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ou s'adresser directement pour cet objet aux tribunaux (Jur. gén., vo FORÊTS, nos 1443 et suiv.). Si, au lieu de suivre l'une ou l'autre de ces deux voies, elles requièrent l'intervention des agents forestiers, conformément à l'article 151 de l'ordonnance réglementaire du 1er août 1827. quel rôle remplissent ces agents? Ils visitent le bois, et dans le procès-verbal qu'ils dressent à la suite de cette visite, ils donnent leur avis. Mais ils ne font pas acte d'autorité, et la déclaration qu'ils émettent ne porte à aucun degré le caractère de l'imperium. Aussi la Cour de Nancy, dans son arrêt du 15 janvier 1842, précité, se fonde-t-elle notamment sur ce motif que le procès-verbal des agents forestiers « n'a été approuvé par aucune autorité qui pût lui donner le caractère d'un acte administratif. » Or, s'il ne constitue pas en lui-même un acte administratif, il n'a pas le pouvoir d'enlever aux tribunaux ordinaires le droit de statuer sur la question de défensabilité. D'ailleurs le tribunal devant lequel cette question sera portée ne sera pas obligé d'annuler ou de critiquer la déclaration des agents forestiers; il prononcera sur la contestation qui lui sera soumise sans faire mention de cette déclaration, et ainsi il n'encourra pas le reproche d'avoir franchi la limite de son pouvoir, en infligeant une sorte de censure à des agents de l'ordre administratif.

En résumé donc, nous croyons devoir persister dans l'interprétation que nous avions précédemment donnée à l'article 121 du Code forestier, en reconnaissant aux tribunaux civils le droit de statuer sur la défensabilité des bois des particuliers, dans le cas même où l'administration forestière a été d'abord appelée à donner sur la question un avis auquel les parties n'ont pas cru devoir se soumettre.

No 94. COUR IMPÉRIALE D'ANGERS (1re Ch.). 19 février 1862.

Chasse, garde champêtre communal, permis, nullité, délit.

Le permis de chasse délivré par erreur ou surprise à un garde champêtre communal est nul, et, dès lors, ne peut être opposé par ce garde à un procès-verbal qui constate à sa charge un délit de chasse (1).

(Min. public c. Dalifard.)

Le sieur Dalifard, garde champêtre de la commune du Bignon, a obtenu un permis de chasse de l'autorité compétente, qu'avait induit en erreur le changement de prénoms et de qualité du demandeur.

Surpris par la gendarmerie en action de chasse, Dalifard excipa du permis dont il était porteur. Mais le ministère public ne crut pas devoir arrêter la poursuite devant la production de cette pièce, qui n'avait pu être délivrée à ce préposé qu'en violation de l'article 7 de la loi du 3 mai 1844.

ARRÊT.

LA COUR ; Attendu qu'il est constaté par un procès-verbal de Auger (Zacharie) et Husson (Louis), gendarmes à la résidence de Meslay, et qu'il est confirmé par les débats que, le 28 décembre 1861, Dalifard a été rencontré sur

(1) Cet arrêt est contraire à une précédente décision de la Cour de cassation du 28 janvier 1858 (affaire Serre) A. F. B., 7, p. 376), et à l'opinion de MM. Petit, Traité du droit de chasse, t. II, p. 88, et Berryat Saint-Prix, Législ. de la chasse, p. 74; mais il est conforme à la jurisprudence de la Cour de Rouen, arrêt du 20 novembre 1844, affaire Lenoble, A. F. B., 2, p. 349, et à l'opinion de MM. Camusat-Busserolles, Police de la chasse, p. 83; Gillon et Villepin, Code des chasses, p. 162.

le territoire de la commune du Bignon, porteur d'un fusil double, chassant, battant les haies et étant accompagné d'un chien;

Attendu, il est vrai, que Dalifard était nanti d'un permis de chasse à lui délivré le 12 janvier 1861 par M. le préfet de la Mayenne;

Mais attendu que Dalifard exerçait, le 28 décembre 1861, les fonctions de garde champêtre de la commune du Bignon, fonctions pour lesquelles il aurait prêté serment devant M. le juge de paix de Meslay, le 6 juillet 1860;

Attendu que l'article 7 de la loi du 3 mai 1844 défend d'accorder un permis de chasse aux gardes champêtres; que c'est en omettant deux de ses prénoms, en se donnant la simple qualité de propriétaire et en dissimulant sa qualité de garde champêtre, que Dalifard est parvenu à tromper l'autorité et à obtenir un permis de chasse, qui n'eût pu lui être accordé si sa situation véritable avait été connue;

