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nel de Gap pour délit d'abatage d'arbres dans la forêt domaniale de Durbon. Ces héritiers sont intervenus dans l'instance et ont pris fait et cause pour leur fermier, en soutenant que les exploitations incriminées avaient eu lieu non dans la forêt de Durbon, mais dans des parcelles qui en avaient été détachées lors des ventes nationales des 5 messidor et 19 fructidor an IV.

Renvoyés à fins civiles, par jugement du 12 avril 1861, les héritiers Lachau ont introduit contre l'Etat, devant le tribunal civil de Gap, une action tendant à faire déclarer que les parcelles dont il s'agit leur appartenaient comme ayant été adjugées nationalement au sieur Lachau, leur auteur. -Le préfet des Hautes-Alpes a décliné la compétence du tribunal, en se fondant sur ce qu'il n'appartenait qu'à l'autorité administrative de décider si les parcelles revendiquées avaient été ou non comprises dans les ventes nationales invoquées par les demandeurs.

Ce déclinatoire a été rejeté par un jugement du 18 mars 1862, dont suit la teneur :

« Considérant que si, aux termes du dernier alinéa de l'article 4 de la loi du 28 pluviose an VIII, les tribunaux administratifs sont seuls compétents pour prononcer sur le contentieux des domaines nationaux, c'est-à-dire pour fixer le sens et l'étendue des ventes de ces domaines, cette disposition ne doit recevoir son application que dans le cas où les termes des ventes présentent quelque incertitude ou quelque obscurité, et non pas dans le cas où, comme en l'espèce, la stipulation des actes de vente détermine avec une précision absolue les confins de l'immeuble vendu, et ne laisse aucun doute sur les limites de la propriété ; Considérant, en effet, que les deux actes de vente des 19 fructidor et 5 messidor an IV invoqués par les cohéritiers Lachau ne présentent aucune clause pouvant donner lieu à l'interprétation; que ces actes déterminent avec clarté, avec précision et d'une manière complète les confins des propriétés vendues, et particulièrement des parcelles au sujet desquelles s'est élevée la contestation soumise au tribunal; que ces confins sont fixes par le lit d'un torrent profondément encaissé et qui n'a pu varier; - Considérant qu'il ne s'agit ainsi au procès que de faire l'application des actes de vente susvisés, c'est-à-dire d'appliquer sur les parcelles litigieuses les confins donnés par ces actes, ce qui ne peut nécessiter aucune interprétation d'acte administratif, etc. »

Le préfet des Hautes-Alpes a élevé le conflit, en invoquant les dispositions tant de l'article 7 de la loi du 28 ventôse an IV que de l'instruction du 6 floréal suivant, desquelles il résultait virtuellement qu'il était interdit d'aliéner, à cette époque, les bois nationaux de plus de 300 arpents.

DÉCRET.

NAPOLÉON, etc.; Vu la loi du 28 ventôse an IV et l'instruction du 6 floréal suivant; Vu la loi du 28 pluviôse an VIII;

Considérant que l'instance portée devant le tribunal civil de Gap par les héritiers Lachau avait pour but de faire reconnaître et déclarer par le tribunal que les parcelles litigieuses ont été vendues à leur auteur par les adjudications nationales des 5 messidor et 19 fructidor an IV; que l'administration soutient, au contraire, que ces parcelles, dont l'alienation était interdite par la loi du 28 ventose an IV et l'instruction du 6 floréal suivant, n'avaient pas été comprises dans lesdites adjudications et n'ont pas cessé de faire partie de la forêt domaniale de Durbon;

Considérant qu'aux termes de la loi du 28 pluviôse an VIII; les conseils de préfecture prononcent sur le contentieux des domaines nationaux; Que, dès lors, c'est avec raison qu'en l'état le préfet du département des HautesAlpes a élevé le conflit d'attribution, et revendiqué pour la juridiction adminitrative le droit le déterminer le sens, les effets et la portée des adjudications nationales des 5 messidor et 19 fructidor an IV:

ART. 1er. L'arrêté susvisé, par lequel le préfet du département des Hautes-Alpes a élevé le conflit d'attribution dans l'instance pendante devant le tribunal civil de Gap entre les héritiers Lachau et l'Etat, est confirmé, ART. 2. Sont considérés comme non avenus, en ce qu'ils ont de contraire au présent décret, l'assignation du 25 septembre 1861 et le jugement du tribunal civil de Gap du 18 mars 1862.

Du 4 juillet 1862. (MM. Marchand, rapp.; L'Hopital, c. du gouv.)

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N° 201.

