglomérée, c'est encore un point abandonné par la loi à l'appréciation discrétionnaire des tribunaux. Une lettre émanée de l'administration forestière, en date du 30 novembre 1827, citée par M. Dalloz, op. cit., no 962, considère comme une agglomération la réunion de deux maisons; mais cette opinion n'a rien d'obligatoire pour les tribunaux. D'un autre côté, l'administration entendait sans doute, que les deux maisons étaient habitées par des familles différentes. Or, l'arrêt que nous rapportons, en reconnaissant qu'il existait près de la scierie deux maisons, constate en même temps que ces deux maisons étaient occupées par la famille et par les domestiques ou agents du propriétaire de la scierie.

(3) Cette décision est conforme à la jurisprudence. Voir crim. cass., 20 juin 1823, affaire Noël; Dalloz, Rép. forest., no 959.

L'administration forestière, poursuivant la répression des délits forestiers, n'est pas liée par les conclusions de la requête d'appel rédigée par celui de ses agents qui l'a représentée devant le tribunal correctionnel; ces conclusions peuvent être modifiées par l'agent chargé de suivre l'appel devant la Cour, alors, d'ailleurs, que les conclusions ainsi modifiées ne constituent pas une demande nouvelle, et ne sont, dans leur dispositif, que la reproduction littérale de celles qui ont été retenues au jugement de première instance (1).

En tout cas, il suffirait, pour rendre ces conclusions recevables, qu'elles fussent prises devant la Cour par le ministère public (2).

:

(Forêts c. Remy.) — ARRÈT.

LA COUR; Sur la recevabilité des conclusions prises par l'administration forestière Attendu que l'administration forestière n'intente devant la Cour aucune action nouvelle; que les conclusions par elle prises, soit dans la requête d'appel du 22 novembre dernier, signée de l'inspecteur à la résidence de Nancy, soit à l'audience même par le sous-inspecteur chargé de représenter son administration devant la Cour, ne sont dans leur dispositif que la reproduction de celles qui ont été retenues au jugement de première instance; qu'elles sont donc recevables en la forme;

Attendu qu'il importe peu que dans une première requête d'appel du 1er septembre dernier, l'inspecteur à la résidence de Remiremont ait formulé des conclusions différentes, lesquelles n'ont pas été reproduites devant la Cour; que l'administration forestière, indivisible comme le ministère public, et investie par les articles 159, 171, 174 et 183 du Code forestier d'un droit analogue au sien, pour la poursuite des contraventions et délits forestiers, reste toujours libre de prendre, en derniere analyse, les conclusions qu'elle juge opportunes, par l'organe de celui de ses agents qu'elle charge de la représenter à l'audience, et qui devient alors pour elle un véritable dominus litis;

Attendu, en outre, que les réquisitions du procureur général, à qui appartient en cette matiere, comme en toute autre, la plénitude de l'action publique (art. 159 et 184 du C. for.), ont été en tout conformes aux dernières conclusions de l'administration; qu'elles suppléeraient done, au besoin, à l'insuffisance des pouvoirs de l'officier forestier duquel émanent ces conclusions; Au fond Attendu que les infractions aux articles 151 à 158 du Code forestier ne sont pas des délits dont l'intention criminelle ou la mauvaise foi forme un élément indispensable; qu'elles ne constituent que de simples con

:

(1) On admet généralement que l'administration forestière peut exercer l'action publique, concurremment avec le ministère public, pour la poursuite des délits prévus et punis par le Code forestier (Voir Dalloz, op. cit., n° 415, et les autorités qui y sont citées). Cependant, le contraire a été soutenu par M. Lesellyer, Droit crim., t. I, p. 384. Mais son opinion a été péremptoirement réfutée par M. Meaume, Comm. du Code forest., n° 1116, dont M. Dalloz a résumé l'argumentation. Le rôle des agents forestiers chargés de représenter leur administration dans ces poursuites, est donc analogue à celui du ministère public. Or, si le ministère public ne peut, en appel, introduire une demande nouvelle qui n'ait pas subi le premier degré de juridiction, il n'est pas pour cela lié par l'attitude que ses organes ont cru devoir prendre devant le premier degré de juridiction; il ne l'est pas même par l'acquiescement qu'ils auront pu donner au jugement (Voir Dalloz, Rep. gen., vis MINISTÈRE PUBLIC, no 99; crim. rej., 31 janvier 1861, D. P., 61, 1,236; Voir aussi, en ce qui concerne l'administration forestière, Rép. forest., no 436 et suivants.

