Page images
PDF
EPUB

ARRET (après délibéré).

LA COUR ; Attendu que la disposition de l'article 65 du Code forestier qui autorise l'administration à restreindre l'exercice des droits d'usage dans les limites de la possibilité des forêts ne s'applique pas seulement aux droits de pacage, de pâturage et autres dont s'occupent spécialement les articles suivants; qu'elle est absolue, et comprend dans la généralité de ses termes tous droits d'usage quels qu'ils soient;

[ocr errors]

Attendu que ces droits étant tous subordonnés, dans leur exercice, à l'état et à la possibilité qui doivent être déterminés par l'administration, sauf recours au Conseil de préfecture, en cas de contestation, il s'ensuit que tous peuvent étre réglementés et que l'administration forestière a qualité pour fixer le temps et les lieux où il est loisible aux usagers de les exercer;

Attendu que cette administration, qui avait toujours toléré jusque-là, dans la forêt de Reipertswiller, l'enlèvement libre des feuilles mortes par les usagers, a voulu, en 1857, usant du droit de réglementation qui lui appartient, subordonner l'enlèvement à la désignation qu'elle aurait faite préalablement des cantons où il pourrait être opéré sans nuire au sol forestier;

Qu'elle a, en conséquence, officiellement averti, par le garde général des forêts, le maire de la commune de Reipertswiller, qu'elle entendait prohiber désormais tout enlèvement de feuilles mortes dans les cantons non préalablement désignés par elle;

Attendu que ce mode d'avertissement, prescrit à l'égard des communes usagères par l'article 69 du Code forestier, pour l'ouverture de la glandée, du panage et du pâturage, doit être considéré comme suffisant et régulier dans l'espece; que c'est donc à tort que les premiers juges ont déclaré l'administration non recevable dans la poursuite, faute d'avoir mis les usagers en demeure de se pourvoir d'une autorisation préalable;

Faisant droit à l'appel, et statuant à nouveau; Attendu que d'un procèsverbal non attaqué, dressé par un brigadier forestier, le 13 juillet 1860, affirmé le même jour, et enregistré le lendemain, il résulte que Daniel Klopfenstein a, ledit jour, 13 juillet, râtelé et enlevé, dans la forêt de Reipertswiller, une voiture de feuilles mortes, attelée de deux bœufs, en un canton non désigné pour cet enlèvement;

Le déclare coupable du fait délictueux ci-dessus spécifié; pour répression, le condamne, par corps, à 20 francs d'amende, 1 franc de restitution, et aux frais de première instance et d'appel, liquides ensemble à 19 fr. 20; — En vertu des articles 144, 198, 211 du Code forestier, 194 du Code d'instruction criminelle.

[ocr errors]

Du 16 avril 1861. (MM. Pillot, pr.; Laurent, rapp.; de Baillache, pr. av. gén., c. conf.; Koch, av.)

N° 137. COUR DE CASSATION (Ch. crim.).

- 4 juillet 1861.

Frais de justice criminelle, administration publique, partie civile.

Les administrations publiques, parties civiles, doivent, aux termes de l'article 436 du Code d'instruction criminelle, être condamnées à l'indemnité et aux dépens, lorsque la poursuite, dans laquelle elles ont succombé, est relative à la réparation d'un préjudice matériel et pécuniaire.

Il en est autrement lorsque l'agent public qui les représente a reçu de

la loi mission de poursuivre un délit ou une contravention qui intéresse exclusivement l'ordre public (1).

(Mouraille, etc. c. l'Administration de la marine.) — ARRêt.

-

-

LA COUR: Attendu que l'article 636 du Code d'instruction criminelle pose en principe que la partie civile, qui succombe dans son recours, doit être condamnée à l'amende envers le Trésor public, puis à l'indemnité et aux frais envers le prévenu acquitté, absous ou renvoyé ; Que le même article, en dispensant les administrations ou régies de l'Etat et les agents publics qui succombent, du payement de l'amende qui serait sans objet, maintient à leur égard la condamnation à l'indemnité et aux frais envers le prévenu; Qu'ainsi ces administrations et agents publics sont assimilés à la partie civile; Mais attendu que du rapprochement dudit article 436 du Code d'instruction criminelle avec l'article 420 qui le précède et l'article 158 du décret du 18 juin 1891, il résulte que cette disposition n'est applicable qu'aux affaires qui concernent directement l'administration et les domaines ou revenus de l'Etat; Qu'alors, en effet, l'administration poursuit la réparation d'un préjudice matériel ou pécuniaire; qu'elle est réellement partie au procès, et que toute partie, Etat ou simple particulier, doit être soumise aux mêmes conditions;

