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Attendu, d'un côté, que Roger d'Espagne, par l'acte de 1532, fit aux usagers de Bareilles la concession des usages les plus étendus; Qu'ils ont, depuis trois siècles, profité exclusivement des produits des forêts dont il s'agit; Que, non-seulement le titre de concession leur permettait de couper le bois nécessaire pour leurs besoins, mais aussi, en ce qui concerne les hêtres et les sapins, de les arrenter et de les vendre comme le seigneur avait coutume de le faire lui-même;

Attendu, d'un autre côté, que, quelles que soient ces concessions, la commune de Bareilles n'a jamais joui qu'en qualité d'usagère; que même elle n'a jamais épuisé l'entiere possibilité de la forêt de sapins, qui est la plus importante; Que cette possibilité a été évaluée par les experts à 28,028 francs; - Qu'il résulte des documents qui ont été fournis, et dont l'exactitude parait incontestable, que l'émolument usager n'a pas excédé, en moyenne, 17,000 francs par année, pendant l'instance, et que la commune prenait une quantité de bois moins considérable antérieurement, lorsqu'elle se croyait propriétaire; que le produit de l'usage doit nécessairement être réduit par la conversion en pleine propriété, puisqu'il est de principe que l'usager doit perdre en étendue ce qu'il gagne en solidité; Qu'enfin les appelants, indépendamment de leur titre de propriétaire des forêts à cantonner, ont encore le droit de prendre les arbres nécessaires pour l'alimentation de leur scierie; - Que la Cour fera une équitable appréciation des titres, des circonstances qui se rencontrent dans la cause et de tous droits des parties, en décidant que la part de la forêt de sapins et de celle de hêtres à délivrer à la commune, en représentation de ses usages, est d'un tiers en toute propriété ;

Attendu que le moyen, à la fois le plus simple et le plus exact, de déterminer ce tiers est de prendre pour règle la possibilité constatée par les experts et conventie par toutes les parties, c'est-à-dire le revenu annuel (suit là détermination de l'assiette de cantonnement d'après les bases ci-dessus indiquées);

En ce qui touche l'appel incident (sans intérêt);

Sur les dommages-intérêts et les restitutions (sans intérêt);

En ce qui touche les coupes faites par la commune, depuis l'expertise, dans les quartiers qu'elle n'obtient pas à titre de cantonnement:

Attendu que si, dans un mémoire qui a été imprimé et distribué, la commune reconnaît le droit des héritiers d'Uzès à cet égard, cette reconnaissance ne se trouve pas dans les conclusions prises à l'audience;

Attendu que l'exercice des droits d'usage destinés à pourvoir annuellement aux besoins des usagers ne peut être suspendu par l'action des propriétaires en cantonnement qui peut se prolonger pendant un temps indefini, et qui, dans l'espèce, se prolonge depuis près de trente ans; - Qu'en délivrant à la commune les coupes qui lui étaient nécessaires, les propriétaires n'ont fait que payer une dette dont la mise en possession de la commune peut seule les affranchir; Que la commune n'est pas encore en possession de la part qui doit lui revenir; Qu'aucun quartier ne lui avait été assigné par les experts; qu'il résulte du tableau des délivrances produit par les parties de Pujo ellesmêmes (les propriétaires) qu'il a été coupé, depuis l'expertise, 6,890 sapins dans les cantons qui vont être attribués en propriété à la commune, et 8,302 dans ceux qui doivent rester aux parties de Pujo; d'où il apparait que les coupes n'ont pas été réparties entre les divers quartiers de la forêt dans une proportion dont les parties de Pujo aient le droit de se plaindre; - Que, lors, aucune indemnité ne leur est due;

dès

Sur les concessions faites aux communes de Bordères et de Jezeau (sans intérêt);

Sur l'indemnité due à raison des entraves apportées au roulement de la

scierie:

Attendu qu'il est constaté, par le procès-verbal du 17 décembre 1842, que

la scierie existait à cette époque et qu'elle était en état de fonctionner; Que, le duc d'Uzès ayant voulu faire couper les arbres qu'il destinait à y être façonnés en planches ou autrement, le maire de Bareilles fit prendre les armes à un certain nombre d'habitants et procéda à l'arrestation des ouvriers; Que les appelants ont été mis ainsi, par la violence, dans l'impossibilité d'exercer leur droit, et qu'ils demandent que la commune soit condamnée à leur faire compte de tout le bois que l'usine aurait pu débiter depuis cette date du 17 décembre 1842; Que la demande des héritiers du duc d'Uzės serait fondée si la commune avait épuisé l'entiére possibilité de la forêt, puisqu'il serait vrai, dans ce cas, qu'elle aurait détourné à son profit le bois qu'elle empêchait les appelants de façonner dans leur usine; mais qu'il est reconnu qu'elle n'a profité des produits de la forêt que dans une proportion d'environ 60 pour 100; qu'on peut, dès lors, supposer que la plus grande partie des arbres que la commune a empêché de porter dans la scierie sont encore sur pied, et que les appelants les trouveront dans la portion de la forêt qui doit leur rester, affranchie de toute servitude; Que, par cette considération, la Cour croit pouvoir réduire l'indemnité réclamée à une somme de 10,000 francs;

