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averti que des dévastations sont commises dans une forêt confiée à sa surveillance, ou que des délinquants se sont mis en état de rébellion et s'opposent à une perquisition faite par des gardes, Son devoir, comme agent forestier, est de faire appel à la force armée, et de se porter immédiatement sur le théâtre des désordres qui lui ont été signalés. Il adressera donc, à cet effet, une réquisition au chef de la compagnie dont il fait lui-même partie. Mais ce chef, placé dans l'alternative de desobéir à la loi ou d'obtempérer à la réquisition d'une personne à qui il donnait des ordres quelques instants auparavant, ne va-t-il pas se trouver, au point de vue de l'ordre et de la discipline, dans une situation inadmissible et impossible? Des conflits ne sont-ils pas à craindre? Le chef á qui la réquisition sera adressée consentira-t-il à reconnaitre l'agent forestier sous l'uniformé du garde national placé sous son commandement? Il suffit de poser ces questions pour démontrer que les fonctions d'agent forestier et les obligations de garde national sont réellement incompatibles, et que l'incorporation des agents forestiers dans la garde nationale ne peut être qu'une source d'inconvénients et de conflits.

On objecte que les gardes forestiers ont été placés dans la réserve par l'article 14 de la loi, bien qu'ils aient, comme les agents, le droit de requérir la force publique, et l'on en conclut que l'intention du législateur n'a pas été de dispenser ces derniers du service de la garde nationale. Cette objection n'est que spécieuse.

L'incorporation des gardes forestiers dans la réserve prouve uniquement que les rédacteurs de la loi ne se sont pas rendu un compte exact des prérogatives attachées aux fonctions de ces préposés, mais non que le législateur ait entendu exclure les agents du bénéfice de l'article 17 relatif aux incompatibilites. Pour dispenser les gardes forestiers du service ordinaire de la garde nationale et les comprendre dans la réserve (art. 14), on s'est fondé sur la nature de leurs fonctions,qui les obligent à exercer sur les forêts une surveillance de jour et de nuit; mais on a perdu de vue que ces préposés ont le droit de requérir la force publique, et que, à ce titre, ils se trouvent au nombre des fonctionnaires qui d'après l'article 17 du projet, ne devaient point en faire partie. - Dans l'article 14, le législateur ne s'est préoccupé que des incompatibilités résultant des occupations journalières des gardes. Il est hors de doute que ces préposés n'eussent pas même été compris dans la réserve, si l'on se fût souvenu qu'ils ont, comme les agents, le droit d'adresser des requisitions à la force armée. Les termes du rapport de la Commission ne laissent, à cet égard, aucune espèce d'incertitude. La Commission n'a point tenté de faire l'énumération des fonctions incompatibles avec le service de la garde nationale, et, en cela, elle a sagement agi. L'expérience prouve, en effet, que les énumérations sont presque toujours incomplètes. La Commission s'est donc bornée à déclarer d'une manière générale que « tout fonctionnaire qui a le droit de requérir la force publique ne saurait en faire partie. L'article 17, voté d'après ces explications, ne comporte, dès lors, aucune distinction entre les agents forestiers et les autres fonctionnaires qui ont le droit d'adresser des réquisitions à la force armée.

C'est, du reste, en ce sens que la question a été résolue par la plupart des jurys de recensement ou de révision de la garde nationale, et notamment par deux décisions des jurys de révision de Rouen et de Beauvais, en date des 2 juillet 1853 et 27 octobre même année.

Les observations de l'administration des forêts ont obtenu l'assentiment de MM. les ministres des finances et de l'intérieur.

NAPOLÉON, etc.;

ᎠᎬᏟᎡᎬᎢ .

Vu les articles 164 du Code forestier et 17 de la loi du

13 juin 1851 sur la garde nationale;

Considérant qu'aux termes de l'article 17 de la loi du 13 juin 1851, le service de la garde nationale est incompatible avec les fonctions qui conferent le droit de requérir la force publique, et qu'aux termes de l'article 164 du Code forestier les agents et les gardes de l'administration des forêts ont le droit de requérir directement la force publique pour la répression des délits et contraventions en matière forestiere, ainsi que pour la recherche ou saisie des bois coupés en délit, vendus ou achetés en fraude;

Que, dès lors, le jury de révision, en maintenant le sieur Marrier de Bois d'Hyver, garde général des forêts, sur les contrôles de la garde nationale, a violé les dispositions de l'article 17 précité de la loi du 13 juin 1851;

Notre Conseil d'Etat au contentieux entendu, avons décrété et décrétons ce qui suit :

ART. 1er.