(2) Voir, sur le droit du ministére public en cette matière, Dalloz, Rep. forest., nos 411, 415 et 416.

traventions qui résultent du fait matériel seul, sans que la bonne foi des contrevenants puisse jamais les rendre excusables; que la prétendue bonne foi de Remy, d'ailleurs contestée par l'administration forestière, n'enlèverait done pas au fait constaté dans le procès-verbal du 10 janvier 1861 son caractère punissable;

Attendu que, quelle que soit l'hypothèse dans laquelle on se place, que l'on considere la scierie du Villerin comme autorisée ou non autorisée à l'époque de sa création, comme ayant ou n'ayant pas acquis, par la prescription, le droit de subsister dans l'avenir, questions dont la Cour n'est pas en ce moment saisie, celle usine située à 240 mètres de la forêt dite d'Hérival, et à 20 mètres de la forêt communale du Val d'Ajol, est incontestablement régie, si elle se trouve dans un état d'isolement, par les articles 157 et 158 du Code forestier, qui forment la règle applicable, suivant les termes généraux et absolus de la loi, aux scieries construites dans le rayon prohibé; que le propriétaire de cette usine ne pourrait être affranchi de la surveillance spéciale et des mesures de police prescrites par ces articles qu'autant qu'il se trouverait dans le cas d'exception prévu par l'article 156 du même Code, c'est-à-dire qu'il existerait au Villerin un village ou hameau formant une population agglomérée; que cette exception d'agglomération est donc le seul moyen peremptoire que puisse invoquer le prévenu pour dépouiller de son caractère delictueux le fait relevé à sa charge par le procès-verbal qui sert de base aux poursuites;

Attendu qu'en supposant qu'une déclaration d'agglomération fit, pour l'impétrant, un titre suffisant qui le dispensât de prouver, contre l'administration forestière, le fait d'agglomération, cette déclaration ne pourrait produire cet effet qu'autant qu'elle serait régulière en la forme, c'est-à-dire qu'elle émanerait du gouvernement lui-même, et qu'elle serait produite sous la forme d'une ordonnance ou d'un décret contre-signé par le ministre des finances, comme l'exigent, pour les autorisations de construire, les articles 155 du Code forestier et 177 de l'ordonnance d'exécution du 1er août 1827; Attendu que la réponse de l'administration forestière notifiée le 22 décembre 1831, à Joseph-Léopold Remy, auteur du prévenu, est dépourvue de l'autorité qui s'attacherait à une déclaration régulière; qu'elle émane d'un fonctionnaire incompétent pour accorder une autorisation de construire, et, par conséquent aussi, pour dispenser de l'autorisation; qu'elle n'est qu'un avis consultatif, donné par un agent dont les pouvoirs se bornaient à émettre une opinion personnelle, avis que l'impétrant n'a pu suivre qu'à ses risques et périls; Attendu, d'ailleurs, qu'une déclaration d'agglomération, obtenue même dans la forme prescrite pour les autorisations de construire, ne pourrait produire des effets irrévocables; que ses conséquences légales et les privileges qu'elle engendre pour le propriétaire d'une usine située à distance pro-hibée, cesseraient nécessairement avec la cause qui les aurait produites, suivant la règle Cessante causa cessat effectus, puisque c'est à la réalité des choses, c'est-à-dire au fait même de l'existence d'un hameau formant une population agglomérée, que la loi attache l'exception établie dans l'article 156; que le fait d'agglomération est essentiellement variable; qu'il peut naître et disparaître par l'effet des vicissitudes que le temps apporte avec lui, et qu'il ne saurait, alors qu'il a cessé d'exister, perpétuer pour une usine située dans le rayon prohibe, des privileges qui n'ont plus leur raison d'être, et qui présentent, pour les forêts voisines, les plus sérieux dangers;

