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justifications suffisantes, être liquidées, ordonnancées et payées dans un délai de cinq années, à partir de l'ouverture de l'exercice »>;

Considérant que, par exploit du 27 juin 1829, la commune de Vaujany a assigné l'Etat devant le tribunal civil de Grenoble, à fin de le faire condamner à lui restituer le bois de Burges dont elle revendiquait la propriété contre lui; que, l'instance ayant suivi son cours, la commune, par les conclusions ci-dessus visées prises à l'audience du tribunal civil de Grenoble du 2 mars 1854, a reproduit sa demande et réclamé la restitution des fruits indûment perçus depuis 1808; Considérant qu'il n'a été définitivement statué sur cette demande que par l'arrêt ci-dessus visé de la Cour impériale de Grenoble du 5 décembre 1855; que cet arrêt, en ordonnant la restitution du bois de Burges, a condamné l'Etat à faire compte à la commune du prix des coupes exploitées par lui;

Considérant que la demande en restitution de fruits, sur laquelle il a été prononcé par ledit arrêt, en même temps qu'il était statue sur la revendication de propriété, ne peut être regardée comme une demande distincte; qu'elle se rattachait à l'action principale dont elle était l'accessoire et la conséquence, et qu'ainsi ses effets doivent remonter jusqu'au jour où l'action principale a été formée;

Considérant que cette demande comprenait toutes les créances de fruits relatives à chacune des années écoulées depuis 1808, et que, par suite, elle a eu pour effet d'empêcher, à l'égard de ces créances, l'application de la déchéance prononcée par l'article 9 de la loi du 29 janvier 1831:

En ce qui touche les intérêts: Considérant que les intérêts des sommes composant la créance de la commune de Vaujany lui sont dus à compter du 18 juin 1861, jour où la demande de ces intérêts a été régulièrement formée devant nous;

Art. 1er. La commune de Vaujany est renvoyée devant notre ministre des finances pour être procédé à la liquidation et au payement des sommes à elle dues par l'Etat à raison des coupes que l'Etat a fait exploiter dans le bois de Burges, depuis le 31 décembre 1808, jusqu'au jour où la commune est rentrée en possession dudit bois, avec les intérêts desdites sommes à 5 pour 100 par an à compter du 18 juin 1861. Art. 2. La décision de notre ministre des finances, en date du 5 décembre 1860, est réformée en ce qu'elle a de contraire au présent décret.

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(MM. Pascalis, rapp.; Chamblain, c. du gouv.;

Observations.

Cet arrêt parait avoir fait une juste application du principe en vertu duquel la restitution d'une chose doit comprendre les accessoires de cette chose, rem cum omni suâ causâ. C'est à ce point de vue qu'il y a lieu de décider que la demande en revendication d'une forêt comprend en elle-même la demande en restitution des fruits et qu'il n'y a pas lieu de rechercher, par suite, pour l'application de la déchéance, l'époque à laquelle, pendant le cours de l'instance, des conclusions spéciales ont été produites à cet effet. Une décision analogue avait déjà été rendue par le Conseil d'Etat le 23 juillet 1857 (ville) de Meiz). Mais, dans cette espèce, l'exploit introductif de l'instance en revendication contenait la demande de dommages-intérêts à donner par état. Ces dommages-intérêts ne pouvaient consister que dans les fruits de la chose revendiquée, puisque la bonne foi de l'Etat n'était pas contestée, il en résultait que la restitution des fruits avait en réalité été demandée. L'arrêt du 24 juillet 1862 doit donc être considéré comme ayant décidé pour la première fois en principe, que la demande en revendication contient virtuellement en elle la demande en restitution des fruits de la chose revendiquée.

La demande formée par la commune de Vaujany le 27 juin 1829, a mis sa créance à l'abri de la déchéance édictée par la loi du 29 janvier 1851, mais elle n'a pu soustraire cette créance à l'application des lois du 25 mars 1817 et du 17 août 1822 qui ont prononcé la déchéance de toutes les créances appartenant à l'arriéré antérieur à 1816, dont le payement n'aurait pas été réclamé avant le 1er avril 1823.