La décision du jury de révision de la garde nationale du canton de Senlis, en date du 27 avril 1860, est annulée ;

ART. 2.

Le sieur Marrier de Bois d'Hyver sera rayé des contrôles de la garde nationale de Senlis.

Du 17 juillet 1861.-(MM. de Renepont,rapp.; L'Hôpital,c. du g.; Huguet, av.)

No 2. CONSEIL D'ÉTAT (Sect. du content.).

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18 juin 1860. Scierie domaniale, impôts, exemption. Conseil d'État, recours,

conservateur des forêts.

Une scierie établie par l'administration des forêts dans un bois domanial, et mise gratuitement à la disposition des adjudicataires des coupes, ne peut être considérée ni comme une dépendance de ce bois, ni comme affectée à un service public.

En conséquence, l'État doit être assujetti, pour cette scierie, à la contribution foncière et à la contribution des portes et fenêtres (!). Bien qu'un conservateur des forêts n'ait point qualité pour former un recours devant le Conseil d'État contre l'arrêté rendu contre l'État par un Conseil de préfecture, en matière de contributions directes (2), le ministre des finances peut valider ce recours en se l'appropriant (3).

(Min. des fin. et Conserv. des forêts à Besançon.)

Le conservateur des forêts à Besançon a formé, devant le Conseil d'État, un recours tendant à l'annulation de deux arrêtés, du 17 mai 1859, par lesquels le Conseil de préfecture du Doubs a rejeté sa demande en décharge des contributions foncières et des portes et fenêtres portées au nom de l'Etat, pour l'année 1859, sur le rôle de la commune de Rochejean, à raison d'une scierie établie dans la forêt domaniale du Mont-de-la-Croix. A l'appui de ce recours, il soutenait que ladite scierie forme une dépendance de la forêt domaniale, puisqu'elle est mise gratuitement à la disposition des adjudicataires des coupes de bois, et affectée uniquement à cet usage.

Ce chef de service invoquait en outre les considérations suivantes : « D'après la loi du 19 ventôse an IX, les forêts de l'État ne doivent point payer de

(1) Voir Dalloz, Jur. gén., vis IMPÔTS DIR., nos 51 et suiv.

(2) C'est aux ministres seuls qu'il appartient, suivant leurs attributions respectives, d'exercer les actions de l'Etat devant le Conseil d'Etat. Voir Dalloz, op. cit., vis CONSEIL D'ETAT, no 342, et Dufour, Droit adm., 2e édit., t. I, p. 119.

(3) Voir, en ce sens, trois décisions du Conseil d'Mtat du 27 avril 1854, qui ont reconnu au ministre des finances le droit de s'approprier des pouvoirs illégalement formés par divers percepteurs en matière de contributions (D. P., 54, 3, 62).

contributions, de sorte qu'on ne saurait considérer le revenu de ces forêts comme un revenu imposable. Dans l'espèce, l'Etat peut profiter, il est vrai, de la plus-value qui résulte de la concession gratuite de la scierie aux adjudicataires des coupes; mais du moment que cette usine n'est plus louée, les produits indirects qu'elle peut donner se confondent avec ceux provenant du bois et ne semblent pas de nature à motiver le maintien de l'imposition. »

En réponse à la communication qui lui a été faite des pièces de l'affaire, le ministre des finances a présenté des observations tendant à l'admission des conclusions de la requête. — Il a déclaré, en outre, par une lettre du 3 mai 1860, s'approprier, en tant que de besoin, le pourvoi dont il s'agit.

NAPOLÉON, etc.; ventôse an IX;

DÉCRET.

Vu les lois des 3 et 4 frimaire an VII et la loi du 19

Considérant que la loi du 19 ventôse an IX n'affranchit de toute contribution que les forêts et bois nationaux, et que les lois des 3 et 4 frimaire an VII n'exemptent des contributions foncières et des portes et fenêtres les bâtiments appartenant à l'état qu'autant qu'ils sont non productifs de revenus et affectés à un service public;

Considérant que si la scierie établie dans la forêt domaniale du Mont-de-laCroix a été abandonnée gratuitement et exclusivement aux adjudicataires des coupes, elle ne peut toutefois être considérée comme une dépendance de ladite forêt ;

Considérant, d'autre part, qu'en admettant que ladite scierie ne soit pas productive de revenus, elle n'est pas affectée à un service public; - Que,, dès lors, c'est avec raison que l'administration des forêts a été, au nom de l'Etat, imposée et maintenue, pour l'année 1839, à la contribution foncière et a celle des portes et fenêtres sur le rôle de la commune de Rochejean, à raison de la scierie établie dans la forêt domaniale du Mont-de-la-Croix ; ART. 1. Le recours de notre ministre des finances est rejeté.