Qu'il doit en être autrement lorsqu'un agent public a reçu de la loi mission de poursuivre un délit ou une contravention qui intéresse exclusivement l'ordre public; - Qu'il devient alors en quelque sorte un auxiliaire du ministère public et doit échapper comme lui à toute condamnation;

Attendu le décret du 19 mars 1852 sur la navigation maritime impose, par un article 3, à tout capitaine, maitre ou patron, l'obligation d'exhiber à toute réquisition son rôle d'équipage; - Que l'article 6 du même décret dispose que le nom et le port d'attache de tout bâtiment ou embarcation exerçant une navigation maritime sont marqués à la poupe;

Attendu que ces mesures de police sont prescrites dans le double intérêt de la sûreté de la navigation maritime et du recrutement de l'armée navale par l'inscription maritime; -Que l'amende prononcée pour contravention à ces prescriptions n'a, malgré la destination spéciale qui lui est donnée, aucun caractère de réparation civile; - Qu'aux termes de l'article 10 du décret, les poursuites pour contravention à ses dispositions ont lieu à la diligence du ministère public et aussi des commissaires de l'inscription maritime; Qu'en appelant ainsi ces agents à partager l'action du ministère public dans un intérêt d'ordre public, la loi n'a pu les soumettre, au cas où ils succombent dans leur recours, à des réparations qui n'atteignent que la partie civile ou les agents assimilés à la partie civile; D'où il suit que, dans l'espèce, il n'y avait lieu, malgré le rejet du pourvoi, à condamner le commissaire de l'inscription maritime, à la résidence de Cette, à l'indemnité et aux frais envers les demandeurs; Par ces motifs, ᎡᎬᎫᎬᎢᎢᎬ .

Du 4 juillet 1861. Beauvois-Devaux, av.).

-

(MM. A. Moreau, rapp.; Blanche, av. gen.; Plé et

(1) Le principe consacré par cet arrêt semblerait devoir être appliqué à l'administration des forêts, toutes les fois qu'elle poursuit un délit qui intéresse exclusivement l'ordre public et qui ne donne lieu à aucune condamnation à des dommages-intérêts pour préjudice causé au sol forestier domanial, et notamment en matière de constructions à distance prohibée des forêts, de défrichement, etc., etc. Voir, en ce sens, Conseil d'Etat, 16 avril 1851, affaire Delier, et les observations de M. Dalloz, Recueil périod., 1861, 1re partie, p. 355.

1

LÉGISLATION ET JURISPRUDence.

No 138. COUR IMPERIALE DE LYON (Ch. corr.). 14 juillet 1862.

Pêche fluviale, temps prohibé, écrevisses, arrêté préfectoral.

Les dispositions de la loi du 15 avril 1829 sont applicables non-seule-
ment à la pêche des poissons, mais encore à celle des écrevisses et des
autres espèces d'animaux qui vivent dans les eaux courantes et servent
à l'alimentation publique (1).

En conséquence, celui qui se livre à la pêche des écrevisses dans un cours
d'eau, pendant les temps, saisons et heures prohibés par un arrêté pré-
fectoral diment homologué, est passible des peines édictées par l'ar-

ticle 27 de ladite loi.

Les arrêtés préfectoraux ayant pour objet de réglementer l'exercice de la pêche, en exécution de l'article 26 de la loi du 15 avril 1829 et de l'ordonnance du 15 novembre 1830, ne peuvent être assimilés à des arrêtés municipaux dont l'inobservation ne donne lieu qu'à des peines de simple police.

(Ministère public c. Martin.)

Un arrêté du préfet de l'Ain, du 4 octobre 1860, dûment homologué par un décret impérial, a interdit la pêche aux écrevisses, du 1er mai au 31 juillet de chaque année, dans les rivières et cours d'eau de ce département.

Il a été constaté, par deux procès-verbaux, en date des 29 mai et 3 juin 1862, que le sieur Anthelme Martin avait été surpris pêchant aux écrevisses, contrairement aux dispositions de cet arrêté, dans la partie de la rivière du Gland qui traverse le territoire de Saint-Boys.

Le sieur Martin a été traduit, à raison de ces faits, devant le tribunal correctionnel de Belley, pour s'entendre condamner aux peines édictées par l'article 27 de la loi du 15 avril 1829.