Attendu qu'en supposant même que Dalifard ait obtenu un permis sans employer des manœuvres frauduleuses, il ne pourrait s'en prévaloir, parce que les dispositions formelles d'une loi ne peuvent être infirmées par un acte d'administration;

Attendu qu'un délit de chasse ne peut, en général, être excusé par la bonne foi, et qu'en fait cette excuse serait démentie par les manœuvres qu'a employées Dalifard;

Attendu qu'à tous ces points de vue le permis de chasse délivré à Dalifard est nul; et que Dalifard doit être considéré comme ayant chassé sans permis; Attendu dès lors que le fait reconnu constant à la charge de Dalifard est prévu et puni par les articles 11, 16 et 12 de la loi du 3 mai 1844;

CONDAMNE Dalifard à 100 francs d'amende et à la confiscation du fusil dont il était porteur; le condamne à représenter ce fusil ou à en payer la valeur, que la Cour fixe à 50 francs; condamne en outre Dalifard aux frais du procès. Du 19 février 1862.- (M. Métivier, prés.)

No 95.

COUR IMPÉRIALE DE NANCY (Ch. corr.).

5 mars 1862.

Forêt domaniale, adjudicataire, délit, responsabilité, décharge,

récolement.

L'adjudicataire d'une coupe de bois reste responsable des délits qui peuvent avoir été commis dans sa vente, tant qu'il n'a pas obtenu sa décharge de l'administration forestière, alors même que depuis la vidange de la coupe, il a été procédé au récolement, et que ce récolement n'a donné lieu à aucune réclamation, de la part de l'administration, dans le mois qui a suivi la clôture de l'opération.

(Cunin c. Forêts.)

Le sieur Cunin s'est rendu adjudicataire d'une coupe de bois dans la forêt domaniale de la mairie de Rambervillers. Cette coupe fut exploitée par les frères Roch, cessionnaires médiats de l'adjudicataire primitif demeuré responsable.

Après la vidange de la coupe, un récolement contradictoire eut lieu, à la date du 11 octobre 1860, conformément aux articles 47 et suivants du Code forestier. Ce récolement ne donna lieu à aucune réclamation de la part de l'administration, et le sieur Cunin, suivant une pratique dont l'arrêt que nous recueillons va signaler le danger, se crut absolument déchargé de la responsabilité qui avait pesé sur lui, aux termes de l'article 45 du Code forestier. Mais, le 29 mai 1861, sept mois environ après le récolement, l'administration fo

restière constata, par un nouveau procès-verbal, onze délits d'abatage d'arbres réservés, délits pratiqués et dissimulés d'abord au moyen d'un crime, l'apposition de fausses marques d'abandon.

Les frères Roch, auteurs de ces crimes et délits, furent traduits devant la Cour d'assises des Vosges et condamnés. Mais l'administration des forêts ne s'en tint pas là: elle soutint que le sieur Cunin, l'adjudicataire primitif. était demeuré responsable des délits d'abatage, puisqu'il n'avait pas demandé et obtenu sa décharge, comme le veulent les articles 51 et 45 du Code forestier; elle le traduisft en conséquence devant le tribunal correctionnel d'Epinal, pour le faire condamner à l'amende, à la restitution et aux dommagesintérêts, s'élevant ensemble à 3,414 fr. 78 c., le tout, par application des articles 33, 34, 192, 198 et 202 du Code forestier.

Il a été fait droit à ces conclusions par un jugement du 20 décembre 1861, dont le sieur Cunin a interjeté appel.'" On a soutenu, dans l'intérêt de cet adjudicataire, que l'obtention de la décharge n'est qu'une simple formalité qui ne peut être suppléée par des équipollents, et que cette décharge est acquise de plein droit par ce seul fait qu'il s'est écoulé un mois depuis la clòture des opérations de recolement, puisqu'après ce délai, si l'administration n'a élevé aucune réclamation, le préfet doit, aux termes de l'article 51 du Code forestier, délivrer à l'adjudicataire la décharge d'exploitation. La loi, dit-on, n'a pas voulu que l'adjudicataire restât sous le coup d'une responsabilité qui, au criminel, pourrait se prolonger trois mois, six mois, même trois ans (Code for., 185; instr. crim., 658), suivant les cas, et qui, au civil, ne cesserait que par la prescription trentenaire.