CONSEIL D'Etat (Sect. du content.).

4 juillet 1862.

Droits de pâturage, rachat, bois de particuliers, commune,
nécessité absolue, compétence, frais.

C'est au Conseil de préfecture qu'il appartient de statuer sur l'exception d'absolue nécessité invoquée par une commune usagère, à l'effet de se soustraire au rachat d'un droit de pâturage qui lui appartient dans le bois d'un particulier (1).

Lorsqu'au cours d'une instance judiciaire relative au rachat d'un droit de paturage exercé par une commune dans un bois de particulier, la commune excipe de ce que le droit d'usage serait d'une absolue nécessité pour ses habitants, le Conseil de préfecture saisi, sur renvoi, de la question de savoir si l'exception est fondée, doit, s'il résout négativement cette question, condamner immédiatement la commune et non réserver ces frais pour être joints au fond.

(Commune de Plagnolle c. Soulé.)

Le sieur Soulé a introduit, contre la commune de Plagnolle, devant le tribunal civil de Muret, une action en rachat des droits de pâturage exercés par celle commune dans la forêt de Barthe, dont il est propriétaire. Par jugement du 29 juillet 1858, le tribunal a sursis à statuer sur le fond du débat, jusqu'à décision de l'autorité compétente sur le point de savoir si, comme le prétendait la commune, le droit de pâturage à racheter était d'une absolue nécessité pour ses habitants.

Le sieur Soulé a saisi de cette question le Conseil de préfecture de la HauteGaronne, qui, par arrêté du 2 avril 1860, rendu aprés expertise, l'a résolue contrairement aux prétentions de la commune de Plagnolle, et a réservé les frais pour être joints au fond.

La commune s'est pourvue devant le Conseil d'Etat contre cet arrêté, en soutenant que, d'après l'article 121 du Code forestier, le Conseil de préfecture était incompétent pour statuer sur la nécessité du maintien du droit de påturage, cette question étant, aux termes dudit article, de la compétence des tribunaux ordinaires.

De son côté, le sieur Soulé a formé un recours incident et demandé que les frais d'expertise faits devant le Conseil de préfecture fussent mis, dès à

(1) Voir, en ce sens, Conseil d'Etat, ord. du 19 février 1840 (com de Neuille), 6 août 1840 (affaire Goyet de Savy), 6 septembre 1841 (alfaire Floutier), et 18 mai 1854 (come de Sennece; civ. cass., 11 novembre 1846 (come de Fontaine-lesLuxeuil; Dalloz, Jur. gén., vis USAGE FOREST., n° 628; Meaume, Comment., n° 928; Serrigny, Compét. adm., t. II, p. 784; Coin-Delisle, Code forest., sur l'article 121. Contrà, Cons. d'Etat, 21 juin 1839 (come de Limans), Colmar, 6 août 1831; Nimes, 12 mai 1841 (affaire Floutier); Paris, 18 avril 1842 (affaire Jacquillat); Curasson, sur Proudhon, Droit d'us., no 711; Baudrillart, Code forest., sur l'article 121.

RÉPERT. De législ. foREST.- OCTOBRE 1863.

T. 1.-24

présent, à la charge de la commune, bien que ces frais eussent été réservés par ledit Conseil pour être joints au fond.

DÉCRET.

NAPOLEON, etc.; Vu les articles 64, 120 et 121 du Code forestier;

Sur la compétence du Conseil de préfecture : - Considérant que, aux termes de l'article 120 du Code forestier, toutes les dispositions de l'article 64 du même Code, relatives à l'exercice des droits d'usage dans les bois de l'Etat, sont applicables à l'exercice des droits d'usage dans les bois des particuliers ; d'où il suit que, conformément audit article 64, les contestations qui peuvent s'élever sur l'absolue nécessité, pour les usagers, de l'exercice de leurs droits dans les bois des particuliers, doivent être portées devant les Conseils de préfecture; Considérant que l'article 121 du même Code n'a pas dérogé à ces dispositions, et qu'il n'a renvoyé aux tribunaux civils que les autres contestations qui pourraient s'élever entre les propriétaires et les usagers; Considérant qu'il résulte de l'instruction que l'élève des bestiaux n'est pas la seule, ni même la principale industrie des habitants de la commune de Plagnolle; que le territoire de la commune contient une notable étendue de terres en nature de prairies et une étendue plus considérable de terres labourables qui produisent ou peuvent produire des fourrages artificiels; qu'il suit de la que c'est avec raison que le Conseil de préfecture de la HauteGaronne a décidé que le droit de pâturage dans la forêt de la Barthe n'est pas d'une absolue nécessité pour les habitants de la commune de Plagnolle ;