Cette disposition était évidemment applicable à la demande en restitution des fruits perçus par l'Etat avant le 1er janvier 1816, et c'est, dès lors, par erreur que le Conseil d'Etat a prononcé l'admission, à partir de 1808, de la réclamation formée par la commune de Vaujany

Il convient, au surplus, d'observer que ce chef de la décision n'est motivé par aucun des considérants de l'arrêt, et que les lois des 25 mars 1817 et 17 août 1822 ne sont même point visées dans le préambule de cet arrêt. L'erreur signalée provient donc d'une simple omission, et rien n'autorise à supposer que le Conseil d'Etat ait eu l'intention de modifier sa jurisprudence antérieure en ce qui concerne l'application des lois de déchéance relatives au règlement des anciens arriérés. (Voir, notamment, l'arrêt du 12 avril 1854 rendu dans l'affaire de la ville de Metz et le rapprocher de l'arrêt rendu en 1837 dans la même affaire. F. DE WEGMANN.

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N° 204. ARRÊTÉ DU MINISTRE DES FINANCES. 9 septembre 1863. Organisation administrative, 7e conservation,

Le siége de la 7 conservation forestière est transféré de Douai à Amiens.

AU NOM DE L'EMPEREUR; Le ministre secrétaire d'Etat au département des finances;

Vu l'ordonnance réglementaire du 1er août 1827; Vu les propositions

de l'administration des forêts ; — Arrête :

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Le siège de la 7° conservation forestière actuellement fixé à Douai (Nord) est transféré à Amiens (Somme).

Du 9 septembre 1863.

No 205.

Signé: Achille FOULD.

COUR DE CASSATION (Ch. des req.). — 21 janvier 1862. Domaine forestier de la couronne, imprescriptibilité, action possessoire, recevabilité, titre, appréciation, cumul du pétitoire.

Une action possessoire ne peut être déclarée non recevable, comme formée en vertu d'une possession non utile à prescrire, sur la seule allégation que le terrain qui fait l'objet de cette action formerait une dépendance du domaine de la couronne, une telle question ne pouvant être jugée qu'au pétitoire (1).

Le juge du possessoire peut, sans cumuler le possessoire et le pétitoire,

(1) Il est de règle que l'action possessoire n'est admise qu'à l'égard des immeubles susceptibles de prescription (civ. cass., 23 août 1859, D. P., 59, 1, 352). Par suite, cette action ne peut être exercée relativement aux biens dépendant du domaine de la couronne (sen.-cons, du 12 décembre 1857, art. 7). Mais pour que le principe d'imprescriptibilité dont il s'agit reçoive application, il faut nécessai rement rapporter la preuve que le terrain litigieux depend du domaine de la couronne. Evidemment, la simple allégation des agents de ce domaine à cet égard ne saurait suffire pour justifier l'exception par eux opposée à l'action possessoire.

consulter les titres de propriété produits par les parties, pour s'éclairer sur la question et, notamment, pour vérifier si le terrain objet de l'action, est ou n'est pas une dépendance du domaine de la couronne, et par suite est ou n'est pas susceptible d'action possessoire (1).

(Domaine de la couronne c. Bourgeois.)

Les agents du domaine de la couronne ont fait procéder, au commencement de l'année 1861, à l'élargissement d'un chemin de vidange qui sépare la forêt de Rambouillet des héritages du sieur Bourgeois. Ce riverain a prétendu que les travaux dont il s'agit avaient eu lieu au détriment de sa propriété et a assigné en conséquence le ministre de la maison de l'Empereur devant le juge de paix de Rambouillet, à fin de cessation du trouble apporté à sa possession.

En réponse à cette demande, le ministre a élevé une exception d'incompétence tirée de ce que le terrain litigieux faisait partie de la liste civile ou du domaine de la couronne, qui était essentiellement imprescriptible et inaliénable; de telle sorte que le sieur Bourgeois n'avait pu en avoir la possession utile d'où résultait que son action possessoire était non recevable.

Du 27 juillet 1861, sentence du juge de paix de Rambouillet, qui rejette cette exception, dans les termes suivants :

Attendu que le juge du possessoire peut, sans entrer dans le pétitoire, consulter les titres afin d'apprécier la possession contestée, et qu'il faut avant tout consulter la nature de la chose pour savoir si elle peut être l'objet de l'action intentée; - Attendu que le titre de Bourgeois énonce que le 14 ven. lose an III, en exécution des décrets relatifs à l'aliénation du domaine national, l'Etat a vendu à son auteur la ferme de Villeneuve dépendant de la ci-devant liste civile; Attendu qu'à ladite époque, les lois révolutionnaires avaient incorporé au domaine de l'Etat les biens de la liste civile, qui, devenus ainsi alienables et prescriptibles, ont été vendus comme tels; qu'une possession qui résulterait de cette aliénation pourrait devenir utile, aux termes de l'article 2227 du Code Napoléon, et donner lieu à l'action en complainte; qu'en restituant à la liste civile le privilége d'imprescriptibilité, les lois invoquées n'ont pu rétroagir sur la prescription accomplie; qu'enfin, Bourgeois ayant acquis de bonne foi et à juste titre, il a pu prescrire dans les conditions de l'article 2265 du même Code, et par conséquent posséder utilement; Par ces motifs, disons la liste civile non recevable dans son exception. » Puis, et avant faire droit au fond, le juge de paix ordonne une visite de lieux. Appel par le ministre de la maison de l'Empereur; et, le 30 août 1861, jugement du tribunal de Rambouillet ainsi conçu :

