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N° 37.CONSEIL D'ETAT (Sect. du content.).- 25 mai 1861.

Affouage communal, usage ancien, application, partage, compétence, administration.

C'est au Conseil de préfecture qu'il appartient de statuer sur la question de savoir si un usage ancien attribue une part entière ou une demipart seulement aux filles célibataires admises au partage de l'affouage dans les bois d'une commune: ce n'est point là une question d'aptitude personnelle de la compétence de l'autorité judiciaire (1).

(Demoiselle Piot c. commune de Doulaincourt.)

La demoiselle Piot a formé contre la commune de Doulaincort, devant le tribunal civil de Vassy, une demande en délivrance d'un lot entier d'affouage. La commune a opposé un usage immémorial, d'après lequel les filles n'auraient droit qu'à une demi-part, et elle a décliné la compétence du tribunal, par le motif que la contestation, portant sur le mode de partage des biens communaux, rentrait à ce titre dans les attributions de l'autorité administrative. Devant le tribunal, le préfet de la Haute-Marne est intervenu pour proposer un déclinatoire, qui a été rejeté par jugement du 28 février 1861. Par arrêté du 13 mars suivant, ce magistrat a élevé le conflit.

DÉCRET.

NAPOLÉON, etc.; Vu la loi du 19 juin 1793, la loi du 9 ventôse an XII, le décret du 4 jour complémentaire an XIII; Vu les ordonnances royales des 1er juin et 12 mars 1831;

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Considérant que le litige existant entre la demoiselle Piot et la commune de Doulaincourt porte uniquement sur la question de savoir si un usage ancien atttribue aux filles célibataires admises au partage des affouages une demi-part seulement; qu'aux termes de la loi précitée du 10 juin 1793, sect. 5, art. 2, les directoires des départements étaient chargés de prononcer sur les contestations relatives au mode de partage, soit des fonds des biens communaux, lorsqu'ils sont susceptibles de partage, soit des fruits de ces mêmes biens; qu'il suit de là que c'est au Conseil de préfecture qu'il appartient de connaître de la contestation existant entre la demoiselle Piot et la commune de Doulaincourt, et portée devant le tribunal de Vassy ; - Que dans ces circonstances, c'est avec raison que le préfet du département de la Haute-Marne a élevé le conflit d'attributions;

ART. 1.-L'arrêté susvisé, par lequel le préfet de la Haute-Marne a élevé le conflit d'attributions, et revendiqué pour l'autorité administrative la connaissance du litige pendant entre la demoiselle Piot et la commune de Doulaincourt, est confirmé.

Du 25 mai 1861.-(MM. Marchand, rapp.; L'Hôpital, c. du g.)

(1) Cette décision est conforme à la jurisprudence du Conseil d'Etat. Voir 15 jan vier 1849, come de Courcelles, A. F. B., 4, p. 458; 5 avril 1851, Dalloz, 51, 3, 33; el 3 mars 1853, id., 53, 3, 56; mais elle est contraire à la jurisprudence de la Cour de cassation; Req. rej., 13 février 1844, come de Reynel, A. F. B., 2, p. 76 et civ. cass, 4 mars 1845, come de Vauxbon. id., p. 405. - Voir, sur la question, M. Meaume, Comm. du Code forest., no 836 et suiv., et M. Dalloz, Rep. gen., vo FORÊTS, no 1905.

No 38.-CONSEIL D'ETAT (Sect. du content.).— 17 avril 1861.

Pêche, adjudicataire, patente.

L'adjudicataire ou fermier d'un droit de pêche doit être assujetti à la patente en cette qualité, alors même qu'il ne pêche que pour son agrément et les besoins de sa maison, et qu'il ne vend pas de poisson (1).

(Min. des finances c. Jeaunez, Bailly, etc.)

Par quatre arrêtés, en date des 12 mars et 18 avril 1860, le Conseil de préfecture de l'Yonne a accordé aux sieurs Jeaunez, Bailly, Ragon et Hurtebize décharge des droits de patente auxquels ils ont été imposés, pour l'année 1859, sur le rôle des patentables des communes de Vermanton, etc., comme exerçant la profession d'adjudicataires du droit de pêche sur la Cure, l'Armençon et l'Yonne. Ces arrêtés sont motivés sur ce que les demandeurs ne pêchent que pour leur agrément et les besoins de leurs maisons; qu'ils n'ont jamais vendu de poisson, et qu'en conséquence ils n'exercent pas une profession.