Attendu que les héritiers du duc d'Uzès demandent encore à être admis à répéter contre la commune la possibilité non absorbée sur les quartiers de la forêt qui lui sont attribués en représentation de ses droits d'usage; - Attendu que si cette possibilité n'a pas été entièrement épuisée, on ne peut en trouver la cause que dans le défaut de roulement de la scierie; mais que, la commune étant condamnée à payer une indemnité pour avoir empêché l'usine de fonctionner, on ne pourrait, sans faire double emploi, autoriser les parties de Pujo à prendre encore sur le lot de la commune les arbres que la scierie aurait pu débiter;

Attendu, quant aux dépens, que ceux de l'expertise doivent être supportés par chaque partie dans la proportion de son émolument, qui est, pour les parties de Pujo, des deux tiers; que les autres dépens ayant été, en grande partie, occasionnés par des contestations de la commune dans lesquelles elle succombe, il est juste qu'elle en supporte la plus grande partie;

Par ces motifs, déclare que les parties de Pujo (les propriétaires) ont le droit de couper les arbres nécessaires pour l'alimentation de la scierie qu'ils ont établie sur le territoire de Bareilles, et ayant égard soit à cette faculté, soit à tous autres droits résultant pour les parties du titre du 25 janvier 1532 et des jugements et arrêts intervenus entre elles; - Déclare que la part qui doit être attribuée à la commune, en représentation de ses droits d'usage sur la forêt de hêtres et sur celle de sapins, est d'un tiers en toute propriété (suivent la désignation des cantons et diverses mesures d'exécution); Quant à la valeur des coupes effectuées depuis l'expertise et dont les parties de Pujo ont demandé la restitution, ainsi qu'à la demande desdites parties en répétition de la possibilité qui n'aurait pas été absorbée par les exploitations, en déboute lesdites parties de Pujo; Condamne la partie de Fanau (la commune) à payer aux parties de Pujo une somme de 10.000 francs, à titre de dommages-intérêts pour les entraves apportées par elle au roulement de la scierie; le surplus du jugement sortissant effet.

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Du 13 août 1861. (MM. Brascou, pr.; Lamotte d'Incamps, 1er av. gén.; Boyer (du barreau de Nimes), et Vaucher (du barreau de Bordeaux), av.)

NOTA. La commune de Bareilles a formé, contre cette décision, un pourvoi en cassation, qui a été rejeté par un arrêt de la Chambre des requêtes, du 2 juillet 1862, dont nous donnerons prochainement le texte.

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Dunes et landes, semis et plantations, exemption d'impôt.

La loi du 18 juin 1859, qui exempte de tout impôt pendant trente ans les semis et plantations de bois sur les dunes et dans les landes, n'est applicable qu'aux semis et plantations effectués depuis sa promulgation (1).

Pour jouir de cette exemption, le contribuable n'est pas tenu de faire, préalablement aux travaux de semis ou plantation, la déclaration prescrite par l'article 117 de la loi du 3 frimaire an VII (2).

(Alibert c. min. des finances.)

M. Alibert possède sur le territoire de la commune de Lesparre (Gironde), un domaine de 167 hectares, dont 47 hectares ont été défrichés et ensemencés en pins en 1854, et 34 hectares dans le courant du mois d'août 1859; 30 autres hectares sont défrichés et destinés à être ensemencés en pins, et enfin les 60 hectares restant sont en nature de landes et de terres labourables. M. Alibert s'est pourvu devant le Conseil de préfecture de la Gironde, à l'effet d'obtenir la décharge de la contribution foncière à laquelle il a été imposé pour l'année 1860, à raison de la totalité de ces landes.