Au fond:

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Sur les conclusions du recours incident du sieur Soulé, tendant à ce que les frais de l'expertise ordonnée par le Conseil de préfecture, qui ont été réservés par l'arrêté attaqué, soient mis à la charge de la commune; Considérant que l'exception soulevée par la commune devant le tribunal civil de Muret, et sur laquelle le Conseil de préfecture a été appelé à statuer, a été reconnue mal fondée; que les frais de l'instance spéciale à laquelle cette exception a donné lieu devant le Conseil de préfecture doivent être dès à présent mis à la charge de la commune :

ART. 1er. La requête de la commune de Plagnolle est rejetée. — Anr. 2 La disposition de l'arrêté du Conseil de préfecture de la Haute-Garonne, en date du 2 avril 1860, qui réserve les frais faits devant ledit Conseil pour être joints au fond, est annulée. Les frais de l'expertise faite devant le Conseil de préfecture et les dépens du recours formé devant nous seront supportés par la commune de Plagnolle.

Du 4 juillet 1862. - (MM. Aucoq, rapp.; L'Hopital, c. du gouv.; Morin et de Saint-Malo, av.)

No 202.CONSEIL D'ETAT (Sect. du content.). 4 juillet 1862. Dettes de l'Etat, déchéance, droits d'usage, commune, décision judiciaire, instance pendante.

Sont à l'abri de la déchéance édictée par l'article 9 de la loi du 29 janvier 1831, les créances appartenant à des communes contre l'Etat, en raison de restrictions apportées à l'exercice de leurs droits d'usage dans une forêt domaniale, alors même que ces créances résulteraient de décisions judiciaires, remontant à plus de cinq ans, si l'instance dans laquelle ces décisions sont intervenues est encore pendante. L'instance est encore pendante, en pareil cas, si un jugement rendu par le tribunal compétent a ordonné qu'à défaut de règlement amiable du chiffre des dommages-intérêts dus aux communes, les parties s'a

LÉGISLATION ET JURISPRUDence.

dresseraient à des experts, et si, en exécution de ce jugement, les communes ont formé, même plus de cinq ans après, une demande amiable de payement qui a été repoussée par le ministre des finances.

(Commune de Chilly, etc., c. min. des finances.)

Par décision du 30 novembre 1857, le ministre des finances, a repoussé par application de l'article 9 de la loi du 29 janvier 1831, la demande formée par les communes de Chilly et autres, en payement des sommes qui leur sont dues par l'Etat, aux termes de divers jugements et arrêts, pour privation de droits d'usage dans la forêt domaniale des Moydons.

Les communes se sont pourvues devant le Conseil d'Etat contre cette décision.

DÉCRET.

NAPOLÉON, etc.; Vu la loi du 29 janvier 1831, art. 9 et 10;

--

Considérant qu'un jugement du tribunal d'Arbois, du 22 mai 1833, a condamné l'Etat à payer des dommages-intérêts aux communes de Chilly et -autres, à raison du préjudice que leur avaient causé les changements apportés dans l'exploitation de la forêt de Moydons et dans l'exercice de leurs droits d'usage, contrairement au règlement du grand-maître des eaux et forêts, en date du 1er avril 1727, et a décidé que ces dommages-intérêts, dont le point de départ était fixé au 1er janvier 1828, seraient liquidés conformément aux Qu'en exécution de articles 583 et suivants du Code de procédure civile; ce jugement, les communes de Chilly et autres ont fait signifier au préfet, le 2 juin 1834, l'état des dommages-intérêts qu'elles réclamaient pour les années 1825 à 1833; mais que, cet état ayant été contesté, le tribunal a ordonné une expertise; qu'à la suite de cette expertise, un nouveau jugement du même tribunal, en date du 25 août 1836, a fixé les bases de la liquidation des dommages-intérêts, et a décidé que, pour faire déterminer le montant des dommages-intérêts dus à chaque commune, les parties seraient tenues, si elles ne tombaient pas d'accord, de se représenter devant les experts déjà nommés, sauf à elles à revenir devant le tribunal, s'il s'élevait une difficulté au sujet des appréciations des experts;

Considérant que ce jugement a été réformé sur plusieurs chefs par un arrêt de la Cour de Besançon, en date du 30 août 1838, et par un autre arrêt renda par la Cour de Dijon, le 7 mai 1846, sur le renvoi qui lui en avait été fait par la Cour de cassation; que l'arrêt de la Cour de Dijon a fixé, notam ment au 26 mars 1833, le point de départ des dommages-intérêts; mais que la disposition du jugement du 23 août 1836, relative à la nécessité d'une expertise pour la liquidation en cas de désaccord entre l'Etat et les communes, n'a pas été réformée;