Par jugement du 21 juin 1862, le tribunal a statué en ces termes :

« Attendu qu'il résulte des documents fournis au procés que, les deux jours indiqués, le prévenu s'est livré seulement à la pêche aux écrevisses;

Attendu que l'article 5 de l'arrêté préfectoral porte que toutes contraventions à ses dispositions seront réprimées conformément à la loi du 15 avril 1829 sur la pêche fluviale;

Mais attendu que les prohibitions renfermées dans cette loi, et notamment dans les articles 23, 24, 25, 26 et suivants ne portent que sur la pêche des poissons; - Que l'article 26, particulièrement, aux termes duquel des ordonnances doivent régler les temps, les procédés et les engins de pêche et déterminer les dimensions des poissons qui pourront être pêchés, ne s'occupe uniquement que de la pêche aux poissons;

« Attendu que l'écrevisse n'a jamais été et ne peut être rangée parmi les poissons; Que, de sa nature, elle appartient à un genre d'animaux dénommés crustacés ;

(1) Il existe déjà en ce sens deux jugements, l'un du tribunal correctionnel de Besançon, du 11 mars 1843, affaire Melot, et l'autre du tribunal correctionnel de Tours, du 22 septembre, même année, affaire Brette (A. F. B., 1, p. 295, et B., 2, p. 381). La doctrine consacrée par ces jugements est approuvée par M. Dalloz, Rep. gen., vis PÊCHE FLUVIALE, no 86.

Voir, à la suite de la décision que nous recueillons, un arrêt de la Cour impériale de Montpellier, du 10 novembre 1862, affaire Montrouzier, portant que la loi du 15 avril 1829 s'applique également à la pêche des grenouilles dans les cours d'eau.

«Attendu, dès lors, que l'arrêté préfectoral du 4 octobre 1860 n'a point été pris dans les limites de la loi du 15 avril 1829, et que son inobservation ne peut constituer qu'une contravention de simple police; Par ces motifs, condamne Martin à 5 francs d'amende et aux dépens. »

Le ministère public a interjeté appel de ce jugement.

[ocr errors]

Le système admis par les premiers juges, a-t-on dit, repose sur deux propositions: 1° la loi de 1829 ne réglemente que la pêche des poissons; 2o l'écrevisse n'est pas un poisson, c'est un crustacé.

La seconde proposition pourrait être discutée. Le langage du législateur n'est pas toujours le langage de la science. Il est vrai qu'aujourd'hui les nomenclatures zoologiques ne classent pas l'écrevisse parmi les poissous proprement dits; mais elles refusent aussi ce nom à bien d'autres animaux, que le langage ordinaire a toujours appelés ainsi. Dans le langage de la science, par exemple, les baleines et les dauphins sont des mammifères fort éloignés de la classe des poissons, et ce sont cependant des poissons pour le vulgaire. Les écrevisses sont aussi des poissons pour bien des gens, et l'Académie ellemême les appelait ainsi dans son Dictionnaire jusqu'en 1835, c'est-à-dire à l'époque même où la loi de 1829 était discutée et promulguée. L'Académie française a modifié, dans son dernier Dictionnaire, la definition de l'écrevisse, qui avait donné lieu à quelques plaisanteries; elle l'appelle aujourd'hui, comme l'Académie des sciences, un crustacé; mais on peut croire que le législateur de 1829, en employant l'expression de poissous, y comprenait tout ce que le langage vulgaire et le langage même de l'Académie, en ce temps-là, appelait de ce nom.

Le tribunal de Belley nous paraît avoir commis une erreur encore plus signalée dans la proposition premiere. Quel que soit le véritable nom de l'écrevisse, est-il vrai que la loi de 1829 n'ait réglé que la pêche des poissons proprement dits? La loi de 1829, à consulter son titre, règle la pêche fluviale, c'est-à-dire la pêche qui se fait dans les fleuves et riviéres. Or, qu'est-ce donc que la recherche et la poursuite de l'écrevisse? Est-ce une chasse? Est-ce une récolte? Les instruments avec lesquels on prend les écrevisses, ne sont-ce pas des instruments de pêche? L'Académie dit encore aujourd'hui: pécher des écrevisses, la pêche aux écrevisses.

Sous le titre de pêche maritime, nos lois comprennent, avec la pêche des poissons de mer proprement dits, la pêche des coquillages, des huitres et du corail; elles embrassent la pêche de tous les animaux qui vivent dans la mer. Les lois sur la pêche fluviale ont également été faites pour réglementer la pêche de tous les animaux qui vivent dans l'eau des fleuves et rivières.

ARRÊT.