Considérant, en droit, que les juges de paix sont seuls compétents pour connaitre des actions possessoires; que, dès lors, la demande de Bourgeois en maintenue possessoire était valablement portée devant le juge de paix de Rambouillet; Considérant que, juge de l'action, ce magistrat était compétent pour juger aussi et en même temps de l'exception;

Considérant que, pour repousser la demande de Bourgeois, Son Excel

Le fait sur lequel elle repose doit, avant tout, être vérifié par le juge de paix. C'est ce qui résulte de l'arrêt que nous rapportons et qui sanctionne la marche tracée au juge de paix par le jugement attaque.

Du reste, la décision du juge de paix, quelle qu'elle soit, laisse entière la contestation quant au petitoire, c'est-à-dire quant au droit de propriété, de telle sorte que le domaine peut revendiquer le bien qu'il prétend lui appartenir, même après une sentence portant que ce bien n'est point domanial et que, par suite, il n'est point imprescriptible.

(1) Jurisprudence constante, voir req. rej., 22 novembre 1858 (D. P., 59, 1, 127; J. Pal., 1860, p. 1108).

lence le ministre de la maison de Sa Majesté l'Empereur a prétendu que la possession invoquée par le demandeur n'était pas une possession utile, susceptible de faire acquérir le domaine de propriété, parce qu'il s'agissait d'un terrain faisant partie du domaine de la liste civile ou de la couronne, et à ce titre légalement inalienable et imprescriptible; Considérant que si cette exception était justifiée, elle serait de nature à faire rejeter la demande de Bourgeois; qu'il y avait done lieu, tout en ordonnant la vérification de la possession invoquée par Bourgeois et en recherchant ses caractères légaux, à admettre la liste civile à justifier ses prétentions; que ce ne sera qu'après la vérification des prétentions respectives des parties qu'il sera possible d'y faire droit; que c'est donc à tort que le juge de paix, tout en autorisant Bourgeois à faire la preuve de sa possession, a déclaré dès à présent Son Excellence le ministre de la maison de l'Empereur non recevable dans son exception; qu'il devait, au contraire, puisqu'elle n'est pas quant à présent justifiée, en ordonner la vérification;

«Par ces motifs, dit qu'il a été mal jugé en ce que le juge de paix de Rambouillet a déclaré M. le ministre de la maison de l'Empereur non recevable dans son exception; admet M. le ministre à prouver que Bourgeois n'a point et en aucun temps possédé utilement le terrain dont la possession est réclamée par le sieur Bourgeois; en conséquence, dit qu'il sera procédé à la vérification de l'exception proposée par la liste civile, tant par l'application des titres et plans qu'elle croira devoir produire que par l'examen des lieux et l'audition de tous témoins qu'elle jugera convenable de produire, en même temps qu'il sera procédé à la vérification de la possession articulée par Bourgeois, ainsi qu'il a été ordonné par M. le juge de paix, devant lequel la cause et les parties sont renvoyées. »

Le ministre de la maison de l'Empereur s'est pourvu en cassation contre ce jugement: -1° pour violation des articles 2226 du Code Napoléon, 23 du Code de procédure, 10 du sénatus-consulte du 30 janvier 1810, 9 de la loi du 8 novembre 1814, et 7 du sénatus-consulte du 12 décembre 1852, en ce que le jugement attaqué a admis, au moins implicitement, qu'une action possessoire pouvait être utilement intentée contre le domaine de la couronne, bien que ce domaine soit inalienable et imprescriptible;

2o Pour violation de l'article 25 du Code de procédure, en ce que le même jugement a cumulé le pétitoire et le possessoire, en subordonnant le maintien de la possession de la liste civile à la preuve qu'il l'a condamnée à faire de son droit de propriété.

LA COUR ;

ARRÊT.