Considérant que la demande adressée, le 26 septembre 1852, par les communes de Chilly et autres à notre ministre des finances, à l'effet d'obtenir, en exécution des jugements et arrêtés précités, le payement d'une somme de d'ob715,464 francs, montant des dommages-intérêts qu'elles prétendaient leur être dus pour dix-neuf années, de 1855 à 1852, n'avait pour objet que tenir à l'amiable la liquidation qui, en cas de désaccord, devait être faite judiciairement; - Que, notre ministre ayant repoussé la demande des communes et l'expertise prescrite par le tribunal n'ayant pas eu lieu, l'instance est encore pendante; Que, dans ces circonstances, c'est à tort que notre ministre des finances a décidé que la créance des communes était prescrite et éteinte, par application de l'article 9 de la loi du 29 janvier 1831;

Considérant, d'autre part, que la quotité des dommages intérêts dus par l'Etat aux communes étant contestée, il resulte de ce qui précède qu'il ne nous appartient pas de condamner l'Etat à payer aux communes la somme qu'elles réclament:

ART. 1er. La décision de notre ministre des finances, en date du 30 novembre 1857, est annulée.

Du 4 juillet 1862.-(MM. Aucoq, rapp.; L'Hopital, c. du gouv.; Galopin, av.).

No 203.-CONSEIL D'ETAT (Sect. du content.). - 24 juillet 1862. Dettes de l'Etat, déchéance, commune, propriété, revendication, instance pendante, fruits, demande spéciale, intérêts.

Lorsqu'au cours d'une instance ayant pour objet la revendication d'une forêt possédée par l'Etat, la commune demanderesse réclame, par des conclusions spéciales, la restitution du prix des coupes vendues au profit du Trésor dans la forêt en litige, ces conclusions ne sont qu'un accessoire de la demande principale et leur effet doit, par suite, remonter au jour de ladite demande (1).

En conséquence, la déchéance édictée par l'article 9 de la loi du 29 janvier 1831 n'est pas applicable aux restitutions de fruits qui ont fait l'objet de conclusions spéciales, alors que cette déchéance n'est pas opposable à la demande principale (2).

Les intérêts des sommes composant la créance sont dus à partir du jour où la demande en a été régulièrement formée devant le Conseil d'Etat (3).

(Commune de Vaujany c. Ministre des finances.)

Par exploit du 27 juin 1829, la commune de Vaujany a formé contre le préfet de l'Isère une action en revendication du bois de Burges, dont l'Etat était en possession depuis 1808. Dans le cours de l'instance, cette commune a pris, le 2 mars 1854, des conclusions tendant à faire condamner l'Etat au delaissement du bois litigieux et, en outre, au remboursement du prix des coupes vendues à son profit depuis la date de son entrée en jouissance.

Il a été fait droit à ces conclusions par un arrêt de la Cour imperiale de Grenoble du 5 décembre 1855, qui a acquis l'autorité de la chose jugée. La commune ayant demandé l'exécution de cet arrêt, le ministre des finances a, par décision du 5 décembre 1860, déclaré prescrite, par application de l'article 9 de la loi du 29 janvier 1831, la partie de la créance relative aux coupes antérieures à 1830. Cette décision repose sur le motif qu'en attendant jusqu'au 2 mars 1854 pour réclamer la restitution des fruits perçus par I'Etat, la commune avait encouru, pour les fruits échus antérieurement au 1er janvier 1859, la déchéance édictée par la loi précitée.

La commune de Vaujany s'est pourvue devant le Conseil d'Etat contre cette décision.

ᎠᎬᏟᎡᎬᎢ .

NAPOLÉON, etc.; Vu la loi du 29 janvier 1831, et notamment l'article 9 de ladite loi, portant: «Seront prescrites et définitivement éteintes, au profit de l'Etat, toutes créances qui, n'ayant pas été acquittées avant la clôture des crédits de l'exercice auquel elles appartiennent, n'auraient pu, à défaut de

(1-2) Voir, en ce sens, Conseil d'Etat, 23 juillet 1857 (ville de Metz), et les observations placées à la suite de la présente décision.

(3) Les interêts de la créance seraient même dus, aux termes d'un arrêt du Conseil d'Etat du 12 janvier 1854, affaire Fortier, à compter du jour de la demande qui en aurait été faite au ministre des finances.

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