En réponse à ces moyens, l'administration des forêts invoquait l'ancienne jurisprudence qui, sous l'empire de l'ordonnance de 1669, ne libérait l'adjudicataire de sa responsabilité que quand il avait son congé de Cour écrit (la décharge d'aujourd'hui); elle faisait remarquer que, tandis que l'article 47 déclare l'adjudicataire libéré de plein droit par cela seul que, dans le mois de la mise en demeure signifiée à l'agent forestier local, l'administration n'a pas procédé au réarpentage et au récolement, l'article 51 ne déclare pas de même l'adjudicataire libere de plein droit, par cela seul qu'un mois s'est écoulé sans réclamation de l'administration, depuis la clôture des opérations de réarpentage et de récolement; il ajoutait, enfin, que c'est à l'adjudicataire à s'imputer de n'avoir pas sollicité sa décharge écrite après le récolement.

-

que

ARRÊT.

LA COUR; Attendu dans les matières réglées par des lois spéciales, comme l'est la matière forestière, toutes les formalités prescrites par la loi sont de rigueur;

Attendu que l'article 45 du Code forestier est absolu; qu'il déclare les adjudicataires, a dater du permis d'exploiter, et jusqu'à ce qu'ils aient obtenu leur décharge, responsables de tout délit commis dans leurs ventes... ; qu'il n'admet pas d'équivalents; qu'il exige clairement que la décharge ait été obtenue et non pas seulement que l'adjudicataire soit en droit de la demander; Qu'il ne prescrit point une simple formalité qui doive s'accorder sans examen, puisque l'article 99 de l'ordonnance pour l'exécution du Code forestier enjoint aux préfets de ne délivrer aux adjudicataires les décharges d'exploitation qu'après avoir pris l'avis des conservateurs; que l'administration pourrait donc, le cas échéant, mettre obstacle à la délivrance de la décharge; qu'en effet, il peut arriver que, dans l'intervalle du récolement, sans contestation dans le délai voulu, et la délivrance de la décharge, on vienne à découvrir des délits non constatés jusqu'alors; que c'est même ce qui est arrivé dans l'espèce, et ce qui justifie la prévoyance du législateur dans la rédaction de l'article 45 précité;

Attendu, enfin, qu'on ne peut tirer aucun argument de l'article 47 qui pré

voit un cas différent de celui dont il s'agit, et dont le texte est, d'ailleurs, aussi formel pour le cas qu'il prévoit que l'article 45 l'est dans l'espèce actuelle; Par ces motifs, rejette l'appel.

Du 5 mars 1862.

(MM. Garnier, pr.; Alexandre, 1er av. gen.; Bernard,

av.)

CASSATION (Ch. crim.).

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N° 96. COUR DE

Garde particulier, commission, serment, décès du propriétaire. Le décès du propriétaire qui a fait assermenter un garde pour la surveillance de ses propriétés ne met pas de droit fin à la commission de ce garde: il n'est pas même nécessaire que le mandat soit formellement renouvelé par son héritier (1).

Le moyen tiré de ce que le serment prêté par un garde particulier sous un autre gouvernement n'aurait pas été renouvelé sous le nouveau ne saurait être proposé pour la première fois devant la Cour de cassation: il doit être produit et justifié, en fait, devant les juges du fond (2).

(Defaydeau de Brou c. min. public.) —— Arrêt.

LA COUR ; Sur la premiére branche du moyen, prise d'une fausse appli cation prétendue de l'article 224 du Code penal, et d'une violation des articles 1984, 1983 et 2003 du Code Napoléon, en ce que le caractère d'officier de police judiciaire a été maintenu, en 1861, au sieur Bouthors, qui avait été nommé garde particulier par l'ancien propriétaire de la forêt, le sieur Delucheux, en 1837, bien que son mandat eût dù cesser de plein droit en 1859, au décès de Delucheux, et que ce mandat n'eût pas été formellement renouvelé par son héritier;

Attendu qu'une commission de garde particulier n'est pas un simple mandat prenant fin de droit à la mort de celui qui l'a délivrée; - Que le garde particulier ne procede pas au lieu et place de son commettant; qu'il fait ce que celui-ci n'a jamais le droit de faire personnellement; - Qu'il ne reçoit pas son caractère d'officier de police judiciaire de sa seule commission, mais de l'acte de l'autorité compétente qui l'agrée en cette qualité et du serment qu'il prête en justice; qu'il a seulement alors qualité pour rédiger des procès-verbaux faisant foi jusqu'à preuve contraire; Qu'aucune disposition de la loi n'interdit à ce garde de continuer l'exercice de ses fonctions, saus nouvelle commission écrite, du consentement du nouveau propriétaire;

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Sur la deuxieme branche du moyen, tirée de ce que le serment prêté en 1837 par Bouthors, n'aurait pas été régulier, et que, du moins, il eût dù être renouvelé en vertu du décret du 5 avril 1852;