Du 18 juin 1860. (MM. Tarbé, rapp.; Robert, c. du g.; Delvincourt, av.)

No 3. COUR IMPÉRIALE DE NIMES (Ch. corr.).

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14 juin 1860. Administration des forêts, jugement par défaut, signification, opposition notification, délai.

En matière forestière ou de pêche, les délais d'opposition contre les jugements correctionnels rendus par défaut courent de la signification de ces jugements par simple extrait contenant les noms des parties et le dispositif du jugement (1).

Du principe que l'administration des forêts est nécessairement partie civile dans les poursuites faites en son nom, il résulte que l'opposition à un jugement par défaut signifié à sa requête doit, à peine de nullité, lui être notifiée dans le délai prescrit par l'article 187 du Code d'instruction criminelle; il ne suffirait pas que la notification eût été faile en temps utile au ministère public (2).

(Forêts c. Fromentin.)

Ensuite d'un procès-verbal régulier du 24 décembre 1859, les sieurs Fro

(1) Voir Code forestier, art. 209; loi du 15 avril 1829, art. 75. Dalloz, Jur. gén., vis FORÊTS, no 579 et suiv., et PÈCHE FLUVIALE, no 234.

(2) Cette solution, nouvelle en jurisprudence, est parfaitement juste. D'une

mentin père et fils furent traduits devant le tribunal correctionnel de Largentière pour l'audience du 27 janvier 1860, sous l'inculpation de délit de pêche en temps prohibé.

L'affaire ne fut point appelée au jour indiqué dans la citation: elle le fut seulement, mais sans citation nouvelle, à l'audience du 24 février. Les prévenus ne se présentèrent pas et furent condamnés par défaut aux peines requises

contre eux.

Le jugement de condamnation fut notifié aux inculpés le 30 mars 1860, å la requête de l'administration des forêts. Il fut frappé d'opposition de leur part, d'après ces motifs qu'il avait été rendu sans citation préalable ou sur une citation nulle et portant indication de comparaître à une audience autre que celle où l'affaire avait été appelée. Cette opposition fut signifiée le 3 avril au procureur impérial à Largentière, et le 5 avril seulement à l'inspecteur des forêts à Privas.

Devant le tribunal, ce chef de service a conclu à ce que l'opposition fût déclarée non recevable, comme ayant été faite à l'administration des forêts, partie civile, après l'expiration du délai de cinq jours fixé par l'article 187 du Code d'instruction criminelle.

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Du 27 avril 1860, jugement de relaxe ainsi conçu : «En ce qui touche la recevabilité de l'opposition; Attendu que l'extrait du jugement ayant été notifié le 30 mars, c'est le 3 avril que l'opposition a été signifiée au ministère public; qu'elle est, en conséquence, dans les délais de la loi ; Que l'opposition signifiée à l'administration forestière ne l'a été, il est vrai, que le sixième jour; qu'en conséquence cette administration soutient que, devant être considérée comme partie civile aux débats, et l'opposition ne lui ayant pas été notifiée à temps, elle devait être rejetée comme irrecevable;

«Mais attendu que, dans l'espèce, la partie civile c'était l'adjudicataire de la pêche au nom de qui le procès-verbal a été dressé et qui ne figure pas aux débats; Que l'administration forestière ne faisait que poursuivre l'action publique concurremment avec le ministère public; Que l'opposition, ayant été notifiée à la partie publique dans les délais, elle est par suite recevable; << Attendu, d'autre part, que c'est dans les cinq jours de la signification du jugement et non pas d'un extrait plus ou moins complet de ce jugement que l'opposition doit être faite ; qu'un extrait seulement ayant été notifié aux opposants, ils seraient encore dans les délais de l'opposition; que, par suite, en admettant que leur opposition dût être signifiée à l'administration, il serait encore temps de le faire; Qu'ainsi elle ne saurait critiquer comme tardive la notification à elle faite le 5 avril courant; << Au fond: :Attendu que les opposants ont été assignés pour l'audience de janvier; que l'affaire ne fut pas appelée, et que, portée sans nouvelle citation à l'audience de février, il fut pris jugement de défaut contre eux; Qu'il est évident que ce jugement est nul comme pris à une audience autre que celle pour laquelle les opposants avaient été cités; qu'il est inutile de s'occuper par suite des autres moyens d'opposition; Vu les articles 187 in fine et 194 du Code d'instruction criminelle; - Sans avoir égard aux moyens