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Attendu qu'il suit de ces principes que l'administration forestière ne peut être irrévocablement et indéfiniment liée par une déclaration d'agglomération, et qu'elle est toujours recevable à prouver que l'état de choses a change depuis l'époque où cette déclaration s'est produite, que l'usine construite à dislance prohibée s'est isolée, qu'elle n'est plus placée dans le centre de popu̟lation agglomérée qui l'avoisinait autrefois;

Attendu que, dans l'espèce, l'administration forestière soutient que la scierie du Villerin est aujourd'hui, et était, dès le 10 janvier 1861, à la date du fait qui a motivé les poursuites, dans un état d'isolement complet; qu'il n'existe plus, près d'elle, de hameau formant une population agglomérée; que la Cour a le droit et le devoir de vérifier quel est, sous ce rapport, le veri: table état des choses, et qu'il lui appartient de décider, en fait, et d'une manière souveraine, la question d'agglomération, en appréciant et en combinant les éléments de conviction fournis par les parties à l'appui de leurs prétentions respectives;

Attendu que l'administration forestière produit un plan des lieux, et qu'elle articule en même temps que le hameau du Villerin ne se composait plus, des le mois de janvier dernier, outre la scierie dont il s'agit, que de deux maisons occupées par Remy, par sa famille, ses domestiques et son sagard salarié; puis d'une maison dite la Racine, appartenant à une veuve Fresse, située à 300 mètres de l'usine, dont elle est séparée par un pli de terrain et par une parcelle de la forêt du Val d'Ajol, qui lui en masquait la vue, et la ferme dite de la Petite-Vigotte, située à 900 mètres de la scierie, aussi cachée pour elle par un rideau d'arbres appartenant à Remy;

Attendu que, de son côté, le prévenu reconnaît l'exactitude du plan produit et des faits articulés par l'administration, en y ajoutant seulement que le hameau de Sirmont, situé à 1,500 metres de distance, a vue sur son usine, et que le Villerin est traversé par deux chemins, l'un vicinal et l'autre d'exploitation forestiere, qui offriraient à l'administration des garanties suffisantes de surveillance;

Attendu que l'administration forestière ne conteste pas ces circonstances de localités, mais qu'elle les considère comme insignifiantes, parce que, d'une part, c'est au Villerin et non au hameau de Sirmont, distant de plus de 1,500 metres, que doit exister l'agglomération de population pour produire l'exception dont se prévaut le défenseur, et que, d'autre part, la loi n'attache pas l'exception dont il s'agit à l'existence de chemins publics, mais seulement à la présence, dans le voisinage de l'usine, de villes, villages ou hameaux, formant une population agglomérée;

Attendu qu'il ressort de l'ensemble de ces documents et des articulations respectives des parties, qu'il n'y a pas entre elles, sur l'état des lieux, une divergence telle, qu'elle puisse rendre une expertise nécessaire;

Attendu que, dans cet état des faits, il est pleinement établi qu'il n'existe plus, au Villerin, un groupe de population agglomérée, pouvant exercer sur la scierie dont il s'agit la surveillance continue et involontaire sur laquelle le législateur a cru pouvoir compter lorsqu'il a consacré l'exception édictée par l'article 156; que cette usine se trouve, au contraire, dans un état d'isolement absolu, et qu'elle est, comme telle, soumise au régime prescrit par les articles 157 et 158 du Code forestier;