Le ministre des finances s'est pourvu devant le Conseil d'Etat contre ces arrêtés. Les sieurs Jeaunez et consorts se sont abstenus de défendre à ce pourvoi.

DÉCRET.

NAPOLÉON, etc.; Vu la loi du 4 juin 1858 ; Considérant que la loi du 4 juin 1858 (tableau C, 5 partie), soumet à la contribution des patentes les adjudicataires de pêche;

Considérant que les sieurs Jeaunez, Bailly, etc., reconnaissent qu'ils se sont rendus adjudicataires pour l'année 1859, de divers lots de pèche dans les rivières de la Cure, de l'Armençon et de l'Yonne; que, dans ces circonstances, c'est à tort que le Conseil de préfecture leur a accordé décharge des droits de patente auxquels ils ont été imposés pour l'année 1859, sur le rôle des patentables des communes de Vermenton, d'Arcy-sur-Cure, de Charmoy et de Mailly-le-Château.

ART. 1er- Les arrêtés du Conseil de préfecture de l'Yonne, des 12 mars et 18 avril 1860, sont annulés. ART. 2. (Les contribuables sont rétablis au rôle.)

Du 17 avril 1861.-(MM. Chauchat, rapp.; Ch. Robert, c. du g.)

N° 39, CONSEIL d'ETAT (Sect. du content.). 17 juillet 1861.

-

Pêche, adjudicataire, patente.

L'adjudicataire ou fermier d'un droit de pêche ne doit pas être assujetti à la patente en cette qualité, lorsqu'il ne fait pas de l'exercice de son droit l'objet d'un commerce, d'une industrie où d'une profession (2).

(Jannesson c. Ministre des finances.)

Le sieur Jannesson, juge de paix à Lauterbourg, s'est pourvu devant le Conseil d'Etat contre un arrêté du Conseil de préfecture du Bas-Rhin, du

(1) Le Conseil d'Etat s'est prononcé en sens contraire, par une décision du 17 juillet 1861, affaire Jannesson, qui paraît beaucoup plus conforme à l'esprit de la loi du 25 avril 1844. Voir aussi Toulouse, 27 juillet 1860, affaire Olivet, ci-dessus, p. 7.

(2) Voir la décision qui précède et la note.

14 juillet 1860, qui a rejeté sa demande en décharge des droits de patente auxquels il a été imposé, pour l'année 1860, sur le rôle de la commune de Lauterbourg, comme adjudicataire du droit de pêche dans une rivière. — A l'appui de ce recours, le sieur Jannesson soutenait que, comme il ne pêchait que pour son agrément et ne vendait pas de poisson, il ne pouvait être considéré comme exerçant une industrie, un commerce ou une profession, seuls cas dans lesquels, aux termes de l'article 1 de la loi du 25 avril 1844, un droit de patente puisse être établi.

Le ministre des finances a combattu ce pourvoi par ces motifs que la loi impose à la patente l'adjudicataire de la pêche, sans se préoccuper des profits qu'il pouvait tirer de son droit ; que d'ailleurs le fait seul de cette adjudication devait faire présumer l'exercice de la profession ou du commerce correspondant, et que l'extrême modicité de la patente, qui est de 3 francs de droit fixe, plus 1 par 1.000 francs du prix de ferme, jusqu'au maximum de 100 francs, prouvait que la loi n'avait pas entendu s'arrêter à cette considération; qu'enfin, l'exemption établirait une inégalité entre les concurrents à l'adjudication ou les adjudicataires.

DÉCRET.

NAPOLÉON, etc.; Vu les lois du 25 avril 1844 et du 4 juin 1858, tableau C; Considérant qu'aux termes de l'article 1 de la loi du 25 avril 1844, pour être assujetti à la patente, il faut exercer un commerce, une industrie ou une profession;

Considérant que, si le sieur Jannesson s'est rendu adjudicataire d'un droit de pêche, il ne résulte pas de l'instruction qu'il en fasse l'objet d'un commerce, d'une industrie ou d'une profession; que dès lors c'est à tort qu'il a été imposé et maintenu, pour l'année 1860, sur le rôle des patentables de la commune de Lauterbourg comme adjudicataire d'un droit de pêche; L'arrêté susvisé est annulé. ART. 2.