Sur le premier moyen :

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Attendu qu'il est de principe que le domaine de la couronne est inalienable et imprescriptible; Que les biens qui le composent, ne pouvant être possédés par des particuliers d'une manière utile et efficace, ne sauraient être l'objet d'une action possessoire; mais qu'il ne suit pas de là qu'un citoyen qui se prétend troublé par les agents du domaine de la couronne dans la possession d'un terrain contigu à celui de la liste civile, ne puisse se pourvoir devant le juge de paix pour faire cesser le trouble apporté à sa jouissance; qu'il ne s'agit pas, dans ce cas, de savoir si le terrain fait partie du domaine de la couronne, question qui ne peut être décidée que par le juge du pètitoire, mais seulement quel est celui qui possède;

Attendu que la simple allégation du représentant de la liste civile, que le terrain sur lequel l'entreprise avait eu lieu était compris dans le domaine de la couronne, ne suffit pas pour dépouiller Bourgeois du droit de déférer au juge de paix la voie de fait dont il croyait avoir à se plaindre; qu'ainsi, c'est à bon droit que Bourgeois n'a point été déclaré non recevable dans sa complainte possessoire, à raison de l'imprescriptibilité du domaine de la couronne;

LÉGISLATION ET JURISPRUdence.

Attendu, sur le deuxième moyen, qu'en ordonnant la vérification de l'exception proposée par la liste civile, le tribunal n'a fait que ce qui lui avait été demandé au nom de l'administration du domaine de la couronne; que, d'ailleurs, il n'est point interdit au juge du possessoire de consulter les titres de propriété produits par les parties pour s'éclairer sur la question de possession; qu'en suivant la marche qui lui est tracée par le tribunal de Rambouillet, le juge de paix ne saurait donc encourir le reproche de cumuler le pétitoire et le possessoire;

REJETTE.

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Du 21 janvier 1862: (MM. Nicias Gaillard, prés.; Hardoin, rapp.; de Peyramont, av. gén. c. conf.; Ripault, av.)

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4 août 1862.

No 206. TRIBUNAL CORrectionnel de SAINT-DIÉ. · Chasse, poursuite du gibier, chien courant, propriétaire, responsabilité, délit.

Lorsque des chiens courants, entraînés par leur instinct, se livrent à la poursuite du gibier dans une forêt dont la chasse n'appartient pas à leur maître, ce dernier n'est point coupable de délit de chasse, si rien n'établit qu'il ait concouru à ce fait en suivant lui-même ses chiens ou en les faisant suivre pour s'approprier le gibier poursuivi (1). Il est simplement responsable, par application de l'art. 1385 du Code Napoléon, du dommage que ses chiens ont pu causer au propriétaire de la forêt en éloignant ou en détruisant le gibier (2).

(Forêts c. Badonnel.)

Le sieur Badonnel a été poursuivi devant le tribunal correctionnel de SaintDié, pour avoir, à la date du 6 avril 1862, chassé un chevreuil aux chiens courants dans la forêt domaniale de Champ, dont la chasse n'est pas affermée. Les conclusions prises contre lui tendaient à le faire condamner en 50 francs d'amende et 20 francs de dommages-intérêts.

Le prévenu a demandé son renvoi pur et simple des fins de la plainte, par le motif que, si ses chiens, entraînés par leur instinct, avaient chassé dans la forêt dont il s'agit, il était personnellement étranger à ce fait qui, d'ailleurs, n'avait causé à l'Etat aucun préjudice.

JUGEMENT.

LE TRIBUNAL; Attendu qu'il n'est pas prouvé que le prévenu Badonnel se soit trouvé en forêt avec ses chiens courants, quand, le 6 avril dernier, ceux-ci ont été vus et entendus, par les gardes Thiriet et Morel, chassant un chevreuil dans la forêt domaniale de Champ; qu'il ait chassé ou appuyé ses chiens, et que ce soit lui qui ait tiré le coup de fusil dont la detonation a été entendue par les gardes; qu'il doit donc être renvoyé des poursuites en ce qui concerne le délit de chasse qui lui est imputé;

Mais attendu, en ce qui concerne le chef de conclusions relatif aux dommages-intérêts, qu'aux termes de l'article 1385 du Code Napoléon, le propriétaire d'un animal est responsable du dommage que l'animal a cause, soit que l'animal fût sous sa garde, soit qu'il fût égaré ou échappé ; qu'il est cer

(1-2) Voir, en ce sens, crim., rej., 20 novembre 1845, affaire Limousin; Nancy, 18 février 1846, affaire Bélin; crim. cass., 21 juillet 1855, affaire Lamacq, et Paris, 22 mars 1861, affaire Castelbon.

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