Attendu, enfin, que Remy ne dénie pas le fait relevé à sa charge, et d'ailleurs constaté par le procès-verbal du 10 janvier 1861, régulier en la forme, d'introduction, sur les chantiers de la scierie du Villerin, de deux billes, essence de sapin, non contrôlées par l'administration forestière;

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Par ces motifs, faisant droit à l'appel de l'administration forestière, infirme le jugement du tribunal de Remiremont, en date du 18 mars 1861; Décharge l'administration de la condamnation aux frais contre elle prononcée ;Statuant par jugement nouveau, déclare Jean Remy convaincu d'avoir, le 10 janvier 1861, reçu, sur le chantier de la scierie de Villerin, deux billes de sapin non marquées du marteau du garde forestier du canton, et, lui faisant application des articles 158 du Code forestier et 194 du Code d'instruction criminelle, le condamne à 50 francs d'amende et aux dépens.

Du 3 décembre 1861.- (MM. Garnier, pr.; Alexandre, 1er av. gén. c. conf.; Volland, av.)

N° 84. CIRCULAIRE DE L'ADMINISTR. DES FORÊTS, no 820.30 juin 1862. Agents forestiers, mission,

Dépenses, autorisation préalable.

indemnité.

Aucune dépense ne doit être faite, sauf les cas prévus par les règlements, sans l'autorisation préalable de l'administration.

Si les circonstances nécessitaient l'emploi immédiat d'une mesure pouvant donner lieu à une dépense, l'administration devrait en être informée dans le plus bref délai.

Les dépenses irrégulièrement faites seront laissées à la charge des agents.

A l'avenir, les agents qui seront appelés à remplir une mission en dehors de leur circonscription auront droit à une indemnité, laquelle, à moins de décision spéciale contraire, sera réglée conformément à la décision ministérielle du 11 janvier 1845.

Monsieur le conservateur, à plusieurs reprises, mes prédécesseurs ont rappelé aux conservateurs que, sauf les cas prévus par les règlements, aucune dépense relative au service forestier ne doit être faite sans l'autorisation préalable de l'administration (Circ. nos 461 bis, 569 bis et 708).

Cette recommandation ayant été quelquefois perdue de vue, il m'a paru utile de vous la renouveler.

A l'avenir, les agents qui seront appelés à remplir une mission en dehors de leur circonscription auront droit à une indemnité, laquelle, à moins de décision spéciale contraire, sera réglée conformément à la décision ministérielle du 11 janvier 1845.

Cette règle ne comporte pas d'exception en ce qui touche les opérations de balivage, de martelage et de récolement; mais, pour restreindre les dépenses dans les limites de la plus stricte économie, je vous invite à tenir rigoureusement la main à ce que les inspecteurs prennent la plus large part possible à ces opérations.

Ce n'est que dans des cas exceptionnels que les inspecteurs peuvent se faire suppléer, par un chef de cantonnement, dans cette partie importante de

leur service.

Lorsqu'il y aura des raisons suffisantes de croire que les opérations ne pourront avoir lieu sans entraîner le déplacement d'un agent hors de sa circonscription, vous devrez soumettre à mon approbation, avant le 15 février de chaque année, après l'avoir révisé avec soin, l'état de répartition des travaux de la campagne.

Si les circonstances imprévues vous placent dans la nécessité de prendre d'urgence une mesure de nature à donner lieu à une dépense, vous devrez en référer immédiatement à l'administration, afin de la mettre à même de ratifier celte mesure et de régulariser la dépense.

Toute dépense faite irrégulièrement sera laissée à la charge de l'agent qui l'aura autorisée.

Je ne saurais trop vous recommander, monsieur le conservateur, de veiller à ce que les instructions qui font l'objet de cette circulaire soient ponctuellement observées. - Recevez, etc.

Du 30 juin 1862.

Signé: H. VICAIRE.

NOTA. Les indemnités de voyage et de séjour à allouer aux agents et préposés du service extérieur, chargés de missions hors de leur circonscription, ont été fixées ainsi qu'il suit par la décision ministérielle du 11 janvier 1845:

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