ART. 1er. charge, etc., etc.

Il est accordé dé

Du 17 juillet 1861.- (MM. De Guigné, rapp.; Chamblain, c. du g. ; MichauxBellaire, av.)

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DÉCISION DU MINISTRE DES FINANCES. 11 novembre 1861.

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Ecole impériale forestière, élèves externes.

Des places d'auditeurs libres, au nombre de vingt à vingt-cing, seront mises, dans les amphithéâtres de l'Ecole impériale forestière, à la disposition des Français ou étrangers qui en feront la demande. Les demandes devront être adressées, avant le 1er septembre de chaque année, au directeur général des forêts, qui statuera sur la suite à y donner.

Le Moniteur universel a publié, dans son numéro du 12 novembre 1861, un avis ainsi conçu :

« MINISTÈRE DES FINANCES:-Le gouvernement a reçu et accueilli, à diverses époques, un assez grand nombre de demandes formées, soit par des nationaux, soit par des étrangers, et ayant pour objet de faire admettre des jeunes gens à suivre, en qualité d'élèves externes, les cours de l'Ecole impériale forestière établie à Nancy.

« La même faveur a été sollicitée tout récemment par les Conseils généraux et par des sociétés d'agriculture, dans l'intérêt des propriétaires de bois et des jeunes gens se destinant à la gestion des forêts particulières.

« Le gouvernement ne peut que favoriser cette tendance utile au dévelop

pement de l'une des branches importantes de la richesse publique, puisque, en France, les 5/8 des bois appartiennent à des particuliers. D'un autre côté, le gouvernement n'a jamais hésité à faire profiter les nations voisines des progrès qui s'accomplissent en France.

En conséquence, voulant généraliser une mesure qui n'avait été, jusqu'à présent, qu'une faveur, le ministre des finances a décidé, le 11 novembre courant, que vingt à vingt-cinq places d'auditeurs libres seraient mises, dans les amphithéâtres de l'Ecole impériale forestière de Nancy, à la disposition des Français ou étrangers qui en feront la demande.

a Ces demandes devront être adressées, chaque année, avant le 1er septembre, au directeur général des forêts, qui statuera sur la suite à y donner d'après les nombres des places disponibles et d'après les garanties présentées par les postulants.

La durée de l'enseignement est de deux ans. Il comprend la sylviculture l'aménagement, l'histoire naturelle, le droit forestier, les éléments de droit administratif, la mécanique, la topographie et la construction des routes, usines et maisons forestières. »

No 44. — Circulaire de l'administr. des forêts, no 809.- 18 nov. 1861. Lieutenants de louveterie, attributions.

Instruction relative aux attributions des lieutenants de louveterie (1).

Monsieur le conservateur, un arrêt de la Cour de cassation, du 6 juillet dernier, vient de fixer la jurisprudence sur la portée des dispositions de l'ordonnance royale du 14 septembre 1830, qui confére à l'administration des forêts la surveillance et la police de la chasse et de la louveterie dans les bois appartenant à l'Etat.

Il s'agissait de savoir si les lieutenants de louveterie ont le droit :

1° De procéder, dans ces bois, à des chasses particulières aux loups et autres animaux nuisibles, malgré l'opposition des agents forestiers locaux, à la seule condition d'informer ces agents des jours où les chasses projetées auraient lieu;

2o D'appeler à ces chasses, de leur seule autorité, des auxiliaires en tel nombre qu'ils jugent convenable, en sus du piqueur et des valets compris dans l'équipage qu'ils doivent entretenir.

Contrairement à la décision du tribunal correctionnel de Rennes, la Cour impériale de la même ville s'était prononcée pour l'affirmative, par un arrêt du 13 février 1861.

Sur le pourvoi de l'administration des forêts, la Cour de cassation (chambre criminelle) a cassé cet arrêt par les motifs suivants :

« Attendu, sur le premier point, que l'ordonnance royale du 15 août 1814 (2) plaçait dans les attributions du grand veneur la surveillance et la police de la chasse dans les forêts de l'Etat et la louveterie ;

Que le règlement organique de la louveterie, approuvé par le roi le 20 août 1814, et revêtu de la signature du ministre de la maison du roi (3), met derechef la louveterie dans les attributions du grand veneur et y fait entrer le droit de nommer les officiers de louveterie, de prendre les dispositions nécessaires pour l'exécution des arrêtés concernant la destruction des

(1) Cette instruction a été portée à la connaissance des préfets par une lettre circulaire du 19 novembre 1861.