LA COUR; Considérant que l'arrêté du préfet de l'Ain, qui a interdit la pêche de l'écrevisse pendant une partie de l'année, a son principe dans la loi du 15 avril 1829 et ne peut être assimilé à un arrêté municipal dont l'inobservation entraîne des peines de simple police, et que c'est mal à propos que les premiers juges ont condamné Anthelme Martin à l'amende de 5 francs pour un fait de cette nature;

Considérant qu'il importe peu au procès de savoir si, dans le langage de la science, l'écrevisse est classée parmi les poissons proprement dits ou parmi les crustacés; qu'en permettant la prohibition de la pêche pendant une partie de l'année dans les fleuves, rivières et autres cours d'eau, la loi a eu pour objet de protéger contre une entière destruction les espèces qui servent à l'alimentation publique, sans établir les distinctions plus subtiles que sensées entre les différents genres, et, par conséquent, entre les poissons et les crustacés, qu'il suffit qu'il y ait eu pêche dans un cours d'eau en temps prohibé pour qu'il y ait eu délit aux termes de la loi ;

Considérant, en fait, que Anthelme Martin a été surpris pêchant des écre

Visses dans un cours d'eau les 29 mai et 3 juin 1862, alors qu'un arrêté du préfet de l'Ain avait interdit ce genre de pêche dans les rivières et cours d'eau de ce département;

Considérant que ces faits sont prévus et punis par les articles 26 et 27 de la loi du 15 avril 1829;

Par ces motifs,

Déclare le prévenu coupable d'avoir pêché en temps prohibé, aux dates des 29 mai et 3 juin dernier, et, pour ce fait, le condamne à l'amende de 30 francs.

Du 14 juillet 1862.

c. conf.)

N° 139.

[ocr errors]

(MM. Valois, pr.; Debrix, rapp.; Onofrio, av. gén.,

COUR IMPÉRIALE de Montpellier (Ch. civ.). 10 nov. 1862.
Pêche fluviale, poissons, grenouilles, autorisation.

Si la grenouille ne peut être rangée, à proprement parler, dans la caté-
gorie des poissons, elle n'en est pas moins un objet de pêche, qui ap-
partient au propriétaire des cours d'eau dans lesquels elle vit, et dont
on n'a pas le droit de faire la capture sans sa permission (1).
En conséquence, il y a délit, tombant sous l'application de l'article 5 de
la loi du 15 avril 1829, dans le fait de pêcher des grenouilles dans un
cours d'eau sans la permission de celui à qui le droit de pêche appar-
tient.... alors surtout qu'il n'est pas prouvé qu'il n'existe pas de pois-
son dans ce cours d'eau.

(Simonet c. Montrouzier.)

Il a été constaté, par procès-verbal du 29 juin 1862, que le sieur Montrouzier avait été trouvé pêchant à la lance dans un cours d'eau qui traverse une propriété appartenant au sieur Simonet et qu'interpellé sur le point de savoir s'il avait obtenu la permission du propriétaire, il avait répondu aux gardes qu'il ne croyait pas en avoir besoin pour se livrer à la pêche des grenouilles. En suite de ce procès-verbal, le sieur Montrouzier a été traduit devant le tribunal correctionnel de Montpellier, à la requête du sieur Simonet, pour délit de pêche sans permission, prévu par l'article 5 de la loi du 15 avril 1829.

Les gardes rédacteurs entendus à l'audience ont reproduit les énonciations du procès-verbal et déclaré que si l'on peut prendre une carpe ou tout autre poisson à l'aide de l'engin dont se servait le prévenu, d'un autre côté, il y avait lieu de reconnaitre que la partie du cours d'eau dans laquelle Montrouzier avait été surpris n'était peuplée que de grenouilles et ne renfermait aucun poisson.

Conformément aux conclusions de l'inculpé, qui a soutenu que la loi du 15 avril 1829 n'est pas applicable à la pêche aux écrevisses, le tribunal a statué ainsi qu'il suit :

« Sur le délit de pêche : Attendu qu'il est résulté des débats que Montrouzier, avec l'instrument dont il faisait usage, cherchait à prendre des grenouilles, et ne pouvait, surtout au lieu où il a été trouvé par les gardes, prendre que des grenouilles;

« Attendu que la grenouille n'est pas un poisson; Attendu que la loi de 1829 n'a évidemment pour objet que les poissons, et que ses dispositions sont

(1) C'est ce qui a été également décidé à l'égard de la pêche aux écrevisses. Voir l'arrêt qui précède.

RÉPERT. DE législ. foreST. MARS 1863.

T. 1.-17

« PreviousContinue »