Le Conseil de préfecture a opposé à cette réclamation une fin de non-recevoir tirée de ce que la propriété étant déjà imposée, ne pouvait, en vertu du principe de la fixité des évaluations cadastrales, être distraite de la matière imposable. Il a en conséquence rejeté la réclamation par un arrêté du 28 août 1860, contre lequel M. Alibert a formé un recours devant le Conseil

(1-2) Cette décision est conforme aux instructions données par le directeur géneral de l'administration des contributions directes, dans une circulaire du 24 juin 1861, dont extrait suit:

« La loi (du 18 juin 1859) modificative du Code forestier ayant été promulguée le 19 novembre 1859, les semis et plantations de bois effectués avant cette époque devront continuer à être régis, quant à l'impôt, par l'ancien article 225 de ce Code, et l'exemption en ce qui les concerne devra être limitée à vingt années. Quant aux landes, qui étaient déjà plantées à la même époque, elles conserveront leur cotisation actuelle pendant trente ans, à partir du semis et de la plantation, conformément à l'article 113 de la loi du 3 frimaire an VII.

L'administration, dans la pensée que l'article 225 du Code forestier n'était qu'une extension des dispositions de la loi de l'an VII, qui règlent la manière de cotiser les terrains des eches, défriches, semès ou plantes en bois, avait cru pouvoir en induire que les formalites prescrites par cette loi, notamment la déclaration préalable dont il est ici question à l'article 117, devaient être également observes pour les semis et plantations sur les dunes et sur le sommet ou le penchant des montagnes. Mais cette interprétation n'a pas été admise par le Conseil d'Etat. D'après la jurisprudence consacrée par deux arrêts des 27 août 1839 (alfaire Tonnelier, Yonne) et 5 août 1854 (affaire Meriand, Vendée, A. F. B., 7, p. 2), le propriétaire qui a droit à l'exemption peut la réclamer, alors même qu'il n'aurait pas rempli les formalités prescrites par l'article précité. La décision qui intervient sur sa demande sert de titre pour régler le dégrèvement pendant toute la durée de l'exemption.

« Les dégrèvements de l'espèce doivent, comme ceux relatifs aux autres exemptions temporaires prononcées en vertu de la loi du 3 frimaire an VII, être impùtés sur le fonds de non-valeurs. Aux termes de deux circulaires ministérielles, des 1er mars 1830 et 10 mai 1832, les remises ou modérations accordées pour des terrains detriches ou plantés en bois devraient être réimposées; mais un arrêt du Conseil d'Etat a infirme les dispositions de ces circulaires, qui, dès lors, ont dû être considérées comme non avenues. >>

a Signe H. DE JANVRY. »

d'Etat. Ce recours est fondé sur ce que ses 167 hectares de landes sont semes ou destinés à être semés en bois; que dès lors il a droit à l'exemption de la contribution foncière, par application de l'article 226 de la loi du 18 juin 1859, modificative du Code forestier.

Le pourvoi a été communiqué au ministre des finances, qui a reconnu, avec le requérant, que l'arrêté attaqué n'était pas fonde en droit. « La question à ce point de vue, a dit le ministre, ne saurait être l'objet d'un doute, bien qu'aucun éclaircissement n'ait été donné à cet égard, ni dans l'exposé des motifs, ni dans la discussion de la loi de 1859. A mon avis. il ne s'agit que d'examiner si, dans l'espèce, les terrains nouvellement semés par le sieur Alibert peuvent être considérés comme landes dans le sens de la loi...

«On a objecté que le sieur Alibert aurait dû, pour jouir de l'immunité qu'il sollicite, faire, avant le défrichement de ses terrains, la déclaration prescrite par l'article 117 de la loi du 3 frimaire an VII; cette objection n'est pas fondée. Un arrêt du Conseil d'Etat, du 27 août 1839, affaire Tonnelier, rendu dans des circonstances analogues à celles qui se présentent dans l'affaire actuelle, a décidé qu'en pareil cas l'exemption pouvait être accordée sans déclaration préalable...

« Je suis donc d'avis que le sieur Alibert a droit, pour 1860, au dégrèvement de l'impôt assis sur les landes qu'il a ensemencées en 1859. Ce dégrèvement, aux termes d'un arrêt du Conseil d'Etat du 1er septembre 1832, serait imputable sur le fonds de non-valeurs. »

DÉCRET.