(2) Bulletin des lois, année 1830, IIe partie, bulletin 15, no 256.

(3) Bulletin des lois, année 1832, IIe partie, ire section, bulletin 176, no 4327.

animaux nuisibles, et de donner des instructions et des ordres pour tout ce qui s'y rapporte ;

«Que de pareilles dispositions conféraient virtuellement au grand veneur la faculté d'empêcher celles des chasses projetées par les lieutenants de louveterie qui lui paraîtraient intempestives;

« Qu'en 1830, la grande vénerie se trouvant supprimée, et la louveterie continuant à fonctionner, l'ordonnance royale du 14 septembre même année, a transféré provisoirement à l'administration forestière la police et la surveillance de la chasse dans les forêts de l'Etat, et l'a chargée de remplir à cet égard les fonctions attribuées jusque-là au grand veneur ;

« Qu'à partir de ce moment, cette administration a été substituée au grand veneur dans ses rapports avec les officiers de louveterie, et qu'elle se trouve maintenant investie à son lieu et place du droit d'empêcher, par l'entremise de ses agents locaux, quand il y a lieu, l'exécution des chasses annoncées par les louvetiers;

«Attendu, sur le second point, que le règlement du 20 août 1814, en prescrivant au louvetier d'entretenir un équipage de chasse dans lequel entrent au moins un piqueur, deux valets de limiers et un valet de chiens, fait de ces serviteurs ses auxiliaires obligés ;

Mais qu'aucune disposition de ce règlement ou des lois de la matière ne reconnaît au louvetier le pouvoir d'appeler arbitrairement, de sa seule autorité, et sans le concert avec l'administration des forêts et avec le préfet, dont parle le même réglement, quand il s'agit de battues, et de faire concourir à la chasse tel nombre d'auxiliaires qu'il lui plaît; que le contraire s'induit de la disposition de ce règlement portant que c'est par les gardes forestiers que le louvetier doit faire entourer les enceintes et faire tirer au lancé les loups qui ont été détournés ;

D'où il suit qu'en jugeant le contraire... l'arrêt attaqué a violé les articles 1 et 11 de la loi du 3 mai 1844, ainsi que l'ordonnance du 15 août 1814, l'ordonnance règlementaire du 20 du même mois, et l'ordonnance du 14 septembre 1830, etc. »

La Cour impériale d'Angers, saisie de l'affaire sur renvoi de la Cour de cassation, a, par un arrêt du 27 septembre dernier, donné une nouvelle consécration à ces principes qui devront, à l'avenir, servir de règle dans les rapports entre les agents forestiers et les lieutenants de louveterie (1)..

L'administration ne pourrait agir autrement sans provoquer des réclamations de la part des adjudicataires du droit de chasse dans les forêts domaniales, qui sont généralement portés à considérer comme une atteinte à leurs droits toute chasse particulière aux animaux nuisibles exécutée par les officiers de louveterie en dehors du cas de nécessité dûment reconnue.

L'administration, monsieur le conservateur, apprécie les services rendus par les lieutenants de louveterie; elle n'entend nullement restreindre leurs prérogatives; elle ne veut que les maintenir dans les limites tracées par les règlements et par le respect des droits des tiers.

Les agents forestiers ne devront donc s'opposer ni aux chasses particulières dont l'utilité serait justifiée, ni à l'admission des auxiliaires réellement indispensables aux louvetiers pour en assurer le succès. Quant aux jours où ces chasses auront lieu, ils devront être fixés de manière que le service forestier n'ait point å en souffrir.

Il vous appartient, monsieur le conservateur, de statuer sur les réclamations qui pourraient être formées par les officiers de louveterie contre les oppositions mises par les agents forestiers locaux à l'exécution des chasses projetées. En cette matière, le recours à l'autorité préfectorale ne serait ouvert qu'autant que les louvetiers demanderaient à substituer une battue

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(1) Cet arrêt sera inséré dans une des prochaines livraisons du Répertoire.

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