Attendu que c'est pour la première fois que ce moyen est proposé; que, s'il eût été soulevé en appel, la Cour impériale aurait été en situation de vérifier les faits allégués ; qu'il est aujourd'hui non recevable; qu'il n'y a donc pas à examiner subsidiairement si l'irrégularité du serment qui pourrait entacher la foi due aux procès-verbaux du garde serait une excuse valable en faveur de celui qui a outragé ce garde dans l'exercice public de ses fonctions; Attendu d'ailleurs la régularité de l'arrêt (rendu dans la cause par la Cour impériale d'Amiens, ch. corr., le 26 décembre 1862); · REJETTE.

-

Du 14 mars 1862. (MM. Legagueur, rapp.; Guyho, av. gén.; HallaysDabot, av.)

(1) Voir tribunal de Niort, 2 décembre 1854, affaire Papin, A. F. B., 6, p. 259. (2) Voir cass., 1er septembre 1843 et 26 juin 1851.

No 97. — CIRCULaire de l'administr. des forêts, no 821. — 6 août 1862.

Franchises, conservateurs et inspecteurs des forêts.

Les conservateurs et les inspecteurs sont autorisés; pendant leurs tournées, à déléguer le contre-seing à l'employé de leurs bureaux le plus élevé en grade, tout en conservant eux-mêmes le bénéfice de la franchise.

Monsieur le conservateur, l'article 16 de l'ordonnance royale du 17 novembre 1844 sur les franchises a limité la faculté de délégner le droit de contreseing, au cas où le fonctionnaire qui jouit de ce droit est remplacé par un intérimaire.

L'application littérale de cette disposition présentait de graves inconvé nients, au point de vue de l'expédition des affaires, dans les bureaux des conservateurs et des inspecteurs des forêts, pendant la durée des tournées de ces agents supérieurs.

Pour y obvier, S. Exc. le ministre des finances a, par décision du 24 juillet dernier, conforme à l'avis de l'administration des forêts et de l'administration des postes, arrêté les dispositions qui suivent:

« ART 1er.-Les conservateurs et les inspecteurs des forêts sont autorisés, à titre d'exception, à déléguer pendant leurs tournées, leur droit de contreseing à l'agent de leurs bureaux le plus élevé en grade, et à continuer d'exercer eux-mêmes, sur tous les points de leur circonscription, les droits de franchise et de contre-seing attribués à leurs fonctions.

« ART. 2. Les conservateurs et les inspecteurs des forêts feront connaître par écrit, au directeur des postes du bureau de leur résidence, le nom de l'agent sous leurs ordres auquel leur contre-seing sera délégué en vertu de l'article précédent, et lui transmettront en même temps un spécimen autographe de la signature de cet agent.

ART. 3. Les agents des forêts autorisés à exercer par délégation le contre-seing des conservateurs ou des inspecteurs des forêts, au siége de la résidence légale de ces fonctionnaires, contre-signeront de la sorte:

« Pour le conservateur ou pour l'inspecteur des

« forêts de..

« en cours de tournée;

}

L'agent du service des forêts, délégué. »

X ART. 4. Les conservateurs et les inspecteurs en cours de tournée correspondront en franchise avec les agents sous leurs ordres autorisés à exercer par délégation leur droit de contre- seing au siége de leur résidence légale.

« ART. 5.- Le contre-seing des conservateurs et des inspecteurs des forêts en cours de tournée devra faire mention des mots « en cours de tournée v á la suite de la désignation de leurs fonctions.

«ART. 6. Le contre-seing des dépêches, que les agents des forêts autorisés à contre-signer par délégation des conservateurs et des inspecteurs des forêts adresseront à ces fonctionnaires, sera exprimé de la sorte:

« L'agent du service des forêts, délégué. »

La mesure que Son Excellence vient d'adopter aura le grand avantage de faciliter l'expédition des affaires, en permettant aux conservateurs et aux inspecteurs de déléguer leur contre-seing à l'agent de leurs bureaux le plus élevé en grade, tout en conservant eux-mêmes, pendant le cours de leurs tournées, l'exercice intégral du droit de franchise attaché à leurs fonctions.

Pour prévenir toute difficulté d'interprétation, je dois vous faire remarquer, monsieur le conservateur, que le terme d'agent n'a point, dans l'arrêté dont il s'agit, le sens restrictif que lui attribue l'article 11, paragraphe 1o, du Code forestier. Il s'appliqué à tous les employés du service sédentaire, quel

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