NAPOLÉON, etc.; Vu la loi du 3 frimaire an VII et celle du 18 juin 1859, art. 226;

Considérant qu'il résulte de l'instruction que le sieur Alibert a fait semer en bois 77 hectares de landes qu'il possède dans la commune de Lesparre; que 47 hectares ont été ensemencés en 1854, et 30 hectares dans le courant du mois d'août 1859;

En ce qui touche les 47 hectares ensemencés en 1854; Considérant qu'ils ont été ensemencés avant la promulgation de la loi du 18 juin 1859; que dès lors cette loi ne peut leur être applicable;

En ce qui touche les 30 hectares ensemencés dans le courant du mois d'août 1859: Considérant qu'aux termes de l'article 226 de la loi du 18 juin 1859, les semis et plantations de bois sur le sommet et le penchant des montagnes, sur les dunes et dans les landes, doivent être exempts de tout impôt pendant trente ans ;

Considérant que les 30 hectares qui ont été ensemencés par le sieur Alibert étaient, antérieurement à 1859, à l'état de landes; que dès lors, par application de l'article 226 de la loi précitée, le sieur Alibert doit être déchargé de la contribution foncière assise sur les 30 hectares;

ART. 1er. L'arrêté sus visé du Conseil de préfecture de la Gironde du 28 août 1860 est annulé.

ART. 2. Il est accordé au sieur Alibert décharge de la contribution à laquelle il a été imposé pour l'année 1860, sur le rôle de la commune de Lesparre, à raison de 30 hectares de landes qu'il a fait semer en bois dans le courant d'août 1859.

ART. 3. Le surplus des conclusions du sieur Alibert est rejeté.

Du 24 juillet 1861. (MM. L. Vicaire, rapp.; Chamblain, c. du gouv.)

No 93. COUR IMPERIALE DE TOULOUSE (Ch. corr.). · - 8 février 1862.

Forêts: 1o Délit, dépaissance, action correctionnelle, défensabilité, action civile, sursis; 2° Défensabilité, tribunal correctionnel, visite, compétence, 3o Pâtre, bestiaux, introduction, amende, commune, responsabilité civile.

Lorsqu'une commune, usagère dans un bois de particulier; est poursuivie correctionnellement pour avoir introduit ses bestiaux dans un canton de ce bois, nonobstant une déclaration de non-défensabilité, qui n'a été ni réformée, ni même attaquée devant l'autorité compétente, la poursuite ne peut être arrêtée par un sursis fondé sur l'existence d'une assignation donnée devant la justice civile par la commune au propriétaire du bois grevé, aux fins de faire régler le mode d'exercice des droits d'usage, et de faire déclarer que le canton non défensable devra lui-même être livré à la dépaissance (C. for. 65, 67, 119, 121, 182) (1).

La juridiction correctionnelle n'est pas compétente pour ordonner la visite d'un canton déclaré non défensable, à l'effet de rechercher si ce canton est ou non en nature de bois, et si c'est à tort ou à raison qu'il a été mis en défends par les agents forestiers; une telle recherche constituerait un empiétement sur les attributions de la justice administrative (2).

Lorsqu'en exécution d'un ordre de l'autorité municipale, le pâtre d un troupeau communal a introduit des bestiaux dans un bois âgé de moins de dix ans, non reconnu défensable, et qu'il est directement poursuivi à raison de cette introduction, il doit être condamné à l'amende portée par l'article 199 du code forestier, et non à celle prévue par l'article 76, et la responsabilité de la commune assignée comme civilement responsable doit s'étendre, en ce cas, non-seulement aux réparations civiles et aux frais, mais à l'amende elle-même, en vertu de l'article 72 du même Code (3).

(Rouzaud et cons. c. comm. de Garanon.)

La commune de Garanon est usagère de bois et montagnes situés sur le territoire des communes de Luzenac et Unac, et dont la propriété appartient aux sieurs Rouzaud et consorts. Les 5, 9, 12 et 22 septembre 1861, le nommé - Vacquié, pâtre du troupeau de la commune usagere, agissant en vertu d'un ordre formel du maire et du Conseil municipal, introduisit des bestiaux à cornes dans des quartiers déclarés non défensables par un procès-verbal de l'administration forestière du 7 juin 1860. Des procès-verbaux furent dresses.

(1-2) Voir, à la suite de l'arrêt, les observations qui nous ont été communiquées par notre honorable collaborateur, M. Faivre, directeur de la jurisprudence générale.

(3) Cette décision de la Cour de Toulouse est en opposition avec l'opinion géné ralement adoptée par les auteurs, qui pensent que la responsabilité civile de la commune doit être limitée aux réparations civiles, et que, dans aucun cas, elle ne doit être étendue aux amendes. Voir Jur. gen., vo FORÊTS, nos 1499 et 1500, Meaume, Comment. du Code forest., no 602; Curasson, sur Proudhon, no 433; Coin-Delisle et Frédérich, t. 1, p. 330; Rennes, 29 mai 1839, et Besançon, 26 février 1838, come de Romain.

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