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part, en effet, l'administration des forêts est assimilée aux parties civiles, par le décret du 18 juin 1811, ce qui la rend responsable des dépens dans les poursuites faites en son nom ou à sa requête; d'autre part, elle est chargée par la loi, en matière de pêche comme en matière forestière, de représenter directement l'intérêt public et l'intérêt domanial devant la juridiction constitutionnelle, et elle pent exercer son action soit isolément, soit concurremment avec le ministère public. En somme, comme elle a des droits, des obligations et des intérêts distincts de ceux du ministère public, il importe que l'opposition lui soit signifiée, alors surtout qu'elle peut posséder des moyens de rejet inconnus à ce dernier.

et exceptions contraires, reçoit l'opposition formée contre le jugement par défaut du 24 février dernier; ce faisant, rétracte et annule ledit jugement et condamne l'administration forestière aux dépens, etc. »

L'administration des forêts a interjeté appel de ce jugement.

ARRÊT..

LA COUR: Sur le motif pris de ce que le jugement ne pouvait être notifié par extrait;

Attendu que l'article 209 du Code forestier veut que les jugements rendus à la requête de l'administration forestière soient signifiés par simple extrait, pourvu qu'il contiennent les noms des parties et la disposition du jugement, ce qui a été observé dans l'espèce; que cette signification suffit pour faire courir les délais de l'opposition.

Attendu que l'article 187 du Code d'instruction criminelle porte que la condamnation par défaut sera comme non avenue, si, dans les cinq jours de la signification qui en aura été faite au prévenu ou à son domicile, celui-ci forme opposition à l'exécution du jugement et notifie son opposition tant au ministère public qu'à la partie civile; - Que la notification a été faite au ministère public dans les délais prescrits; mais que celle faite à l'administration forestière l'a été le sixième jour, par conséquent hors des délais de la loi, et qu'elle est donc complétement irrégulière et nulle; qu'en effet, l'administration forestiere doit être assimilée à une véritable partie civile, puisqu'elle seule peut réclamer des dommages-intérêts dans certains cas prévus par la loi, et que, lorsqu'elle succombe dans ses poursuites, elle est condamnée aux dépens, et que, par conséquent, la notification de l'opposition est obligatoire dans son intérêt; qu'il y a donc lieu de rejeter comme irrecevable l'opposition de Fromentin;

Par ces motifs, statuant par défaut contre les prévenus, faisant droit à l'appel de l'administration forestière, réforme la décision des premiers juges et condamne lesdits prévenus aux dépens, etc.

Du 14 juin 1860. (M. Liquier, av. gén.)

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No 4. — COUR IMPÉRIALE DE TOULOUSE (2o Chambre).

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27 juillet 1860.

Pêche, adjudicataire, vente de poisson, acte de commerce. L'adjudicataire d'un cantonnement de pêche fait acte de commerce en vendant les produits de sa pêche; il est, par suite, soumis, quant à ce, à la juridiction commerciale (1).

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Attendu que la convention a pour objet la vente d'une cer

(1) Cette décision repose sur des motifs qui sont loin d'être tous à l'abri de critique; ainsi, nous signalerons particulièrement, comme entachées d'erreur, les deux propositions suivantes, à savoir : 1o que l'activité de l'adjudicataire de la pêche ne peut avoir aucune influence sur la production qui n'est pas soumise à l'action de l'industrie humaine; 2° que l'Etat, qui a la propriété des rivières, est, par cela même, propriétaire des poissons qui y vivent.

La Cour semble avoir perdu de vue, d'une part, que l'on peut, à l'aide de la fécondation artificielle, contribuer puissamment au repeuplement des rivières, et, d'autre part, que le poisson qui peuple les cours d'eau rentre, comme le gibier qui vit à l'état sauvage, dans la classe des choses dites nullius; d'où il suit qu'en vendant le poisson qu'il a capturé, l'adjudicataire ne revend pas ce qu'il a acheté, mais ce qui est devenu sa propriété par droit d'occupation.

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